« 14h30. » Je sors de l’hôpital. Je ne sais pas pourquoi je m’inflige tout les jours ça. Peut être pour être sur, qu’elle est toujours là. Que la vie fait toujours son rôle de garce à la perfection avec elle. Et que je me dise, encore une fois, que ma liberté imaginaire m’a été enlevée par la maladie.

C’est égoïste, n’est ce pas ? De réagir comme ça ? Mais pour être honnête, ce n’est pas à ma mère que j’en veux, non, ma mère elle fait partie de ceux que j’aime inconditionnellement. Non, rectification, ma mère, Elle est celle que j’aime inconditionnellement.

Celle à qui j’en veux dans cette histoire, c’est à la vie. Avec ses airs de pétasses. C’est elle, que je déteste, autant que la faiblesse du genre humain. Mit à terre par une maladie cardiaque. Imbécile.

Je m’en veux à moi-même, d’être comme ça. Cette sorte de loque en colère contre des choses que je ne contrôle pas. J’aimerai partir, prendre mon bateau, voguer loin. Très loin. Revivre ses nuits où les étoiles ne faisaient que filer sous mes yeux. Revoir les dauphins, requins. Faux pirates des mers, et autre baleine blanche inexistante. Croire à la petite sirène, juste parce que l’eau à fait une vague qu’elle n’aurait pas du faire. J’aimerai, ouais … Réellement.

« 15h. » Les yeux baissés sur le comptoir que je connais par cœur, depuis le temps, je suis venu ici, histoire de me torturer un peu plus. Et d’attendre la venu de la seule sirène qui vit sur terre. Me torturer, oui, parce que c’est ici, que je suis entré, le soir où je suis revenu. Qu’est ce qui m’avait attiré déjà ?

Le nom, je crois. En premier temps c’était le nom. « Alive. » Vivant. Oui, c’était ça que je voulais être. Vivant. Mais non, ça ne servait strictement à rien, parce que je savais pertinemment que j’allais me briser moi-même. A endosser des responsabilités qui n’étaient pas miennes. Toujours le même problème, être le plus âgé. Et le plus rêveur.

- Café ?

Non, non, j’y suis. Voilà, ce qui m’avait attiré ici. « Mathilde. » C’est encore plus beau que « Alive. » N’est ce pas ? Oui, c’est bien ça c’est encore plus beau. Je le sais, moi de toute façon, alors aucune importance, si le monde ne le remarque. De toute façon, je l’ai déjà prouvé, que le monde est con. Encore plus, s’il ne voit pas Mathilde.

Mathilde ? C’est celle qui rend New York encore plus belle. Celle sans qui tout serait noir. Jamais une once de couleur. C’est ce que j’ai aimais en premier, je crois. La couleur qui émane d’elle. Le bleu de ses yeux d’abord ; parce que c’est celui que la mer a les soirs où elle reste calme. Paisible, comme si rien d’autre n’était plus beau que ça.

- Oui, ma belle, s’il te plait.

J’avais remis mon masque, avant de lui dire ça. Souris, Jay, elle te regarde, alors tout doit aller bien. C’est ce qu’elles disent les personnes qui vont mal, même lorsque tout fout le camp. Elle réponde, que tout va bien. Elles sont idiotes, ces personnes là. Peut être que si elles criaient leur détresse, elles iraient mieux. Je suis idiot.

Névrosé, sans le vouloir réellement. Je crève d’envie d’aller sur la plage, histoire de crever. Mais non, je me contente de regarde le liquide noir que Mathilde verse dans une tasse avant de me l’amener. Je grommèle entre mes dents un merci presque inaudible.

Elle sait comme je fonctionne, ma meilleure amie. Je parle, lorsque j’en ai envie. Et aujourd’hui, c’est difficile, de parler, je l’avoue. J’aurais presque envie qu’elle comprenne tout ce qui me hante, juste pour aller mieux. Délivre moi, Mathilde, toi seule le pourra je crois. Empêche mes nuits de se voiler de cauchemars, à défaut de se couvrir d’étoiles. Comme avant.

Gardant mon masque sur le visage, j’esquisse un sourire, me rendant compte que dans mes pensées noires, je ne l’avais pas vue arriver. Ma belle amie préférée. Je ramène la tasse vers moi, et pose mes mains de chaque côté de la porcelaine, sans en boire une gorgée.

- Tu as pris ton service il y a longtemps, boucle d’or ?

Boucle d’or. La petite sirène. Mathilde c’est elle, la fille du bar, celle qui a toujours le sourire. Celle qui en un regard nous amène dans ce monde, celui où les peines n’existent pas, celui où les cœurs ne sont jamais brisés.
« 15h03. »Apprends-moi à être comme toi, s’il te plait.

J'ai parlé n'est ce pas ? J'ai dis quelque chose j'en suis sur, mais pour l'instant, mes pensées ne veulent pas sans rappeler. Elle se concentrent sur une seule chose, comme d'habitude, depuis que je suis ici.

