Un bal de monstres s'orchestre dans mon crâne malade de tourner en boucle.
J'aurais pas du la regarder, ma putain de télé. Je sais que chaque image reste gravée.
A chaque fois j'accroche un regard défait, il me suffit d'un rien pour être hanté.
Ils crèvent tous les affamés. Ils brulent de froid, souffrent de ne pas avoir ma chance à moi.
Mais prenez-les, toutes mes années gâchées. Donnez-leur mon argent, mes vêtements.
Et changez mes idées. A défaut de savoir les aider, je veux les ignorer. S'il vous plait ?

Ils dansent tous, calent avec douleur chacun de leurs pas sur ceux d'autres condamnés.
Mourir dans un vacarme époustouflant, comment on fait ? Allez, choquez le monde.
Je ne demande qu'à sourire, ne cherche qu'un prétexte au bonheur, me leurrer.
Faire semblant jusqu'à vouloir mourir d'avoir espéré ne plus être conscient.

La frénésie de leur tempo s'éloigne de ma chimère, cadence au rythme de mes pas.
J'entrerai n'importe où, prétendrai n'importe quoi. Juste... troquer mes idées.
Un magasin, une boutique miniature. J'y resterai jusqu'à ne plus savoir pleurer.
Ne sortirai de là qu'une fois mes sourdes envies perdues et claudicantes.
Je n'ai rien à regarder. Ainsi j'imite les gens autour de moi, vole leurs pensées.

Je postule au bonheur et deviens un type parmi les autres, entré pour me consumer.
Mes yeux guettent une étincelle, je déambule entre les produits étrangers, patient.
L'injustice d'un monde ose encore glisser sur mes mains. Casse-toi valser plus loin.

Je vole le profil d'un vivant et applique toutes ses manies, je me veux doué, comme avant.
Ignorant de la gêne et des bienséances, je me mue doucement en cette ombre qui me suit.
Je ne sais plus dérober les vies des autres qui savent le goût et l'odeur de la légèreté.
Les souvenirs dévorent lentement mon âme qu'ils empourprent du sang des miens.
Je sais tous les sourires, je me souviens des caresses souillées par un vide saisissant.
Sur mes yeux se couche le voile de ma vie telle qu'elle aurait pu se dérouler.

J'essaie de prétendre que respirer devient difficile, je mens à mon corps qui avale mes conneries.
Chaque année gâchée pèse sur mon dos noué par toute la douleur des abandons. Le manque creuse.
J'ai perdu l'usage de mes bras qui savaient jouer, celui de mes jambes qui ne courent plus.
Usé, je perds mes confessions, mes aveux. Je suis trop jeune pour me sentir si vieux.

Je prétends même que je suis seul, que la jolie brune à côté de moi n'est pas en train de me fixer.
Mes cicatrices, surtout celles qui ne se voient pas, se convainquent de leur humanité.
Parce que je n'arrive plus à différencier la moquerie de la pitié ni la connerie de la curiosité.
"Regarde, un fantôme. Qu'est-ce que ça bouffe ces bêtes-là ? Ça dévore ton cœur, qu'est-ce que tu crois ?
Ça s'abreuve de ses propres larmes et mange son perpétuel tourment pour continuer à rôder.
Quel spectacle, vraiment. J'aurais juré qu'à son pied il devrait trainé un boulet. Pas vrai ?"

Je masse mes yeux, exerce une pression contre mes orbites pour parler à la douleur.
Les retrouvailles sont amères et mes yeux rougis. Le monde n'apprécie pas, soigne-toi.
Elle ne me regarde pas. Elle ne me regarde pas... Putain, elle me regarde. Pourquoi ?

Je suis accoutumé aux questions dérangées, aux gestes déplacés, à n'importe quoi.
Mais je sais, à être regardé, que j'ai échoué, que l'humain ne m'apprécie pas.
Rejeté parce que différent, je détone avec la décoration d'un univers en carton.
Je m'empêche de tourner le regard vers celle qui rive le sien sur moi.

Le chagrin danse et j'entreprends de piocher dans les aliments. D'imiter les gens.
Je ne vois plus le sol tant mes yeux fatiguent d'être mal traités, je vais tomber.

- Merde !

Toute la dimension de la tarée de bulle qui me tient prisonnier vire de plusieurs degrés.
Je me retrouve je ne sais comment, une femme sous les doigts. Un sourire au bord des lèvres.
La berceuse de mes maux entreprend de les enfermer dans le sommeil qui me calmera.

Que disent les adages, qu'écrivent les manuels, comment disent les gens normaux ?
Il faut rire quand la situation l'exige, non ? Il est drôle de glisser pour rencontrer.
Je cherche les yeux de celle qui a époustouflé mes peines de son intrusion. Lui souris.

- Je n'ai rien vu, lui dit ma bouche, sincère. Est-ce que ça va ?