Assise contre un arbre, j'observe les gens s'affairer, se préparer psychologiquement aux festivités. Tout le monde a un quelqu'un avec qui parler, sauf moi, qui me suis isolée, pour mieux les regarder. Mieux les comprendre, ces gens qui me dévisage comme si j'étais une excentrique, simplement parce que je n'ai pas de jolis souliers. Je n'ai jamais voulu en acheter, les rangers, c'est sacré. Puis, de toute façon, je n'avais pas prévu d'y venir, à ce mariage, avant hier. J'ignorais tout de cette union. Même pire ! Je ne connais aucun des deux mariés. Je suis juste là parce que Nathan me l'a demandé et qu'il m'a promis qu'il y aurait de l'alcool et des petits-fours. Mais même s'il n'avait pas fait cette promesse, je l'aurais suivi. Juste pour lui. Et pour Ethan, qui aurait sûrement voulu s'y incruster, pour voler des idées pour le notre. Apparemment, aller à Las Vegas ne l'emballait pas, il voulait un truc officiel, dans lequel on inviterait nos amis... Moi, je m'en fichais, de toute façon, nos amis, c'étaient des clodos, donc ça ne risquait pas d'être trop chiant, et on aurait pas eu de restes à ramener ; ils auraient tout bouffer, même les dragées que tout le monde garde pour décorer, parce qu'ils trouvent ça dégueu, mais que hey ! c'est la tradition. Cela dit, quitte à choisir, j'aurais quand même pris Elvis, pour officier.

Bref, assise contre mon arbre, je regarde les gens se faire des sourires faux, des visages radieux, des jeunes dames en pleurs et m'imagine avec Ethan adossé cet arbre, moi blottie contre lui tandis qu'il se moque d'eux. Cette femme, là, en bleu ; il l'aurait regardée, aurait eu un petit rire avant de dire : "Regarde-moi toute ces plumes, elle a bouffé un perroquet, ou quoi ?" Je ris, en imaginant cette scène, sachant que c'est ce que j'aurais fait avant de rétorquer : "On peut toujours lui demander. Si elle hurle d'abandonner le navire, on sera fixés". Là, il aurait sourit et m'aurait embrassée. Si passionnément que la dame en vert qui regarde mes pieds d'un air réprobateur en aurait été outrée, elle nous aurait virés à coups de pieds. Je souris en la gratifiant d'un clin d'oeil qu'elle ne peut pas comprendre avant de regarder ailleurs, cherchant quelque chose qui puisse me motiver à me lever. Tiens, et si j'allais parler au gars en costume bleu nuit, celui qui a l'air de se prendre pour un gros caïd de la mafia. J'ai envie de lui poser une question à la con, pour lancer la conversation. Lui demander pourquoi la Bourse a arrêté de bander, je suis sûre qu'il le sait. Il suffit de regarder comme il est fringué, forcément friqué.

Mais il y a une blonde qui parle avec lui, et je mets un moment à reconnaitre Lexie. La belle Lexie, une fille allumée, bien comme il faut, que j'apprécie beaucoup, malgré le peu de fois que l'on s'est vue. Elle a Le truc, ce truc qui fait que ça ne m'étonne pas du tout que Nathan l'est élue comme meilleure amie. Je ne pourrais pas le décrire, elle le porte juste en elle. Je mets un moment à comprendre pourquoi je ne l'ai pas reconnue tout de suite : je ne l'ai jamais vue coiffée. Elle est belle comme ça, on dirait un bonbon.

Je me lève, décidée à les rejoindre, quand je vois qu'ils prennent congés l'un de l'autre, partant chacun d'un côté. L'idée de choisir le mec à la Bourse qui ne bande pas me tente, il a une tête marrante, mais je décide néanmoins de m'approcher de Lexie, préférant profiter de l'occasion pour mieux la connaitre. Je ne sais d'elle que ce que Nathan me dit, et j'avoue que le voir de mes propres yeux, je ne dis pas non. Il y a des gens comme ça, il faut les voir, pour y croire. Alors je me déplace au milieu de la foule. Je fais tâche avec mes cheveux détachés, ma robe d'été et mes rangers, et savoir ça me donne envie de danser la danse des canards. Mais ce n'est pas sexy, alors je ne le fais pas. Je me contente de rejoindre Lexie en faisant des clins d'oeil à tous les mecs qui me regardent passer, juste pour énerver leurs femmes au regard carnassier.

C'est la première fois que je vois Lexie sans Nathan. J'ai l'impression qu'il lui manque quelque chose, comme si elle n'était pas entière et cette sensation est bizarre quand on sait que cette jeune fille en vaut deux ou plus. Mais je ne sais pas, je ne l'ai connue qu'avec lui, du coup, ça me perturbe, même si je me doute qu'il n'est pas très loin. Il doit sûrement être en train de se faire piétiner par un banc de jeunes filles hystériques en chaleur tellement son costume lui va bien.

