- C'est gentil, merci. Je réponds, avec un picotement dans mes joues m'informant que je suis rouge comme une tomate.

- Mais je suis sûre que s'il avait entendu le tien, il ne dirait pas la même chose. Je lance, espérant ainsi détendre l'atmosphère et énoncer une information que je ne peux pas croire fausse, tant tout est beau, chez lui, même les amnésies présumées.

Je troque le réconfort de son sourire à la douleur de mes souvenirs morts.
Cruel envers moi, je n'essaie pas d'apaiser le chagrin qu'imposent mes pensées.
Malheureux par volonté, j'abandonne ma joie sincère pour une peine, idem.

Et c'est toute la chaleur d'une vie qui empourpre ses joues pour me contredire.
Dieu que les couleurs sont jolies... Retiens-les pour mieux les chanter, Charlie.

- C'est gentil, merci.

J'aimerais lui dire là, maintenant. Non, je préfèrerais le lui écrire.
Que je ne sais pas par quoi commence la vie sans mes parents,
que je suis figé, dépouillé dans le temps et ce, depuis mes douze ans.

J'ai peur de l'image que j'ai d'un avenir sans eux. Qu'il parle de présent.
Mon cas est en train d'agoniser à côté de la carcasse d'une voiture brisée.
La vie sans les couleurs de leurs voix m'effraie et je connais ce temps.
Je ne veux pas vivre sans eux ni même mourir pour les abandonner.

Putain, je crois que je suis épuisé.

- Mais je suis sûre que s'il avait entendu le tien, il ne dirait pas la même chose.

Le soleil, hein ? Je ne suis même plus certain de me fier à lui, de comprendre ses secrets.
Aussi vrai qu'il guide mes nuits hantées, sa course jalouse celle de la lune qui me suit.
Parce qu'il n'y a qu'elle pour arracher mon sourire et le cacher derrière ses reflets.
C'est elle qui choisit de me faire chanter ou pleurer. De voler mon rire, de l'emporter.

Puisque le soleil lèche la vie comme il la brûle, je jure que la lune l'imite à l'opposé.
Froide, immaculée, elle témoigne des enfances brisées et de tous les rires endeuillés.
Je jure qu'elle brille des éclats de ma voix, que nos souvenirs ternissent ses courbes.
Nous, orphelins paumés, adultes malgré nous, compagnons de chagrin, chanteurs de tout.
J'espère seulement qu'ils sont brillants, mes étoiles de parents.

- Ah oui, qui sait ?

Je sens mes yeux accueillirent toute la complicité des légèretés d'Ashley.
Et c'est aussi cette chaleur qui rapproche la mort de moi, il ne comprend pas.
C'est le calme de ses mains qui alarment tous mes tourments, changés.
A croire que le bien empoisonne mon cœur qui refuse d'être réanimé.
Si elles pouvaient parler, mes entrailles prieraient qu'on me laisse crever.

Et ma mère se demande depuis quand son fils est allergique au bonheur.
Si elle savait que la réponse à sa question est gravé sous le marbre de son nom...

- J'y pense. Qu'est-ce que tu faisais, toi, avant de m'appeler ?

Elle se demande pourquoi le doux de ma voix abime ma gorge au lieu de la caresser.
Pourquoi mon sourire naissant et tranquille retient les battements de mon cœur pincé.
Comment font mes mains pour ne pas trembler malgré la peur qui secoue mes pensées.
Qui a fait naitre mes idées lunaires et toutes les chansons qui parlent de leurs prénoms.
Pour quoi est restée cette résolution d'enfant de ne plus manger le matin sans elle.
S'il est possible que je guérisse mon âme meurtrie par tant de douleur...
Quand est-ce que je réussirai à lécher mes plaies, si seulement j'essayais.

Mais elle sait. Elle sent le mal qui fissure mon âme, les bleus sur mon cœur.
Et surtout les espoirs déjà morts du monde qui me ressusciterait, les envies d'Ashley.

- Bah, je ne sais pas si tu te rappelles... Tu as dû avoir un drôle de message, un jour. Un espèce de "Umph", puis fin de la communication... Bah pour éviter de recommencer, avant de t'appeler, j'ai écris ce que je voulais te dire...

- Et toi ? Je demande après m'être pincé les lèvres pour me forcer à ne pas poser l'autre question.

