{Une brise dans le noir} - [Amanda Andrews & Sarah Howard] - CLOSED

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Quelle personne mentalement équilibrée viendrait errer dans un cimetière après les douze coups ?
Quelqu'un de meurtri, d'endeuillé, d'écorché vif, de torturé... un handicapé de la vie. Comme moi.
J'emprunte le chemin que je connais par cœur, m'y rend les yeux fermés. Mon sanctuaire.
Mon refuge est imprégné de l'odeur de la mort, quelle ironie... j'y suis tellement accoutumé qu'elle fait partie de moi.
Encore trois enjambées et j'y serai. Ferai face à mon passé, à mon avenir. À une pierre tombale.
J'ouvre les yeux et ils se couchent immédiatement sur trois stèles familières, dont le marbre vieilli indique qu'il s'agit de mon père, de ma mère et la sienne.
Je tourne la tête de demi [tel 1 ibous] et m'aperçois qu'une tombe a été ajoutée récemment au bout de la rangée. Un vent frais caresse mon dos dont l'échine se courbe. Enfant, j'imaginais un fantôme venu me tenir compagnie mais avais apprit à faire face à la réalité : ce n'est qu'une brise.
« Charles Burton », mes jambes refusent de me porter une seconde de plus et mes genoux s'enfoncent dans les graviers blancs.
« Lisa Burton », mes mains suivent le même trajet et s'étalent sur la pierre blanche.
Je n'ai pas la force de lire le nom de ma grand-mère, je force mes yeux à se fermer et m'étends au-dessus de l'endroit où repose son corps.
Les minutes s'égrainent alors que le vent siffle autour de moi.

Je me rends compte que je suis allongé en position fœtale seulement lorsqu'une voix résonne à mes côtés, douce et prévenante.

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J'avais marché sans but une partie de la soirée. La gifle glacée de la nuit m'inspirait dans ma solitude, et moi, belle idiote, je me vautrais dans ce sentiment de déprime. J'avais parcouru une bonne partie de mon chemin sur la plage, avant de me diriger de nouveau vers les rues désertes. Une partie de moi voulait croire que tout était encore possible. Une autre avait perdu tout espoir. C'était cette seconde partie de moi qui dominait et me poussait à errer dans New York comme une âme en peine.
J'étais loin de chez moi, beaucoup trop. Et alors ? Je n'avais rien à y faire. Je n'avais pas envie de reprendre le métro à cette heure-là. Une seule solution s'imposait: marcher, encore et toujours. Mais je n'avais aucune idée de l'endroit où je pouvais me trouver. Je ne connaissais pas cette partie de la ville, et encore moins la nuit.
J'avais froid, et faim. Mais le vent avait séché chaque larme échappée de mes cils. J'inspirai profondément, afin de me donner du courage pour la suite. Des silhouettes singulières attirèrent un instant mon attention. Je me trouvais devant l'entrée d'un cimetière. Je songeai avec ironique que le lieu se prêtait parfaitement à la situation. J'eus une pensée macabre à l'idée que l'on n'aurait pas besoin de déplacer mon cadavre s'il me prenait l'envie de mourir cette nuit.
"L'envie de mourir", comme s'il s'agissait d'un caprice d'enfant. C'était exactement le cas. Comme le résultat d'un pile ou face, ou l'enjeu d'un pari. Je pénétrai dans l'enceinte du cimetière, et parcourut lentement chaque allée, jusqu'à ce qu'un bruit de chute attire mon attention à l'extérieur.
A deux tombes de moi, un homme venait de tomber au sol. Nullement effrayée, je m'en approchai avec précautions. Je ne voyais pas son visage, mais sa silhouette me semblait presque familière, malgré l'obscurité.

- Vous aussi, vous voulez vous endormir ici, pour ne pas qu'on ait à trop déplacer votre cadavre ? J'y ai pensé, mais finalement, je ne préfère pas. C'était gentil de ma part de penser au fossoyeur, mais je dois aussi penser à mon frère.

Je haussai les épaules tristement.

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Sarah venait de se réveiller en sursaut. Haletante, elle regarda autour d'elle, l'obscurité l'oppressant de toute part. Il lui fallu plusieurs minutes pour se souvenir d'où elle était: Le cimetière.
Les joues encore humides, elle avait passé sa soirée a pleurer et avait du s'assoupir sur la tombe de sa mère. Elle venait ici tout les soirs depuis plusieurs semaines, pleurant a chaudes larmes jusqu'à ce que le soleil se couche et que ses yeux ne s'assèchent. Pourtant, sa vie n'avait jamais était aussi belle. Elle avait enfin trouvé le « bonheur ». Un petit ami génial, une meilleure amie formidable... Même sa cousine venait d'arriver en ville, tout allait pour le mieux pour elle, et pourtant, elle n'arrivait pas a etre vraiment heureuse.
Elle n'avait jamais été heureuse depuis la mort de sa mère, elle n'a jamais vraiment réussi a etre heureuse. Et c'est toujours quant le bonheur se profilait a l'horizon qu'elle retombait dans un état léthargique, et totalement ridicule. Pourquoi ne pouvait elle pas simplement se contenter d'être heureuse sans ressasser sans cesse le passé?