Tout sourire, je continue dans ma lancée.

Loin de Chuck, elle se sentit un peu seule. Elle avait l'impression qu'un bordel montueux se formait dans sa tête, renvoyant des images de lui à la pelle. Alors, elle a sourit, parce qu'avoir Chuck dans ses pensées étaient une bonne chose, après tout, et qu'on ne pouvait qu'en sourire. Qu'importe le bazar dans sa tête, elle en ferait une mélodie, pour s'en défaire.

Et puis, elle a aperçu Shanya, qui regardait des gens, distribuant des clins d'œil comme d'autres donnent des tracts. Elle fronça les sourcils, cherchant ce qu'elle cherchait à promouvoir, avant de se dire que, quoi que ce soit, elle y arrivera, parce que Shanya, en plus d'avoir un beau prénom, avait un si joli sourire qu'elle pouvait faire faire aux gens ce qu'elle voulait, juste comme ça.

Shanya s'est arrêtée devant elle, lui arrachant un sourire encore plus grand. « Et bah dis donc, Lexie, tu es magnifique. Cette robe te va à ravir et j'adore les fleurs dans tes cheveux. » Elle a levé la main vers ses cheveux, incertaine. Elle avait mal à la tête, avec toutes ces épingles, qui lui griffaient la peau. Mais elle a pensé qu'au moins, elle avait eu le droit d'y mettre des fleurs, et que même si elle n'avait plus ses perles, ses plumes et autres breloques, ses cheveux continuaient d'être un peu eux, en quelque sorte. « Tu sais que c'est le premier mariage dans lequel je me rends ? C'est marrant, en plus, quand on pense que je n'ai même pas été invitée. C'est pas un peu couillon quand le tout premier mariage dans lequel on va est celui de deux inconnus ? J'ai l'impression d'avoir loupé une étape importante dans ma vie. »

Elle aimait bien Shanya. D'abord, parce qu'elle parlait beaucoup, racontait plein de choses. Et chacun de ses mots faisait rêver Lexie, l'emmenait vers un ailleurs qu'elle adorait, bâti tout entier par la seule force de ses mots. Elle aurait aimé la connaître avant, pour voir toutes ces choses qu'elles disaient, en faire des symphonies, la suspendre un peu partout, dans sa salle de piano.
Elle aimait bien Shanya parce qu'elle ressemblait à Nathan, aussi. Elle n'arrivait pas vraiment à trouver en quoi ils étaient un peu pareils, tous les deux, mais elle s'en fichait, parce qu'elle savait qu'ils se ressemblaient. Sauf que Nathan avait de plus beaux cheveux. Elle avait hoché la tête, doucement, se sentant coupable. Elle eu envie de pleurer, sans comprendre pourquoi, d'avoir été si méchante. Alors, elle a enlevé deux des fleurs dans ses cheveux, comme pour se punir, pour se sentir moins jolie. Shanya avait de jolis cheveux, elle le pensait vraiment. C'était idiot, de dire le contraire.

Mais Shanya a rit, et Lexie l'a imité, parce qu'elle avait un rire qu'on se sentait obligé de suivre, dès lors qu'il était lâché, tant il était parfait. « Heureusement qu'il y aura du champagne pour rattraper ça. Elle est gentille, cette Marianne ? J'aurais bien aimé la voir, c'est frustrant de ne faire que l'imaginer. Enfin ça ne me gâche pas non plus ma journée, donc ce n'est pas si grave non plus, mais quand même, j'aimerais bien savoir avant de la voir avancer dans l'allée... Ca me turlupine un peu. » Elle a craqué un sourire immense, un sourire d'enfant, sa lèvre coincée entre ses dents, puis a tendu les deux fleurs qu'elle avait enlevé de ses cheveux, pour les donner à Shanya. « Pour me faire pardonner. J'ai pensé que tes cheveux étaient moins beaux que ceux de Nathan. Mais j'aime tes cheveux. »

Et puis, elle a joint ses mais, ressortant son sourire d'enfant. « J'aime ce mot, turlupine. Il est amusant à dire, je trouve : turlupine. Je vais essayé de le dire souvent, et puis, je penserai à toi, à chaque fois. Il te ressemble, je crois. Il est amusant, et joli, aussi. Tes mots sont tous jolis, mais je pense que c'est celui-ci, mon préféré. » Elle a répété tous les mots que Shanya avait pu prononcé, les trouvant différents lorsqu'elle les pensait, de la façon dont Shanya pouvait les prononcer. Mais elle a hoché la tête, parce que ce mot ci était définitivement son préféré.