Je me fatigue, sérieusement, suis la raison de mon anéantissement. Quel con.
Tout incapable de salir mon passé, j'y plonge les mains si bien, ouais si bien.
Au point où mon cœur est terrassé, raide épuisé d'avoir à toujours s'arque bouter.
S'il l'on traçait tout simplement, un vrai pont, de mon passé au présent ?
Ce serait si simple, si beau, vraiment. Un détour pour embrasser maman.

J'attends la réponse d'Ashley sans le savoir vraiment, guette un à priori apparemment.
Inconscient des anges, je n'accroche plus sur leurs passages qui nous rongent.
Le silence amour, c'est la déclaration des flammes éreintées. Un baiser volé. Chut, tu sais.

- Bah, je ne sais pas si tu te rappelles... Tu as dû avoir un drôle de message, un jour. Un espèce de "Umph", puis fin de la communication... Bah pour éviter de recommencer, avant de t'appeler, j'ai écris ce que je voulais te dire...

Chaque syllabe me percute, ses accents m'amuse et mes lèvres lui font savoir.
Je médite ses mots qui s'inventent seuls des échos, se suffisent, comble mes défauts.
Ce message à penser vrai, je l'avais oublié. A tout le temps, partout, toujours donner.
Mon numéro à moi, il a du faire le tour de Manhattan déjà. Connu de tous les doigts.

J'esquisse cet air touché, mens au vent en songeant à son histoire de papier.
Et ses pensées ont des louanges a déclarer aux miennes, c'est une jolie idée.
Je songe dans un geste que des messages comme le sien, j'en ai toute la journée.
Passe des heures à en écouter, les adorer, en regretter et puis tous les conserver.
Leur répondre pour leur dire oui, à tous leur dire merci. Les réconforter, parler.
Tant de conseils muets, d'accolades fantômes, de poussière et puis moi, derrière.

- Mes frères trouvent cette pratique débile, mais en attendant, je t'aurais sûrement raccroché au nez, si je n'avais pas eu ce papier.

Quoi, me laisser planter là, encore une fois ? J'en souris, son honnêteté me souffle.
Notre conversation de tout à l'heure toujours encrée dans mon esprit, j'essaie de me
rappeler aux mots qu'elle m'a dit sans savoir alors qu'elle lisait son dialogue, sa vie.

- Et toi ?

Voilà, c'est celle-là que j'attendais. Sans la redouter toute fois, ni même m'en régaler.
Je l'attendais merde, c'est tout, parce qu'il était dit qu'elle allait arriver, me percuter.
Mais surtout parce qu'elle me renvoie à sa réponse future qui me transperce d'extase.
Je me souviens avant même d'apercevoir le chemin, devine son temps, reprends le mien.
Et ne sais comment répondre. Me contente d'y penser, pour changer.

J'étais avec elle, et faisait ce que je fais de mieux au monde, je le sais. C'est pourquoi je suis né.
L'aimer, c'est tout ce que je sais chanter, faire bien sans jamais penser à hier ou demain.
Le lui prouver c'est la meilleure danse que nous ayons jamais inventé, tellement endiablée.
En fait Ashley, je faisais l'amour à ma femme, tu vois. C'était son corps qui se posait devant moi.
Et j'ai toujours son effluve sur les doigts, le goût de sa langue sur la mienne. J'ai ma reine.

- J'étais avec-

Des secousses étrangères à mon corps le réveille, on m'appelle. Et devinez quoi, c'est elle.
Je ne l'ai pas encore trouvé que je le sais, je n'ai pas touché mon portable, et je sais.
Une paillette époustoufle mes yeux qui doucement rayonnent de se savoir voyants.
Parce que son visage, même figé, va s'offrir à eux. Je souris à m'en faire mal, pire que jamais.
Me penchant sur l'arrière, je glisse une main pressée contre ma cuisse, trouve l'objet.

Je retire mon portable et la voilà, rayonnante d'un rien. Je la calcule, rien qu'un moment.
Et je ne peux m'empêcher de répondre à ce sourire vivant de magie, vibrant de vie.
Le lui renvoie, à chaque fois que je la vois. Cette photo presque floue, prise par moi.
D'un instant volé qui s'éternise dans le matériel, se fige pour mieux devenir immortel.
Ma Sofia, ses épaules nues, ses cheveux défaits, ses yeux incroyables riant aux éclats.
J'ai mal au cœur de le savoir aussi souffrant, il s'emballe comme toujours, a huit ans.

- Elle ! je complète enfin dans un éclat qui ne cache pas ma fierté tout en montrant à Ashley la photo qui illumine le portable qui vibre encore.