Une voix la tira de ses pensées. Elle secoua violemment la tête, comme si ce simple geste pouvait chasser son chagrin et se releva. Elle aperçut alors un silhouette, a quelques mètres d'elle. En s'approchant, elle détailla la silhouette inconnu. Elle devait appartenir a une jeune femme, à l'aspect plutôt frêle.
Arrivée a quelques pas d'elle, Sarah remarqua une personne recroquevillé sur elle même, au pied de la jeune femme.

_ ....De ma part de penser au fossoyeur, mais je dois aussi penser à mon frère.

Sarah se frotta les yeux, espérant que ceux ci ne soient pas trop bouffis et s'avança d'un pas.

_ Excusez moi... Qu'es ce que vous faite la? Quelque chose ne va pas?

Tout deux tournèrent la tête vers et la jaugèrent du regard, silencieux. Sarah, gênée, ne le fit cependant pas remarquer.

_ C'est juste que... Que je ne suis pas habitué a voir des gens ici, une fois le soleil couché.

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- Vous aussi, vous voulez vous endormir ici, pour ne pas qu'on ait à trop déplacer votre cadavre ? J'y ai pensé, mais finalement, je ne préfère pas. C'était gentil de ma part de penser au fossoyeur, mais je dois aussi penser à mon frère.

Derrière l'humour noir se devine un mal-être profond. Que je partage.
Je me redresse, m'assois et me rends compte que le fait qu'elle m'ait vu dans pareille position ne me gène pas. Ses yeux brillants m'interpellent malgré l'obscurité, je suis sur le point de l'inviter à s'assoir, chose que je n'aurais jamais faite ailleurs, lorsqu'une seconde voix intervient.

_ Excusez moi... Qu'es ce que vous faite la? Quelque chose ne va pas?

Instinctivement, nous tournons tous deux la tête vers la nouvelle arrivante. l'écho de sa voix reste suspendu dans les airs. Que faisions-nous ici d'après elle ? Sa seconde question résonne en moi comme ce refrain d'une chanson qu'on connait par cœur et que l'on se répète encore et encore.
Rien ne va.

_ C'est juste que... Que je ne suis pas habituée a voir des gens ici, une fois le soleil couché.

Sa voix est éraillée par la gêne, ou un réveil récent, que sais-je. Elle s'approche de nous.

- Je ne viens ici que la nuit tombée, dis-je d'une voix rauque.

J'ajoute alors une chose dont l'obscurité m'a rendue capable.

- Vous voulez vous assoir ? Au moins on ne mourra pas seuls...

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L'homme se redressa alors et me scruta longuement du regard. Je me sentis rougir: heureusement, la pénombre camouflait cette gêne. Même ainsi retourné vers moi, je ne parvenais pas à discerner son visage. Cela me rassurait, comme dans l'intimité d'un couple qui vit sa première expérience: la pudeur qui s'évanouit en même temps que la lumière du jour. Cette fois, c'était mes sentiments qui étaient mis à nu, et cette distance me rapprochait d'autant plus de lui. Seuls ses yeux brillaient: on y voit tellement de choses, quand on sait les lire. Il s'apprêtait peut-être à répondre, lorsqu'une voix retentit derrière nous.

_ Excusez moi... Qu'es ce que vous faite la? Quelque chose ne va pas?

La question était incongrue, mais compréhensible. Est-ce qu'on demande souvent à des personnes ce qu'elles font dans un cimetière ? Mais l'heure qu'il était justifiait la réflexion. Elle semblait gênée, à présent, au point qu'elle parut chercher à se rattraper. Pour ma part, rien n'allait.

_ C'est juste que... Que je ne suis pas habituée a voir des gens ici, une fois le soleil couché.

J'ouvris la bouche sans trouver les mots pour justifier ma présence. Je ne savais pas moi-même ce que je faisais à cet endroit. L'homme me devança pour répondre, ce qui me soulagea.

- Je ne viens ici que la nuit tombée

Même sa voix me paraissait familière, à présent. J'optai pour la solution de garder le silence, et me mit à réfléchir, le nez baissé. Sa voix me berçait tandis qu'il prononçait des paroles que je ne cherchais pas à comprendre. Il me fallut un certain temps pour les analyser, et saisir le sens de chaque mot.

- Vous voulez vous assoir ? Au moins on ne mourra pas seuls...

Je me penchai pour m'assoir aux côtés de l'homme, et sortit de mon sac à main une canette de bière, achetée dans une supérette deux heures auparavant. Pas assez pour être bourrée, mais boire m'avait toujours soulagée, même en petite quantité. J'ouvris la canette après m'être assurée qu'elle n'avait pas été trop secouée:

- A la mort ...

J'avalai une longue gorgée, avant de la laisser devant moi, pour laisser à mes compagnons funèbres la possibilité d'en faire autant.

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- Je ne viens ici que la nuit tombée.

- Vous voulez vous assoir ? Au moins on ne mourra pas seuls...

_ Au bonheur que seul les autres ont l'air de pouvoir vivre pleinement.

_ Je viens souvent ici les soirs... Pourtant je ne t'ai jamais vu avant.