Puis, en répétant ses mots, elle s'est souvenue : « Marianne, elle est magique. Elle n'est pas très grande, mais tu te sens toujours un peu comme une enfant, quand tu es avec elle. Elle a trois grains de beauté sur le nez, une seule mèche de cheveux un peu bouclée, et de grands yeux bleus, des yeux d'amoureuse. Elle fait les meilleurs gâteaux de la ville et te donne l'impression d'être la maman de tout ceux qui rentre dans sa boulangerie. Et aujourd'hui, elle ressemble à une princesse, vraiment, même s'ils ont lissé sa mèche bouclée. Moi, c'est ça qui me turlupine. Je veux dire, c'est insensé, ce qu'ils font aux cheveux de tout le monde, aujourd'hui. J'aime sa mèche bouclée. » Mordant sa joue, elle a soupiré, un peu triste, avant de se dire que, de toute façon, sa mèche bouclée sera de retour, dès demain. Et que, pour qu'un mariage soit parfait, il fallait surement que tout le monde soit bien coiffé.

Oui, j'aimerais savoir qui est cette mariée. J'aimerais que e mariage commence, pour que je puisse m'assoir sur une de ces chaises à côté de Nathan, tandis que d'autre personne se dirait "oui" pour la vie, pendant que je n'aurais d'yeux que pour lui, ses dreadlocks et ses plumes qui danseraient un peu au vent. Je trouve ça tellement poétique, de pouvoir être avec quelqu'un comme lui dans un moment comme ça. Je veux savoir si la mariée vaut ce moment magique, ça me ferait chier de célébrer le bonheur de deux connards, pendant que le mien est comblé. Ca gâcherait. Mais d'un côté, je me dis que la mariée qui choisit Lexie comme demoiselle d'honneur et qui arrive à lui donner envie de s'attacher les cheveux pour lui faire plaisir doit forcément être cool. Lexie ne se serait peut-être pas donné tant de mal pour quelqu'un qui n'en vaut pas la peine. Si ?

Je regarde la belle me sourire en se mordant la lèvre et la voit me tendre des fleurs. Je n'avais même pas vu qu'elle avait retirer des coquelicots de sa coiffure, pendant que je parlais, mais maintenant que je les vois dans sa main, ça me revient. Elle avait fait une drôle de tête, une grimace, mais j'avais pensé que c'était juste quelque chose que j'avais dit. Je pensais qu'elle trouvait peut-être ça nul que mon premier mariage soit celui de deux inconnus. C'est surtout incroyable de penser que mon premier mariage allait être le mien, surtout. C'est insensé, comme elle dirait.

Sa phrase me fait rire, j'aime qu'elle ait la tendresse d'une enfant, son honnêteté et cette innocente. Elle culpabilise pour quelque chose qu'elle n'a pas fait, juste pensé, et je trouve ça adorable, digne d'elle. Mais je ne lui en aurais voulu que si elle me les avait tirés, les cheveux. J'ai depuis longtemps perdu l'envie d'aimer mes cheveux, Ils n'ont pas de coupe, c'est Ethan qui me les a raccourcis en dernier. Et Ethan n'a jamais été coiffeur. Je prends néanmoins le gage de sa bonne volonté, avec l'envie au bout de la langue de lui dire qu'elle a raison, les cheveux de Nathan sont vraiment magnifique, de toute façon et que je n'aurais jamais eu la prétention de prétendre le contraire, même pour le faire chier. Mais elle va parler, donc je me tais et garde ma pensée pour plus tard, en espérant qu'elle ne se perdra pas aux milieu des millions d'autres choses que son geste m'inspire, mais que je pourrais quand même toutes les dire.

Je souris, ai envie de la prendre dans mes bras, pour être une si gentille princesse fée au milieu de tout ce bordel. Son innocence me fait comme une bouffée d'air frais. J'ai rencontré un sacré paquet de gens, mais jamais des comme ça. Non, vraiment jamais. elle est unique et c'est ce qui me plait. Je pourrais le chanter, mais je ne sais pas composer. C'était le boulot d'Ethan. Mais Nathan le saurait.

Ah ! Parfait, parfait, parfait ! Exactement ce que j'espérais. De la magie. Je n'y crois pas à la magie, mais je vais faire une exception pour aujourd'hui. C'est Lexie qui rend tout aussi fantastique, merveilleux. Elle emporte toutes les choses de la vie dans son monde merveilleux, et pour une fois, je me laisse porter pour m'envoler. J'ai l'impression d'être perchée, de rêver, car ce sont ces mots à elle qui font voyager plus que je ne l'ai jamais fait. Putain, je vous jure, c'est bandant !