Retrouvant sa lumière, je lis avec une tristesse à la gorge que ce n'est qu'un message.
Que sa voix n'accompagne pas cette minute parfaite. Bien que j'adore ses mots, c'est un fait.
Une photo pour du texte, ce portable est bête. Mais je lui pardonne l'affront, si facilement.
J'ouvre le sésame, me régale de ces lignes qui chamboulent mon petit chemin.

Je lève mon regard vers Ashley, range le téléphone sans la quitter des yeux, lui sourit.
Des nuances aux lèvres, je retrouve la sincérité d'un sourire sans douleur, moins accrocheur.
C'est en ne suivant plus ma bouche que je réalise que je suis en train de parler.

- Elle dit qu'elle s'occupe de lui. Notre chien, je veux dire. Que tout va bien, qu'elle préfère me savoir avec toi, parce qu'elle sait que je flippe toujours, chez n'importe quelle sorte de médecin. Surtout quand il ne me répare pas moi. Enfin me soigne, tu vois. Elle dit que... quelques autres choses et conclue par une promesse. Elle finit toujours comme ça tu sais ? On se promet. Oh, et ce soir, c'est à moi de faire à manger.

Mon coeur accuse une piqure étrangère à son monde, une forme nouvelle de regret, immonde.
J'ai cette froide impression d'étaler sur Ashley, la totalité de mes horizons, quel con.
Je la noie sous une flopée de conneries que sa vie ignore, et ne souhaite pas écouter.
Je perds son temps avec mes pensées, avec mes riens. "Ce soir je fais à manger", mais putain.
Le monde s'en branle Charlie, la Terre n'en a rien à foutre, de tes envies.

Une tiédeur lente s'éprend de moi lorsqu'elle court partout, jusqu'au bout de mes doigts.
J'ai l'envie d'elle sur tout le corps et le souvenir de mes mots, presque morts.
Le froid de mes idées m'emmerde tant il contraste avec la flamme de ses sourires.
L'incandescence de ses paroles lancées dans un vent qui m'épouse et m'aimera. Tu sais quoi ?
C'est l'histoire de cette rencontre, quoi qu'il en soit, c'est comme ça : Elle, contre moi.
Comme si parler d'elle allait te permettre de la garder toujours ta Sofia. J'te jure, t'es le roi.

Je regarde Ashley de mes yeux toujours perdus entre les temps de cette vie qui me dérange.
Je fous un bordel monstre dans ma tête qui ne s'en remettra pas, j'ai le coeur qui me démange.

- Parle-moi d'elle, s'il te plait.

Je réplique à son sourire de magicienne en lui offrant le même. En moins vivant, évidemment.
Je sens la fatigue couchée sous mes yeux noirs, immortelle gardienne de mes cauchemars.
En vérité, je ne saurais même pas par où commencer. Parce que tu vois, c'est presque terminé.
Pas notre histoire, non, juste la partie qui nous voit nous aimer comme des tarés.
Toutes ces possibilités mourront bientôt, parce qu'elle couchera sur moi un regard nouveau.
Se dire que finalement, il n'y a là rien de beau. N'a jamais rien eu, sérieusement.

A peine un sourire d'enfant, un brin d'une tendresse morte née, parce que condamnée.
A etre seule, résolument sale d'un sang familier et décimée. D'entrée de jeu, décimée.
Tu sais de quoi j'aimerais vraiment parler ? De toi, de la fatigue, et puis de toi.
Parce que toi, c'est ce qu'il y a de plus éloigné de moi. J'ai les ombres de tes soleils.

Partout sur ma peau, loin en mon coeur, j'ai les ténèbres de tes sourires époustouflants.
Je suis la misère que tu ressens parfois et sache que tout ce que tu accuses, je l'ai en moi.
Je déborde d'un chagrin immonde qui de temps en temps va entacher la vue des autres.
Des gens biens, des gens beaux, des heureux presque innocents de la Terre et ses vices.
Je suis, ma fatigue vois-tu, tout un lot de tes anciennes cicatrices.

- Oh, ça me plait, je souris dans un regret magnifique qui me bouffe de ses dangers. Tu veux savoir quelque chose, en particuliers ?

Hormis, tu sais. Ma petite envie de crever quand elle pose ses yeux sur moi
La façon dont elle m'aime et cessera bientôt de me le danser.
Les couleurs de mes envies qui s'inspirent toutes de ses traits.
Mes conneries, mes regrets, mes sentiments, mon passé.
N'importe quoi, sauf moi. Tout, mais... Hormis, tu sais.