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La plus petite des deux s'assoie à mes côtés la première, je ne discerne aucun de ses traits, n'aperçois que ses yeux et sa bouche. Le bruit des graviers remués par ses pieds et puis plus rien.
L'atmosphère de cette nuit frôle l'onirique, j'ai l'impression de déambuler dans un rêve sombre.
L'éloignement de la réalité me fait un bien fou. La voici alors qui décapsule une canette et la lève pour trinquer. La boisson aura l'effet d'une délivrance, une sorte de trépas.

- A la mort... dit-elle alors en faisant écho à mes pensées.

Elle la pose alors devant nous et la seconde jeune femme sort de ses songes, s'asseyant à son tour.
Ses yeux clairs percent l'obscurité. Cette fille a l'air si malheureuse que j'en suis choqué.

_ Au bonheur que seul les autres ont l'air de pouvoir vivre pleinement.

Mes compagnes de fortune semblent aptes à lire en moi. Ce sentiment nouveau est loin d'être insupportable. Elle boit à son tour avant de reposer la canette à l'endroit précis où elle se trouvait quelques secondes auparavant.
Son regard se tourne vers moi, je vais alors saisir la canette lorsqu'elle me demande :

_ Je viens souvent ici les soirs... Pourtant je ne t'ai jamais vu avant.

Sa voix est si faible que j'ai l'impression qu'elle se trouve à plusieurs mètres de moi alors qu'il me suffirait de tendre le bras pour la toucher. Le sens de ses propos m'atteint enfin. Ainsi, le fantôme que je suis n'a pas plus d'importance dans son bar qu'ici, au beau milieu d'un cimetière, anéanti sur la tombe des siens.
« Ce n'est pas parce qu'elle ne m'a pas vu que je n'existe pas, putain ! » et si ma vie prenait un nouveau tournant ce soir ? Si je décidais de commencer à la vivre ?

- Je suis pas du genre à me faire remarquer, dis-je d'un ton léger.

Mes propos ont beau être criant de vérité, j'ai l'impression de trahir une part de moi, l'enfant que j'étais. Je m'empare de la canette en ignorant toujours la nature de son contenu.

- A un départ nouveau ?

J'essaie de trinquer à mon tour mais ma phrase sonne plus comme une proposition.
Et si elles aussi avaient besoin de tout oublier ce soir ? De renaitre...

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Une main saisit alors la canette: la jeune femme s'était enfin approchée pour trinquer à son tour. Le timbre de sa voix me fit frissonner, comme si elle n'était plus qu'un navire à la dérive, sans aucun équipage...

_ Au bonheur que seul les autres ont l'air de pouvoir vivre pleinement.

Le capitaine, c'était son coeur. Les matelots, son âme. Et le navire symbolisait parfaitement l'écorce vide qu'elle était. Aucune espérance, ni rien. Juste la souffrance qui s'agrandit de jour en jour. Voilà ce que je lus en elle à cet instant précis.
"Au bonheur que je vivais pleinement il y a quelques heures..."
Je remarquai alors la main de l'homme s'avança également, tremblante, vers la canette ouverte, tandis que la femme lui adressa de nouveau la parole.

_ Je viens souvent ici les soirs... Pourtant je ne t'ai jamais vu avant.
- Je suis pas du genre à me faire remarquer

Il avait répondu d'un ton léger, mais je devinais que la remarque l'avait bien plus touché qu'il ne voulait l'admettre. Lui aussi avait dû être blessé par la vie, bien plus que je ne l'étais. Et tout comme la jeune femme aux yeux clairs, il se trouvait dans ce cimetière pour une raison bien précise, contrairement à moi. J'étais jeune, j'oublierai vite. J'essayais depuis ce matin de m'en convaincre, mais c'était peine perdue. Je n'avais rien avalé depuis, pas dans le but d'inquiéter qui que ce soit, mais parce que je n'avais pas d'appétit.

- A un départ nouveau ?

Il avait enfin levé cette foutue canette de bière. Sa voix trahissait une proposition, un espoir, peut-être, qu'il avait enfin retrouvé. Je ne l'avais jamais perdu: et c'était précisément la raison pour laquelle je ne souhaitais pas un nouveau départ. Je songeai de nouveau à cette rencontre avec Tom dans le métro quelques heures auparavant: il avait clairement signifié qu'il me considérait comme une traînée. Je n'avais que très peu de contacts avec lui, et je ne comprenais pas comment il pouvait se permettre de me juger ainsi. Ma gorge se noua quand le visage de Shawn s'incrusta dans mon esprit, et mes yeux s'emplirent de larmes.
je secouai la tête frénétiquement, sans pouvoir parler. Bientôt, ce sont des sanglots qui résonnèrent dans la nuit. Les miens. Parce qu'il était le passé, quand je rêvais d'un avenir. Et parce que tout naturellement, je m'accrochais à ces souvenirs.