Je lui fais un clin d'oeil, pour la rassurer et commence à placer une des fleurs derrière mon oreille, et l'autre à côté de mon décolleté. Je me dis que je pourrais toujours filer celle de l'oreille à Nathan, si Lexie ne l'a pas transformé en arbre à coquelicots, entre-temps.

Et il faut que le mariage commence vite, j'ai soif, j'ai faim et je veux être à côté de Nathan.

En fait, maintenant que j'y pense, c'est Ethan qui me l'avait dit pour la première fois. "Ca me turlupine", qu'il m'a dit. alors je lui ai demandé de quoi il parlait et il m'a répondu "Que tu aies tout quitté pour moi." Alors je lui ai dit de la fermer et d'arrêter de penser à des trucs aussi cons. Puis, j'ai ajouté : "Moi, ce qui me turlupine, c'est que tu m'as coupé les cheveux de travers."

Son regard dansait sur le visage de Shanya. Elle regardait son œil droit, puis le gauche. Le droit encore une fois, le gauche à nouveau. Elle ne savait pas lequel regarder, ne voulait pas en fixer un plus que l'autre, alors elle alternait.

Elle se mit à penser à Shanya, et à Nathan, en même temps, se disant que son prochain mariage, ce sera le leur. Elle le savait, et eu envie de revoir le banc das amoureux, pour l'y graver. Elle avait déjà gravé les prénoms de Jack et Marianne dessus, et voilà qu'ils se mariaient. Elle ferait la même chose avec les leurs, bientôt.

Elle aimait le banc des amoureux. Elle avait découvert ce banc le même jour que celui où elle avait rencontré Billy, le chapelier fou. Elle s'était assise sur ce banc, parce que vu de loin, il était le plus coloré. Et puis, en s'approchant, elle avait vu tous ces noms, toutes ces promesses faites par des cœurs qui, elle en est persuadée, ne flancheront jamais, de maintenant jusqu'à leur derniers battements. Il y avait des mots d'amour, des prénoms, et tellement d'amour qu'elle a hésité, un instant, à y graver le nom de son dernier amant. Mais elle a très vite abandonné l'idée, parce qu'inscrire son nom ici auraient voulu dire l'aimer pour le reste de sa vie, et ça, elle savait qu'elle ne pourrait y arriver.

Et puis... Et puis elle a vu cet homme et son drôle de chapeau, à moitié caché derrière une haie. Il l'a regardé à son tour, et est devenu un peu rouge. « Arrête de m'regarder pendant qu'j'arrose les plantes, ma jolie, ça m'perturbe. » Elle a rit, et tourné la tête dans la direction opposée, pour le laisser uriner en paix. Elle ne voulait perturber personne, elle.
Et puis, ils ont commencé à discuter tout les deux, et Lexie a senti son cœur trembler, l'adopter. Il sentait l'urine et le mauvais vin ; vivait derrière l'hôtel, dans une rue crade où il avait entassé vieilles de vieilles couvertures et des cartons déchirés, pour se faire un chez soi.
Elle l'aimait vraiment, lui, sa folie, et son immense chapeau usé. Elle l'invitait souvent pour diner, pour noël, et pour Pâques, aussi. Parce que même si les gens ne connaissaient pas cette fête, ici, c'était sa préférée.


Elle a sourit, mais ses pensées se sont envolées quand Shanya s'est mise à parler. « Tout d'abord, pour ce qui est de mes cheveux, je tiens à te rassurer. C'est Ethan qui me les couper, ces dernières années, et je peux t'assurer qu'Ethan n'était pas coiffeur. En même temps, on s'en foutait, c'était déjà un miracle, quand on se les lavait. Au risque de te dégoûter, tu n'imagines même pas le nombre de poux qui ont élus domicile dans mes cheveux, pendant qu'on voyageait. C'était une horreur, on aurait pu en faire un élevage. Une fois, j'ai tellement chopé les nerfs que je me les suis complétement rasés. C'était d'un moche, mais putain, qu'est-ce que c'était pratique. Ethan n'arrêtait pas de se foutre de ma gueule, alors je lui ai rasé aussi les siens pendant qu'il dormait. Il a rigolé, en se réveillant, il nous appelait les boules de billards. C'était marrant, parce qu'on s'en foutait, de nos cheveux, tant qu'on gardait nos chaussures. Donc je ne t'en veux pas. Nathan a les plus beaux cheveux du monde. Et même si un jour il me fait chier, j'irais jamais lui raser. Merci pour les fleurs, elles sont aussi belles que toi. » Elle a sourit. D'abord parce que Shanya la trouvait jolie. Aussi jolie que ses fleurs, et ça, ce n'était pas rien. Ensuite, parce qu'elle essayait de l'imaginer chauve, en train de raser la tête d'Ethan, qu'elle ne connaissait même pas, mais qu'elle aimait imaginer.
Puis elle regarda les cheveux de Shanya, longtemps, très longtemps, imaginant tout ce qu'elle pourrait en faire, pendant qu'elle parlait.

