Je pousse la porte de ce bar devant lequel je suis souvent passée mais où je n'ai jamis osé entrer. Trop vivant, d'où le nom sûrement, j'aurais fait tâche. Mais il paraît que, pour survivre, il faut un peu d'adrénaline. Pour certains, ce serait sauter à parachute, faire le tour du monde à cheval, tirer sur quelqu'un. Pour moi, c'est entrain dans un bar coincé au milieu de Manhattan. Chacun son rythme, chacun sa manière de vivre. Ou de survivre, dans mon cas.
Je suis tout de suite happée par l'ambiance, qui va de la joyeuse famille au marin en manque de son océan, en passant par l'adolescente trop droguée. C'est un morceau de vie, simplement, échoué sur ce petit coin de terre. Je me laisse tomber sur un tabouret, au bar, essouflée par tant de jalousie. Mon coeur tape contre ma peau, parce qu'il brûle d'avoir tout ce que je vois. L'amour d'une famille, de la mer, de la coke.

Je lève les yeux, vers une fille de mon âge qui me regarde, le vide de ses yeux bleus contredisant son sourire. Elle est jolie, elle est même belle. Et elle attend visiblement une réponse.

Je lève les yeux, regarde autour de moi dans l'espoir de trouver une pancarte indiquant le choix des boissons. Mais rien de cela n'est à portée de vue.

Ceux que l'amour a tué, ou plutôt le manque d'amour..Ai-je envie d'ajouter. Bien sûr, je n'en fais rien. Parce qu'elle me dévisagerait alors sûrement bizarrement, à se demander quelle folle je peux bien être. A rigoler de mon ridicule. Je passe mon pouce sur mes lèvres sèches, j'ai mal au coeur. De toujours me retenir, j'ai mal au coeur. De ne jamais avoir le courage de dire deux mots sans réfléchir avant en long et en travers à leur impact. J'ai mal au coeur, à la tête. Je bouille. De rage. De rage envers moi-même, pour être si transparente, si lisse. Je mord ma joue. Ne pas pleurer, ne pas pleurer.