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Quatre yeux étincelants étaient rivés sur moi quand un gros soupire vint briser le silence funèbre qui nous entourait. La jeune femme la plus proche de moi fondait en larmes.
Et dire que je croyais bien faire ! Putain, étais-je aussi con que je le pensais ? Me voilà maintenant en train de faire pleurer une jeune fille malgré moi.
Son chagrin m'étouffe, sa peine contagieuse vient se loger au fond de moi et la violence de sa douleur me percute de plein fouet. Elle a l'air tellement jeune pour souffrir ainsi... mais je ne connais cet état que trop bien. Elle semble subir elle aussi cette torture perverse qui met son cœur à rude épreuve, jouant avec lui jusqu'à ce qu'il lâche et se fissure à jamais.
Mon empathie me hurle de sécher les larmes qui brulent ses joues. Ma réserve de composition, elle, m'ordonne de la laisser en paix, de ne pas venir s'imposer.
Ses mains tremblent, elle est secouée de violents sanglots qui saccadent sa respiration.
Sans réfléchir une seconde de plus, sans ajouter un seul mot, sans pudeur ou une quelconque retenue, j'enroule mon bras autour de ses épaules et attire son visage contre mon torse.
Elle redouble de pleurs quand je décide enfin de laisser ma tendresse l'emporter.
D'un geste, je dégage ses cheveux et essuie ses larmes de mon pouce.
Qui mérite qu'elle se mette dans un état pareil ? Loin du pathétique, elle est bouleversante.
Je ne permettrais pas qu'elle devienne comme moi. Mon instinct fraternel me saute au visage, je n'ai jamais eu personne à protéger et à voir cette jeune fille si frêle se rendre malade pour je ne sais quoi... je ne le tolère simplement pas. Mais qui suis-je ?

- Est-ce que je peux faire quelque chose ?

La douceur de ma voix semble l'apaiser, ses sanglots diminuent en intensité et elle me répond dans un murmure.

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Une main m'arracha furtivement à ma solitude. Ma tête prit alors appui contre le torse musclé [ sexy razz

] de l'homme. Mieux qu'une étreinte, c'était un refuge qu'il m'offrait: le monde ne m'avait jamais fait peur, mais je trouvais la vie mortelle...Et les yeux fermés, ainsi protégée, j'étais à l'abri de la vie elle-même.
Je pouvais pleurer, hurler sans pudeur ni retenue. Mais je me contentais de laisser évacuer toute ma peine au rythme de mes sanglots convulsifs. Je sentis une main balayer mes cheveux emmêlés et essuyer mes larmes: une main ni intrusive, ni baladeuse. C'est à ce moment que je reconnus le visage de l'homme qui me consolait. Il s'agissait du serveur que j'avais pris pour un pervers le matin-même. J'en avais honte à présent [ T'es content, hein ? ^^ ]...
Sa voix brisa alors la bulle de douleur dans laquelle j'étais enfermée. Il n'y avait pas de doute, c'était celle que j'avais entendue au Starbuck, quand j'étais encore heureuse...

- Est-ce que je peux faire quelque chose ?

Pouvais-je moi-même faire quelque chose pour résoudre mon problème ? Je ne le pensais pas, sinon, je l'aurais déjà tenté. Pleurer était pour moi le dernier recours, celui que j'utilisais quand il n'y avait plus d'autres options. Alors qu'aurait-il pu faire pour moi ? Malgré tout, sa question m'avait touchée, et avait eu le mérite de me calmer.
Je tentai tant bien que mal de m'exprimer correctement, sans que ma voix soit rauque ou brisée par les pleurs.

- Non... Vous ne pouvez rien... Vous m'avez servi un café chaud ce matin, et je l'ai bu froid... Alors vous n'y pouvez rien, si je ne sais pas m'occuper de ma vie...

Je le regardai droit dans les yeux. Il avait compris, il savait qui j'étais. J'aurais pu lui demander un café chaud, qu'il n'aurait pas été en mesure de m'offrir. Mais j'espérais lui montrer qu'il n'y avait plus de clients et de serveurs, mais deux femmes et un homme abimés par la vie. Je voulais lui montrer qu'il n'était pas monsieur Personne ...

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- Je suis pas du genre à me faire remarquer...

Mais le ton du jeune homme ne trompa pas Sarah. L'avait elle blessé? Oui certainement, certainement plus qu'il ne voulait l'avouer. Peut etre était il habitué a etre seul? La douleur pouvait donner l'impression d'être déconnecté de la réalité, d'être invisible parfois même.

- A un départ nouveau ?

Un nouveau départ... Sarah était bien placé pour savoir que rien n'était si simple. Si tout pouvait etre oublié pour reprendre a zéro, rien ne serait si dure, pour personne.
Mais le jeune homme semblait y croire, en avoir envie. Tout du moins, il semblait l'espérer.
Sarah fut sortit de ses pensées par une voix apaisante a côté de lui.

- Est-ce que je peux faire quelque chose ?

Ils étaient a présent dans les bras l'un de l'autre. La jeune femme semblait avoir fondu en larmes. Une fois de plus, le mal être submergea Sarah. Souffrir était quelque chose qu'elle endurait silencieusement depuis longtemps maintenant et elle n'avait jamais semblé aussi vulnérable. Pourtant voir ces deux là, et lire la peine et la douleur sur leurs visages était bien pire que de supporter sa propre souffrance. Chaque parcelle de son corps n'aspirait qu'a vouloir les aider, et pourtant, elle était impuissante.
Sarah fouilla dans son sac et tendit un mouchoir a la jeune femme. Elle aurait voulu parler, mais elle ne put.