« Pour ce qui est du mot, je te le prête avec plaisir, je ne l'ai malheureusement pas inventé, mais c'est vrai que beaucoup de choses me turlupinent dans ce monde, et je ne sais pas les garder pour moi. Toi, tu les aurais trouvé insensées. Je pourrais te dresser la liste tout de suite, mais ça prendrait trop de temps, et le mariage ne peut pas commencer sans toi. » Elle a rit, très fort, et un peu trop longtemps, peut-être. Elle s'est dit, vraiment, il fallait qu'ils se marient, Nathan et elle. Elle serait demoiselle d'honneur cette fois aussi, l'espérait, en tout cas. Et puis eux, au moins, la laisserait garder ses cheveux et les trésors qu'elle y cache, sans vouloir lui mettre des épingles à la place. Elle en était certaine, elle pourrait garder ses cheveux comme ils sont, pour leurs mariage à eux. Le contraire serait insensé, et elle refusa même de l'envisager. « Je suis contente que cette Marianne soit cool. J'aurais pas aimé le contraire. Ca m'aurait fait chier que mon premier mariage, alors que je suis si bien accompagnée, soit celui de deux tarés. Ca m'aurait turlupiné. »

Elle a tendu la main, pris entre deux bouts une mèche des cheveux de Shanya. Elle avait toujours aimé les cheveux des gens, parce qu'elle pensait qu'on pouvait tout savoir des gens, en les regardant. L'air un peu rêveuse, elle a parlé : « J'ai attrapé des poux quand j'étais petite, une fois. Je les ai gardé tellement longtemps. Des moi et des mois... Ils grimpaient des mes chapeaux, et ma tête me grattait tout le temps. Mais je ne voulais pas les tuer, alors je les ai gardé. Très très longtemps. »

Elle a repensé à ses poux, se demandant où ils avaient bien pu disparaître. Elle n'arrivait pas à s'enlever de la tête, même aujourd'hui, que quelqu'un avait du mettre du produit sur sa tête, pendant qu'elle dormait. Parce qu'en se réveillant un matin, elle avait la tête poisseuse, et ses poux étaient tous morts. « On pourrait mettre des mèches dorés, dans tes cheveux. Comme des cheveux d'ange, ceux des sapins de noël. Ça ferait les feraient briller. Ou les teindre, peut-être. Mais que les bouts, et d'un couleurs claire, sinon, ça ne sert à rien. Peut-être bien en rose ou... » Elle a réfléchi, lâchant les cheveux de Shanya. Ses yeux se sont plissés un peu et elle a reculé, comme pour la regarder en entier, et trouver la couleur parfaite, pour elle.

En la regardant, elle a pensé que sa robe était vraiment jolie, toute claire, parfaite pour un mariage. Puis elle s'est dit que Nathan devait être un peu noir, aujourd'hui. C'était comme ça, il l'était toujours un peu. C'était dans ses yeux, il n'y pouvait rien, et c'est ce qui le rendait si beau. Et Shanya, dans sa robe coloré, serait parfaite, à ses côtés. Elle serait ses couleurs à lui, et vraiment, ça sera magique. Et puis, elle a regardé ses pieds et « Orange ! ». Elle l'a pensé si fort, qu'elle l'avait crié. Elle a mordu sa lèvre, incapable de retenir son sourire, qui semblait dire 'désolée'. Puis s'est dit que c'était insensé, de vouloir s'excuser d'avoir été vivante. « J'adore tes chaussures ! Ca ressemble à des chaussures aventurière. » Ses yeux brillaient, elle le savait, tant elle imaginait toutes les aventures que Shanya avait pu vivre, dans ses chaussures. Tellement, vraiment, qu'elle aurait voulu toutes les entendre. Mais pas aujourd'hui, parce que ce serait faire de l'ombre au mariage, que de raconter toutes ces histoires merveilleuses qu'elle voyait déjà.


Les yeux toujours rivés sur les chaussures de Shanya, elle a soudainement pensé aux siennes, qui lui faisait un peu mal aux pieds, et qui la faisait paraître trop grande. « Moi, mes chaussures, aujourd'hui, ce sont des chaussures de grandes dames. Tu sais, celles qui courent tout le temps, avec leur téléphone dans une main, leur café dans l'autre. Celles avec des jupes toujours foncés, toujours serrées contre leurs jambes... C'est insensé. » Elle eu peur, durant un moment, de ressembler à ces femmes-là. Elle a secoué la tête, bougé son nez, laissant l'idée quitter ses pensées, aussi vite qu'elle avait su germer. « J'aimerais bien avoir les mêmes... mais mes pieds seraient trop lourds après, j'aurais peur de ne pas pouvoir les lever. »
Elle a soufflé, parce que, vraiment, c'était insensé, toute cette histoire. Il y avait tellement de sentiments étranges en elle aujourd'hui, qu'elle ne se reconnaissait pas. Elle avait même été méchante avec Shanya, tout à l'heure, et elle trouva l'idée horrible, rien qu'en s'en rappelant. Les grands mariages doivent surement être tourmentant, pour être parfaits, a-t-elle pensé.