J'attends qu'elle me réponde, tout en étant ailleurs, mais à vrai dire, je ne sais plus vraiment où je suis. Prisonnier de moi même, et d'une vie qui n'est plus la mienne. Je suis perdu dans ce monde que je dois savoir contrôler, c'est con, je sais, mais je ne pourrai pas, gérer tout ça. Fils ainé, quelle connerie, non, réellement ... Connerie.

— Il y a quelques minutes seulement.

Son service oui, c'est ça. Il y a quelques minutes ? Combien Mathilde, combien ? Il faut que je sache, que je vois un peu plus comment je m'étais déconnecté de la réalité.

Je secoue la tête, presque malgré moi, et pourtant, je souris. Je tente de sourire, pour mieux lui mentir ... Et bon sang qu'est ce que je n'aime pas lui faire ça. A elle, et à Dean, c'est les seuls, qui pourraient réellement voir, le vrai moi.

- Je ne t'avais pas vu arriver.

Je lui dis en haussant les épaules, pas fier de moi. Je ne remarque même pas lorsqu'elle arrive à l'endroit où je passe le plus de mon temps. Je suis stupide et faible, Mathilde, pardonne moi. Je te jure, que je ne le fais pas exprès. C'est la vie, qui me pousse à agir comme ça, je crois.

Mon cœur s'anime, sans que je ne le commande. J'ai envie de sortir d'ici, ma belle Mathilde, tu me suivras n'est ce pas ? J'ai envie de parler, tu vois pour une fois ? Que tu prennes du temps pour être avec moi.

J'ai le droit, de demander ça ? Même si je suis le pire des amis, pour elle. Je veux juste, je ne sais pas, sortir, j'étouffe, tu me suivrais, jusqu'au bout du monde, ma boucle d'or ? Juste pour la soirée, je te promets que demain, je nous ramène tout les deux à New-york, histoire qu'on reprenne nos vies.

- Tu finis ton service quand ?

Elle est con, ma question. Elle vient juste de le prendre son service, il est loin d'être finit, n'est ce pas ? Alors putain, pourquoi j'ai demandé ça ? Parce que j'en rêve encore, de cette putain de liberté qu'on m'a enlevé de force. Mais là, à ce moment précis, j'ai envie de partir. D'oublier. D'essayer de vivre, comme je le faisais avant de revenir ici. Dis Mathilde, tu veux vivre en même temps que moi ? Ne me laisse pas seul, pas aujourd'hui, je t'en supplie.

— Dans longtemps.

D'accord ma belle, dans longtemps. Alors nous ne partirons pas. Pas maintenant, pas jamais. Il faut se rendre à l'évidence, de toute façon. Avec ou sans elle, je ne partirai plus. J'y resterais à New-York, pour y crever comme ma mère. A défaut que moi, je choisirais ma mort. Ce n'est pas un docteur qui décidera pour moi. Ni même un cœur, je mourrais comme je le voudrais. C'est ça, mon projet d'avenir. Que quelqu'un me le demande, je lui conterais surement l'histoire du jeune garçon qui a vu ses rêves mourir en même temps que sa mère. Il n'y a pas de moralité à la fin, juste une injuste qui brûlera la gorge à quiconque l'écoutera. Je n'aime pas me plaindre, et depuis que je suis ici, je ne fais que ça. Putain de moi.

— Où voulais-tu aller ?

A vrai dire, je ne sais pas. Loin. C'est possible ça ma Mathilde qu'on puisse partir loin ? Histoire de regarder les étoiles, choses qui serait con, vu que c'est l'après midi. Mais je donnerais n'importe quoi pour regarder les étoiles. Maintenant, faire des vœux stupides pour rêver à quelque chose de meilleur. Comme un gamin. Celui que j'étais avant. Ce qu'il faut retenir c'est que je voulais partir loin, et que cette fois, non, pour Une fois, je ne voulais pas être seul.

— On dirait qu’il va pleuvoir.

Alors je m'anime, parce que j'ai l'impression que sa phrase me dit de le faire. Je m'anime pour prouver que je suis encore en vie. Et pour voir si les nuages couvrent déjà entièrement notre ciel. Je soupire, pas pour jouer les rabats-joie, juste pour soupirer. Parce qu'elle a raison, et que j'aurais aimé le voir en premier. Parce que le ciel lorsqu'il pleure, c'est magnifique. Et je l'envie d'être impérial alors que moi, je me sens con lorsqu'une larme coule sur une de mes joues.

Je me retourne vers elle, tente un autre sourire, hoche la tête positivement. Oui, il pleuvra. Et d'humeur nouvellement "légère", j'oublie ma mère le temps de quelques instant, pour lui poser une de mes questions dont moi seul je connais la réponse. Je lui demande, pour savoir si justement elle veut savoir.

- Tu sais ce que l'on ressent lorsqu'un orage éclate en mer ?

Réponds moi que non, ma douce, je t'en supplie. Et je te conterais l'histoire d'un autre monde. Celui dont moi seul connais le secret. Réponds moi, mon seul ange ici à New-York ... La seule sirène que je n'ai jamais rencontrer qui n'est pas quitter la terre pour fuir vers la mer. Dis moi, que oui, tu veux partir avec moi sur l'océan de mes propres mots. Je t'en pris, j'ai besoin d'une dose de nostalgie.