" Ca va aller... "

Mais même ce genre de banalité semblaient impensables ce soir.

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Je sentis alors une main se poser sur mon épaule. En me retournant légèrement, je réussis à discerner les traits de la femme qui m'offrait un mouchoir. Très féminine, elle semblait avoir à peine plus de vingt ans, et incarnait la beauté elle-même.
Elle ne parlait pas: elle aussi avait compris que toute tentative de réconfort avec de simples mots était inutile ce soir. Et ce pour chacun d'entre nous. Nous étions cette nuit les fantômes errants de ce cimetière. Que le jour se lève, et nous reprendrions chacun le cours de nos existences médiocres et détestées.
Je pris délicatement le mouchoir entre mes doigts, pleine de reconnaissance envers cette femme.

- Merci...

Je ne savais pas quoi ajouter d'autre. Le silence n'était pas gênant, ni pesant. Je n'aurais pas voulu me permettre de leur poser des questions indiscrètes sur leur présence ici, et les ombres de douleur cernant leurs yeux.
Je me laissai aller contre l'épaule de l'homme, apaisée. C'est tout naturellement qu'une question franchit le barrage de mes lèvres.

- Comment vous appelez-vous ?

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- Merci...

- Comment vous appelez-vous ?

_ Sarah.

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- Non... Vous ne pouvez rien... Vous m'avez servi un café chaud ce matin, et je l'ai bu froid... Alors vous n'y pouvez rien, si je ne sais pas m'occuper de ma vie...

Elle tourne son regard vers moi et il me laisse l'impression d'une vive brulure. Ce matin... La bassiste, la jeune musicienne pétillante et pleine de vie. Comme quoi. Elle a beau me dire que je n'y peux rien, je m'en veux de la laisser subir cette torture qui l'abime.

" Ça va aller... "

La jeune fille aux yeux clairs rompt le silence en tendant un mouchoir à ma protégée d'une main compatissante. Les reverrai-je un jour ? Les reflets du spectre ambiant, forgés à mon image, mes semblables... les reverrai-je demain ?

- Comment vous appelez-vous ? demande celle qui s'apparente à la sœur que je n'ai jamais eu en interrompant mes pensées assassines.

La seconde jeune femme répond la première, sa voix marquée d'une tristesse troublante.

- Sarah.

Quel secret cachait-elle ? La douleur qui la conduisait ici chaque soir l'aliénait-elle du reste du monde, limitant son droit au bonheur, freinant ses envies ?
Je déserre alors mon étreinte pour que la musicienne puisse se redresser. Deux regards appuyés se tournent vers moi.

- Charlie.

J'allais enfin mettre un nom sur le visage de l'enfant dont je devinais les traits grâce à la faible luminosité du soleil levant.

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Sarah. Charlie. Deux visages sur lesquels je pouvais enfin mettre des noms. Deux visages que je ne reverrai peut-être plus jamais. Deux âmes éperdues. Et en ce moment, je me sentais mieux avec eux qu'avec n'importe qui d'autre. Eux seuls.
Je répondis d'une toute petite voix:

- Amy.

Je ne savais pas quoi ajouter de plus. Est-ce qu'une autre parole aurait été superflue dans un endroit comme celui-ci, et en de telles circonstances ? Seul une question me tiraillait encore... Si je ne la posais pas, elle aboutirait peut-être à un regret futur. A supposer qu'il y eut un futur possible...

- Est-ce qu'il y aura un "demain" ?... Est-ce qu'on se reverra ?

"Ou est-ce que c'était juste le réconfort d'une nuit..." Quand on est confronté à son passé, et à ses peurs, quand on est amené à se remettre en question, dans ces instants où les pensées sombres nous envahissent, il y a juste à espérer que l'on n'est pas seuls... Et je ne l'étais pas, à ce moment précis. Alors était-ce juste la rencontre providentielle d'un soir, comme une bouée en pleine tempête ? ...
Je me torturais avec ces questions, suppliant presque du regard la jeune femme, Sarah, tandis qu'instinctivement, je m'appuyai de nouveau contre Charlie.

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- Charlie.

- Amy.

- Est-ce qu'il y aura un "demain" ?... Est-ce qu'on se reverra ?

_ C'est possible... Mais... Es ce que tout sera comme... Comme maintenant?

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Amy... La sœur que l'a vie m'avait arraché avant même de permettre de la contempler.
Et Sarah, celle dont les yeux superbes reflétaient son être entier, l'amie rêvée, presque immatérielle.

- Est-ce qu'il y aura un "demain" ?... Est-ce qu'on se reverra ?

La perspective de ne plus voir l'une d'entre elle me brula la gorge comme l'aurait fait une flamme, aussi efficace qu'une menace de mort.
Amy vient reprendre sa place contre mon moi et mon bras se noue naturellement autour de ses épaules. Sarah fait naviguer son regard entre Amy et moi. Si elle se sent à part, elle a tord.
Elle pousse un long soupire avant de regarder à côté de moi.

_ C'est possible... Mais... Est ce que tout sera comme... Comme maintenant?