Elle eu alors hâte de voir le mariage de Nathan et Shanya. Parce que le leur ne sera pas aussi grand, pas aussi tourmentant, mais tout aussi parfait, elle en était persuadée.

Lexie chope alors une mèche et je l'observe observer mes cheveux comme s'ils étaient une véritable énigme. Mes ils n'en sont pas une, ils sont aussi transparents que moi. Ils sont simples, sans décoration, honnêtes. Ils ne disent rien d'autre que ce que le monde leur a appris à dire. Ils ne brillent pas, car ils ont été maltraités depuis toujours. Quand j'étais enfant, ils abritaient souvent du foin, ils sentaient le cheval et étaient en broussaille. En grandissant, j'ai appris à les brosser, mais pas à les coiffer. Ils étaient naturel et c'était ce qui plaisait. Je n'en faisais jamais trop pour attirer. Mes cheveux non plus, ils sont bruts, comme moi. Plus tard, il y a eu Ethan, et on sait déjà ce qui est arrivé à mes cheveux durant cette période. Je suis contente qu'ils aient cette histoire, j'adore qu'ils aient un tel passé. Lexie, mes cheveux ont vécus, et j'aime qu'ils le disent, j'aime qu'ils soient libres, j'aime qu'ils fassent rire, j'aime que ma coupe ne soit pas droite. J'aime que comme moi, ils aient gardé l'empreinte d'Ethan. Mes cheveux et moi, on ne sera jamais vraiment remis de lui, tu sais. Et j'aime me dire qu'un jour, ce sera Nathan qui y laissera sa marque, qu'ils raconteront comment il a réussi à devenir une part de moi, de ma vie, de mes délires capillaires. Peut-être que je me ferai une dreadlocks en son honneur. En hommage à notre rencontre.

Je la regarde avec un sourire attendri. J'imagine presque la petite blonde chanter des berceuses à ses poux pour les endormir, leur parler, prendre soin d'eux. Je crois que Lexie a cette faculté, celle de ne voir que le bon côté de toute chose sur Terre. Je sens mon coeur avoir un raté à cette pensée. Car une part de moi envie ce côté naïf que j'ai perdu au profit d'une lucidité illuminée. J'ai vu les choses et les ai trop bien comprises. Je sais que la vie craint. Mais il faut la vivre quand même, alors faisons-le bien. Parce que c'est la seule que l'on a. C'est ma philosophie. Mais qu'est-ce que serait ma vie si je voyais la magie que Lexie voit ? Voila que j'envie un peu son innocence.

Je secoue la tête, mais je ne pense pas qu'elle le voit, tandis que son regard descend pour mieux m'observer. Le rose, les anges, ce n'est pas moi. Je ne suis pas un ange, et même si je sais affirmer ma féminité, elle a une teinte moins édulcorée. Plus rock que pop. Je ne vis pas dans le pastel, je suis dans le vif, le fort, encore une fois, le brut. Mes couleurs sont chaudes et aveuglantes, d'un solaire brûlant, du transcendant. Putain, je veux le crier dans un rire tellement c'est fort. Tu sais, vivre sa vie en couleur, quoi. Le vrai bonheur.

Ah ah ! Je vois qu'on se comprend. Pour ta perfection, Lexie, tu as le droit à une dose d'amour supplémentaire. L'espace d'une seconde, j'ai entendu la vie dans sa voix. Elle a crié le concept de la joie avec une telle vie. Voila, Lexie, je voulais mieux te connaitre, et au lieu de ça, je t'ai tout bonnement adoptée. Tu me fais rêver. Je ris, parce que je célèbre le plaisir de l'avoir à mes côtés dans ma vie. J'ai vraiment passé tant d'années sans la connaitre ? Comment ai-je fait ? Son sourire s'excuse, mais je fais semblant de ne pas le voir, car je ne veux pas voir de regret dans ses yeux. Pas pour ça.