Son "Raconte moi" n'est qu'un murmure pour moi. Parce que je suis déjà parti. Je suis déjà loin, sur les flots, ailleurs et pourtant bel et bien ici. Je suis mon bateau, ou plutôt sur ce qui était mon bateau. Sur ce bâtiment auquel je n'ai pas eu le courage de dire au revoir, même si je sais que je suis bloqué à New York à tout jamais.

Je me hais de me savoir comme ça, ne plus naviguant, coulant carrément. Plus jamais je ne pourrais rire d'un rire vrai. Fin. Enfantin. Parfait. Aux oubliettes la vraie vie, je me suis perdue ici. Et j'ai dérivé jusqu'à ce bar, Alive. Vivant, Jason. Vi-vant !

Raconte moi ... Allez vas y, c'était ce que tu voulais, qu'elle te demande de dire ce que tu voulais lui raconter. Alors raconte, vas y, raconte ... Aucun son ne veut sortir de ma bouche, comme si les souvenirs étaient trop douloureux pour sortir. Comme s'ils voulaient rester en moi, en bon égoïstes qu'ils sont. Sortez de moi, je veux partager mes étés d'antan et mes rêves d'enfants perdus.

Je laisse glisser ma main sur le bar, et l'envie de me débrouiller pour attraper la sienne me donne presque des nausées. Pour justifier mon geste, j'attrape une poignée de ces cacahouètes, a défaut de prendre sa main que je devine douce, j'attrape des choses que je ne mettrais jamais dans ma bouche.

- Le plus beau ... Ce sont les couleurs, Mathilde ... Les couleurs ...

Un bleu que tu ne peux imaginer, un soleil couchant qui peint avec magnificence un rouge presque sang qui pourrait le glacer. Un gris que tu pourrais penser recouvrant le monde. Les éclairs brisent en mille morceaux cette immensité que tu ne voudrais quitter pour rien au monde.

- Et puis arrive enfin ce moment tant attendu ... Celui de la première goutte de pluie.

Celle qui tombe dans un bruit sourd. Ce bruit qui efface le son des vagues, des oiseaux fuyant, et autres animaux du monde d'en bas. Celle qu'on a le temps de voir tomber, et dont on esquisse un sourire de la savoir arriver à la fin de sa vie. Parce que oui, cette goutte de pluie là, c'est celle qu'on a le temps de voir mourir, lentement. Et d'amorcer une agonie délicate à l'approche de toute ses sœurs qui mourront également.

- La pluie, en mer, elle a un gout différent que lorsque j'ai les pieds sur Terre.

Je ferme à nouveaux les yeux, soupire, et me revois les bras ouvert regardant vers le ciel. Je me vois la première fois que j'ai vu tout ça. Je revis par le biais de souvenirs qui aujourd'hui sont douloureux. J'ouvre enfin les yeux, et esquisse un sourire à la belle qui se trouve toujours devant moi, mon esquisse est désolé, parce que je l'avoue ... Je n'ai pas tout raconté. Me pardonneras-tu ma sirène ?

-

Ce doit être fabuleux … Magique.

De la magie, il y en a partout, dans le monde, tu sais … Sur la mer la magie est partout, elle englobe un monde que tu n’imagines même pas. Ce monde dont je rêve chaque jour depuis que je suis à New York. Je ne me meurs pas, ma douce, je me contente d’être là, et de souffrir la mort prochaine de celle qui m’a enfanté.

Sa main se pose sur la mienne, et je ne souris plus cette fois, je suis perdu, malgré moi. Je regarde celle a qui je viens de décrire un monde, et je me plais à croire qu’elle sera toujours là. Seras-tu là, ma Mathilde, le jour où je m’enfuirais sans rien dire ? Le verras-tu toi, que je m’en partirais ?

- Ca va aller …

En es-tu sure ? Je n’aime pas les promesses qui sont faite dans le vent, j’ai besoin de certitude. De confiance. De savoir que ma maman finira par mourir, de savoir que mon frère ira toujours bien, de savoir que la mer m’attend patiemment … Certitudes, ma douce, tu vois ? Ca va aller, n’est ce pas ? Merci, je crois.

Son visage me semble plus beau que les autres jours, Mathilde à un truc dans le regard lorsqu’elle pose ses yeux sur moi que je ne comprends pas. Comme si elle voyait des choses que seule elle connait. J’aimerais qu’on échange les rôles, qu’un jour elle me compte ce qu’elle aime et voit.

La vérité frappe mon visage en pleine tête, elle aurait été a seule que j’aurais pu emmener avec moi. La seule, qui a cette chose en elle qui fait qu’elle aurait pu s’émerveiller dans mon monde sacré. Oui, Mathilde, là tout serait allé bien, crois moi. Toi et moi sur l’océan, enfermés dans une bulle suprême d’une amitié presque trop parfaite.

- Je n’aime pas, tu sais … je dis dans un soupire avant de clairement fixer son regard, je me perds en elle, sans même pas le contrôler … Te savoir ici toute la journée …