Plutôt pourrir ici que de laisser les choses évoluer dans le mauvais sens. Il m'appartenait de faire le choix que je ne regretterais pas un jour. Je serai le chasseur de fantôme, jouerai les exorcistes pour laver ces visages parfaits des remords qui les entachent. Elles seraient heureuses, auraient le droit de l'être.

- Rien ne changera.

L'écho grave de ma voix résonne autour de nous. Bien plus qu'une promesse, je disais la vérité, elle était enfouie au fond de moi, je pouvais la ressentir. Sarah et Amy ne seraient plus seules.

- Jamais.

Sarah lève de nouveau les yeux vers moi, je lui promets d'un regard que de ma vie, je n'ai jamais été aussi sincère.
Amanda réagit la première.

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Sarah sursauta, et sembla hésiter. Elle paraissait peser ses mots, le pour et le contre. Son regard se dirigea vers Charlie. Qu'espérait-elle y trouver ? Avait-elle besoin d'aide pour me dire qu'elle ne le souhaitait pas ? Elle soupira tristement, avant de répondre d'une voix hésitante:

_ C'est possible... Mais... Est ce que tout sera comme... Comme maintenant?

Je baissai la tête, gênée. Je m'étais peut-être attachée un peu vite. Quoi qu'attachée fut un mot étrage pour définir cette rencontre. En fait, non, c'était cette nuit, qui l'était. Et rien d'autre.
La voix grave de Charlie s'éleva alors:

- Rien ne changera.

J'enfouis au fond de mon coeur cette promesse formulée sans aucune hésitations. Je ne demandais rien d'autre... Juste un peu d'espoir. Comme pour compléter son affirmation, comme si nous ne l'avions pas cru, il enchaîna avec le mot qui nous lierait tous au-delà de cette nuit, de cet endroit.

- Jamais.

C'était dit. Fait. Je vis le regard de Sarag se charger d'étincelles. Peut-être de la confiance, ou de la gratitude. Je ne savais pas. Et je m'en foutais. J'étais là, avec eux. Rien d'autre ne comptait à part cela. Rien d'autre n'existait...

- Alors... On n'est plus seuls ?

Demande innocente, toujours pleine d'un indiscible espoir. Comme s'il fallait qu'on me réponde pour que j'en sois certaine. Comme si je buvais chacun de leurs mots pour survivre. Et c'était le cas.

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- Rien ne changera.

- Jamais.

- Alors... On n'est plus seuls ?

_ Plus jamais.

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- Alors... On n'est plus seuls ?

Le sommes nous à présent ? Si ce soir, la brume nous isolait du reste du monde, nous laissant ignorant du temps et de la vie, nous épargnera-t-elle une fois dissipée ? J'y veillerai.
Le regard troublant de Sarah se pose sur le mien, son âme est visible derrière le fin voile de ses yeux clairs qui reflètent les miens. Elle me devine, je sais qu'on se comprend. Elle aussi se mutile, s'inflige une torture meurtrière qui finira par avoir raison d'elle.

_ Plus jamais, dit-elle alors à Amanda en lui offrant un sourire éblouissant.

Poussé par un instinct nouveau, dirigé par lui uniquement, ma main libre franchit la distance qui me sépare de Sarah et je m'empare d'une de ses mains. Le lien qui nous unit est matériel à présent, il dépasse la promesse d'un lendemain radieux. Nous sommes tous les trois liés par la tristesse, la douleur et le chagrin mais qu'importe ces mots envolés, nous nous aimons ce soir. Nous ne nous connaissons pas mais la gratitude mutuelle de nous être trouvés ici suffit à combler ce manque qui nous rongeait. Nous le savons, et parce que nous avons confiance, nous n'avons plus peur.

- Et moi... je serai là.

Je ne m'attendais pas à ce que ma voix se brise. Je n'aime pas parler de moi. Mais leur présence m'en rend capable.
Il me fallait leur dire. Leur faire savoir que si c'est de protection dont elles manquaient, c'était fini maintenant.
Un regard me suffit pour comprendre que le message était parfaitement passé.

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J'étais pendue à ses lèvres, à espérer un "non" qui changerait l'issue de cette nuit. La réponse ne tarda pas à arriver de Sarah, en même temps qu'un sourire magnifique. C'était celui de l'espoir.

_ Plus jamais

La main libre de Charlie ne tarda pas à se frayer un chemin dans l'obscurité pour saisir celle de Sarah. Je me retrouvais comme dans tous ces films et livres d'aventures, ceux de serments, de frères de sang. Comme si un lien nous unissait, et que nous le sentions à travers ce contact physique. Ce qui n'était pas du tout le cas. Nous étions ensemble, et c'est tout. Toute l'ambiance de cette nuit se résumait en ce seul mot: ensemble.
La voix légèrement rauque de Charlie s'éleva de nouveau, brisée par l'émotion, me semblait-il.

- Et moi... je serai là.

Il donnait l'impression de s'être forcé à faire cette remarque, parce qu'il le désirait plus que tout. Comme si les mots n'avaient jamais réussi à sortir par le passé... Je me sentais bien. Et plus le temps passait, plus une résolution grandissait en moi: je devais avouer la vérité à Shawn. Quoi qu'il m'en coute.
Je redoutais les rayons apparents du soleil qui signeraient cependant le nouveau départ que je m'étais promis de prendre. Ils ne tarderaient pas.
Je me tournai de manière à être face à Charlie et l'embrassai sur la joue:

- Merci...