Mon sourire s'agrandit. Le jour où j'ai troqué mes santiags pour des rangers restera toujours gravé dans ma mémoire et elle ne se rend même pas compte du nombre d'histoires que ces deux paires de chaussures ont vécu. Mes cheveux en savent moins que mes pieds, sur toutes les musiques que mon coeur a chanté pour me faire danser. Si j'avais le temps, je raconterai tout. Comment j'ai appris à dresser mon cheval, Black Fire, et les premiers coups de talons que je lui ai donné pour le faire galoper, sans selle. Comment j'ai craqué sur les chaussures d'Ethan au point de lui piquer à chaque fois que je pouvais, malgré ses grands pieds. Comment il m'a offert les miennes pour Noël, alors qu'on le célébrait dans un supermarché dans lequel on avait réussi à rester après la fermeture. Comment j'ai couru jusqu'à sentir mes poumons exploser et brûler, entrainée par Ethan, parce qu'on était poursuivis par un agent de sécurité. Comment, j'ai appris à me défendre, après mon agression et ai donné un coup de pied qui a laissé une marque à Ethan, sans le faire exprès, pendant un de nos "cours". Comment j'ai sauté d'un toit pour atterrir sur un autre, un jour où j'étais bourrée, car on l'avait parié avec Ethan. Comment je suis montée dans le bus de Nathan, parce que j'étais fatiguée d'avoir marché pendant des kilomètres après l'enterrement d'Ethan, juste pour prendre au pied de la lettre l'expression "continuer d'avancer". Ce n'est qu'un centième de ce que je pourrais raconter. Alors je n'en dis rien. Et j'embrasse mes souvenirs, car ils sont d'une beauté à faire pâlir la mariée, je suis sûre.

Je n'aime pas ce genre de chaussures. Je n'aurais probablement pas voulu en porter si j'en avais eu à portée de main. Et je ne trouve pas non plus, que ce soit le genre qui va à Lexie, même si elle est jolie avec. Elle est faite pour les chaussures confortables, celles que l'on peut utiliser pour grimper dans les arbres. Je fronce les sourcils en essayant d'imaginer Lexie déguisée en "grande dame", comme elle dit. L'image ne veut pas se former, je n'arrive vraiment à l'imaginer. Ca doit être beaucoup trop contre-nature. Lexie ne rentre pas ces cases-là. C'est un ange. Elle vaut tellement mieux que cette idée de femme accomplie.

Je lui fais un clin d'oeil. Lexie est plus grande que moi, et aussi fine. Et pourtant, elle parait beaucoup plus fragile, comme du cristal. Je vois ce qu'elle veut dire quand elle dit ça. Je ne peux pas m'empêcher de me revoir à 16 ans à ne pas savoir marcher avec mes rangers trop grandes, mais à essayer quand même, juste pour avoir l'impression d'avoir un bout d'Ethan avec moi, alors qu'il n'était pas là. Je paradais devant les gens du lycée, parce que ses chaussures défoncées étaient les plus belles du monde, à mes yeux. Mais je galérais à mort.

Elle imagina un instant le mariage de Shanya et Nathan, espérant un instant être demoiselle d'honneur. Elle voulait être demoiselle d'honneur, parce qu'elle les aimait tout les deux, et qu'elle voulait les voir se marier, de près.
Elle voulait voir chaque détail de leurs visages, et leur acheter un petit singe, en cadeau de mariage. Un petit chimpanzé avec un collier orange autour du cou et une petit médaillon doré. Elle leur offrirait un singe, parce que Nathan en a toujours voulu un, et que Shanya serait surement heureuse, elle aussi, d'avoir un petit animal si joli. Mais elle lui mettrait un collier orange, pour être certaine qu'il lui plaise, à elle aussi.

Il n'y aurait surement pas de coiffure compliquées ni de chaussures qui font mal aux pieds.
Elle pourrait porter des ballerines, et laisser ses cheveux tomber contre ses joues, jusque dans son dos. Elle porterait une jolie robe, peut-être même orange, et aurait des coquelicots plein la tête. Peut-être même un chapeau avec un ruban orange aussi, dans lequel elle glisserait quelques coquelicots en plus.
Et Shanya porterait une jolie robe très longue, sous laquelle elle pourrait porter ses chaussures d'aventurière. Nathan écrira peut-être une chanson pour Shanya, qu'il lui chantera après la cérémonie, avec son groupe. Et tout sera parfait, elle le savait.

Elle voit Shanya lui faire un clin d'œil, et elle se dit qu'elle est probablement d'accord avec elle. Elle aussi sait que son mariage sera magique. «  Si tu veux, je te les prêterai après la cérémonie, tu pourras t'entrainer à marcher et à danser avec, comme ça, si tu n'es pas demoiselle d'honneur de quelqu'un de trop emmerdant, la prochaine fois, cette personne t'autoriseras à les porter. » Elle a sourit, s'imaginant danser avec les chaussures d'aventurières de Shanya. Elle ne pourrait pas bouger les pieds, dans ses grosses chaussures plus lourdes qu'elle, mais elle se voyait déjà essayer de le faire.