"Pour tout". Je me dirigeai alors vers Sarah et posai mes mains sur ses épaules.

- J'reviendrai...

Je tournai les talons. Chaque pas qui m'éloignait d'eux me rapprochait de ma solitude. Mais c'était ainsi. Je devais dormir un minimum...J'arrivai bientôt à la plage, toujours sans savoir comment. Aucun passant à cette heure matinale. Le ciel était encore sombre. Je me rapprochai craintivement de l'océan, et déccidai d'enlever mes chaussures. Pieds nus, je m'engouffrai dans l'eau gelée. Arrivée à la taille, je finis par rester immobile.
Ce n'était pas le moment. J'avais fait une promesse.
Je rebroussai chemin vers la plage, et m'étalai trempée sur le sable, les yeux fixant le ciel.

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Amanda se tourne et me prend de court en déposant un baiser sur ma joue.

- Merci...

Ce mot est superflu, ses yeux trahissent toute la gratitude qui l'habite. Mais l'histoire ne fait que commencer, les remerciements, on les gardera pour la fin.
Elle assure à Sarah qu'elle reviendra et s'éloigne de nous. Le moindre de ses pas sur les cailloux blancs écorche mon cœur, le serre, l'abime, le met au supplice. J'ai l'impression de la voir pour la dernière et la toute première fois en même temps. Je ne suis pas prêt à porter le deuil de cette soirée.
Le soleil devient plus présent, ses rayons commencent à caresser les pierres tombales.
Je me tourne vers Sarah.
Je discerne mieux la douleur empreinte sur son visage, je la connais, l'identifie.

- Tu as perdue ta mère.

Ce n'est pas une question, elle le sait.
Ses yeux perdus, ses épaules légèrement voutées vers l'avant...
Son visage est un hommage à sa mère disparue, un héritage qu'elle n'essaie pas de salir.
Elle ne le cache plus maintenant.

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La main de Charlie emprisonna dans son étau la petite main de Sarah. Alors, et sans savoir pourquoi, elle sentit bien, sereine, plus sereine qu'elle ne l'avait été ces dernières heures. Elle se sentait liée a lui, liée a eux deux, eux qui lui ressemblait tant en cet instant.

- Et moi... Je serais là.

Sa voix, qui avait été jusqu'alors profonde et assurée, se brisa. Il le pensais, plus que tout en cet instant, il le voulait. Et il avait été prêt a le dire, ces mots avaient réussi a franchir ses lèvres. Les yeux de Sarah dévièrent sur Amy, perdue dans ses pensées. Son beau visage semblait résolu, son regard flamboyant. Elle déposa un doux baiser sur la joue de Charlie en lui murmurant un vague merci.
Elle se leva et posa ses mains sur les épaules de Sarah.

- J'reviendrai...

Elle reviendrait, Sarah en était sure. N'ayant pas le courage de la regarder partir, elle se contenta d'écouter l'écho de ses pas se perdre dans l'obscurité. Le soleil se levait, éclairant peu a peu le cimetière d'une lumière pâle. Elle releva la tête vers lui et remarquait qu'il venait de plongeant son regard dans les yeux de la jeune femme. Sa voix s'éleva alors dans le cimetière, assourdissante, déchirant un peu plus le coeur de Sarah.

- Tu as perdue ta mère.

C'était une affirmation. Voila ce qu'il cherchait, voila ce qu'il avait lu dans les yeux de Sarah. Il avait su déceler la raison de sa souffrance, comme s'il connaissait la jeune femme depuis longtemps. Sarah se contenta d'un vague hochement de tête et, ravalant ses larmes elle parla d'une voix étouffée.

_ ... Toi aussi, pas vrai?

Sa mère, sa famille, qu'en savait elle. Une chose était sure, il avait perdu quelqu'un de chère a ses yeux, quelqu'un de sa famille.

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Ses magnifiques yeux s'inondent de larmes. Elle hoche lentement la tête, envahie par une émotion soudaine. Sa mère est là.

_ ... Toi aussi, pas vrai?

On se ressemble plus que je ne l'aurais jamais imaginé. Jamais je n'aurais deviné qu'elle souffrait du manque d'amour maternel si j'en avais moi-même bénéficié.
D'un geste ample de la main, je souligne le nom de ma mère gravé sur la pierre à laquelle je tourne le dos. Elle comprend. J'agrandis le mouvement.

- Et mon père.

Le souvenir de son visage me fait l'effet d'un coup bas, le trou béant dans ma poitrine s'élargit.
Je poursuis la visite guidée en tournant la tête de trois quart pour que Sarah suive mon regard.
Elle aperçoit le nom gravé sur la tombe où je suis installé.

- Ma grand-mère.

Je ne me souviens pas avoir parlé d'eux à qui que ce soit hormis Sofia.
Je ne vois aucune pitié dans ses yeux et lui en suit reconnaissant, je hais ces regards faussement compatissants.
Elle, me laisse l'impression de contempler un miroir. Et en cet instant je sais de quelle façon elle me perçoit.