Alors, elle a sourit à Shanya, qui continua : « Je ne dis pas que Marianne est emmerdante, hein, tu m'en as dit beaucoup beaucoup trop de bien pour que je pense un truc pareil. Je dis juste que si un jour tu as l'occasion de faire la fête dans des chaussures cool, fais-le. Mes meilleurs souvenirs ont été forgés dans ces chaussures. Beaucoup disent que c'est alors qu'ils étaient pieds nus qu'ils ont vécu leurs meilleurs moments. C'est sympa. J'aime bien être pied nus, et sentir l'herbe ou le sable sous mes pieds. Mais j'ai aucune histoire mémorable dans lesquelles j'étais pieds-nus, perso. » Elle a tordu sa bouche, réfléchissant. Elle n'avait aucune histoire mémorable, elle. Aucune histoire plus mémorable qu'une autre. Mais dans ton ses souvenirs, elle portait ses ballerines, les rouges, ou les dorées. C'était, en même temps, les seules souliers qu'elle avait. Ses vieilles ballerines rouges, et ses nouvelles, dorées. Ses souvenirs, elle ne les accrochait pas à ses chaussures, mais à sa tête. Elle les logeait dans ses cheveux, à chaque fois.

« Et rien à voir, mais je pense à un truc... Tu as remarqué que ta robe est assez longue pour cacher tes pieds ? Pourquoi tu n'enlèves pas les chaussures ? Personne ne va le remarquer. » Elle a regardé sa robe un instant, en souriant. Chuck lui avait dit, lui aussi, qu'elle pourrait juste enlever ses chaussures. Elle se dit que Shanya et Chuck s'entendraient peut-être ben, tout les deux. Surtout qu'ils ont les mêmes idées.

Doucement, elle a froncé les sourcils, essayant de bouger ses orteils dans ses chaussures. Elle se dit que, malgré sa coiffure et ses souliers, elle aimait bien la façon dont elle était maquillée. La dame qui s'était occupée de ses cheveux l'avait aussi maquillée, mais avec un pinceau tout doux, et pas un de ses gros pinceaux qui grattent et fait éternuer sans cesse. Elle lui avait fait un joli maquillage, et avait accepté que prendre soin de tout les souvenirs qu'elle avait enlevé de sa tête, jusqu'à ce qu'elle puisse les remettre. Et la dame avait même dit que ses chaussures étaient vraiment jolies, alors, elle ne voulait pas lui faire de la peine non plus en les enlevant, ce serait méchant.

Surtout qu'en plus d'elle, il y avait Marianne, et Marianne était la dernière personne à qui elle voulait faire de la peine. Surtout aujourd'hui, pour le jour de son mariage. Surtout alors qu'elle était si heureuse, qu'elle avait passé tant de temps à organiser chaque détail. Et puis, Marianne l'avait laissé mettre des coquelicots dans ses cheveux, tant elle était gentille. Alors non, elle ne voulait vraiment pas lui faire de peine, en allant lui demander si elle pouvait remettre ses ballerines. « Mais... je ne veux pas faire de peine à Marianne, surtout que je lui ai dit ''d'accord'' quand elle m'a dit que je porterais des chaussures à talons. Je ne veux pas qu'elle pense que je suis une menteuse, ou que je ne veux pas que son mariage soit aussi joli qu'elle le souhaite, tu comprends ? Ce serait un peu insensé, de lui faire de la peine à son mariage, juste pour des souliers, même s'ils font mal aux pieds. » Elle a frotté son nez du bout des doigts, parce qu'il la démangeait. Elle le fronçait peut-être trop, et il n'aimait pas vraiment ça.

Puis, elle a sourit à Shanya, et a baissé un peu la voix, se penchant vers elle, comme lorsque l'on confie un secret. « Je les enlèverai peut-être, mais quand je serai un peu cachée. Et j'irai dire Marianne que je suis désolée de l'avoir fait, après. Elle ne sera peut-être pas en colère, si je lui dis que je suis désolée. » Son sourire s'agrandit, et elle pensa qu'elle devrait peut-être s'excuser auprès de Jack aussi, pour ça. Même si elle était presque sûre que Jack s'en fichait, de ses chaussures, du moment que lui, en avait aux pieds.

Puis, son regard s'est posé sur les rangers de Shanya, avant de remonter vers elle. « En tout cas, ça ne doit pas être facile de marcher avec des chaussures comme les tiennes. J'aurais l'impression de l'enfoncer dans la terre. Avec celles-ci, même si elles font mal, j'ai plus l'impression de flotter. C'est assez amusant. Mais m'enfoncer dans la terre, ce serait un peu bizarre, je pense. » Elle a regardé le sol un instant, avant de relever la tête vers Shanya. Et, dans un sourire, elle a ajouté : « Ca me turlupinerait. »