- J'vais pas te dire que penser sans arrêt à elle ne t'aidera pas. Qu'il faut arrêter de te torturer et vivre pour deux ou n'importe quelle autre connerie. La vérité, Sarah...

Elle m'écoute sans craindre d'être blessée par mes mots.
Je sais de quoi je parle.
Je lui dis les choses que j'aurais aimé entendre.

- La vérité c'est que tu penses à elle chaque seconde, son visage te hante, son odeur te suit... tes yeux sont brulés par les larmes à chaque fois que son prénom effleure tes pensées et ça ne va pas aller en s'arrangeant. Tu penseras à elle en te levant, t'habilleras en te demandant ce qu'elle t'aurait conseillé de porter, mangeras en regrettant les plats qu'elle te préparait, t'en vaudras dès qu'un sourire apparaitra sur tes lèvres, de peur de la trahir quelque part. Mais avec le temps, tu ne voudras plus te passer de son odeur, de l'écho de son rire, du son de sa voix et du souvenir de son visage... tu t'en voudras même de laisser ces souvenirs t'échapper. Tu auras encore ce sentiment d'avoir été punie et cette putain de culpabilité te rongera toujours, mais tu sauras que tu n'y es pour rien. Que la vie est une chienne imprévisible... Tu n'y es pour rien. N'oublie pas ta mère, sois fière d'avoir connue la femme qu'elle était, respire à nouveau, lève la tête Sarah. Sois heureuse. On reçoit parfois de beaux cadeaux.

Honteux, je prends conscience du discours que je viens de tenir. Elle doit me prendre pour un fou.
Je n'ai jamais parlé autant depuis... le début de ma seconde vie. Sans eux.

Invité Invité

D'un geste de main, il désigna une tombe, tout près de Sarah. La jeune femme tourna la tête, sachant déja ce qu'elle allait y voir. Son mouvement se fit plus ample, et désigna la tombe d'à côté.

- Et mon père.

Sarah reporta son attention sur Charlie qui lui indiqua d'un mouvement de tête un troisième tombe, celle sur laquelle il était installé a présent.

- Ma grand-mère.

A ce moment précis, un élan de soulagement traversa Sarah. Elle ne s'était jamais autant sentie comprise depuis des années. Il était elle, ils souffraient tout deux des mêmes maux qui les rongeaient, une douleur qui ruinait leur âme et leur volait tout semblant de bonheur véritable.

- J'vais pas te dire que penser sans arrêt à elle ne t'aideras pas. Qu'il faut arrêter de te torturer et vivre pour deux ou n'importe quelle autre connerie. La vérité, Sarah...

Sarah le fixa avec attention, sans aucune crainte, presque sereinement. Il savait quoi dire, il savait ce que toute personne dans la situation de Sarah, dans leur situation, aurait voulu entendre.

- La vérité c'est que tu penses à elle chaque seconde, son visage te hante, son odeur te suit... tes yeux sont brûlés par les larmes à chaque fois que son prénom effleure tes pensées et ça ne va pas aller en s'arrangeant. Tu penseras à elle en te levant, t'habilleras en te demandant ce qu'elle t'aurait conseillé de porter, mangeras en regrettant les plats qu'elle te préparait, t'en vaudras dès qu'un sourire apparaîtra sur tes lèvres, de peur de la trahir quelque part. Mais avec le temps, tu ne voudras plus te passer de son odeur, de l'écho de son rire, du son de sa voix et du souvenir de son visage... tu t'en voudras même de laisser ces souvenirs t'échapper. Tu auras encore ce sentiment d'avoir été punie et cette putain de culpabilité te rongera toujours, mais tu sauras que tu n'y es pour rien. Que la vie est une chienne imprévisible... Tu n'y es pour rien. N'oublie pas ta mère, sois fière d'avoir connue la femme qu'elle était, respire à nouveau, lève la tête Sarah. Sois heureuse. On reçoit parfois de beaux cadeaux.

Sarah éclata en sanglots. Les larmes ruisselèrent sur son visage mais elle ne prit pas la peine de les essuyer ni d'essayer de les arrêter. Tout ce qu'il avait dit était vrai, cependant le plus dure n'a jamais été d'être consciente de ces choses, mais plutôt d'arriver a les mettre en application. Car même lui, même s'il semblait croire a ce qu'il disait, n'arrivait pas a les mettre en application pour lui, sinon il ne serait pas la.
Sarah s'aperçut soudain qu'elle était tétanisée, ses muscles lui donnaient l'impression d'être atrophiés. Les joues humides, le regard hébété, elle devait etre pitoyable, mais elle s'en fichait. Parce qu'elle savait. Elle savait qu'il était comme elle, qu'il ressentait ce qu'elle ressentait. En cet instant, elle avait l'impression d'avoir en face d'elle son double, la seule personne qui pouvait la comprendre parce qu'elle était la même.
Sarah essaya de parler, et c'est une voix étrangement rauque qui s'éleva dans le cimetière.

_ Si c'était aussi facile, ni toi, ni moi, ne serions ici, dit elle avec l'ombre d'un sourire, mais... Merci. Il n'y a pas grand chose a dire dans ce genre de situation hein?
... Merci.

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