La vérité c'est que je n'ai pas su où aller, pendant longtemps. J'ai voyagé des milliers de fois, c'est vrai, je suis parti, pendant longtemps, j'ai su prendre soin de moi, parce que je savais que chaque fois que je regardais les étoiles, ma mère les regardait aussi. C'était rassurant, de savoir que malgré tout ce que je pouvais faire, j'étais toujours son enfant.

Mais quand ils m'ont donné l'urne après la cérémonie, je ne savais pas où aller. Je me suis dis que l'océan serait mieux pour elle, que son âme serait toujours proche de la mienne, que son coeur dans l'océan serait aller rejoindre la cité de l'Atlantide, un nouveau paradis que je lui offrais. Mais je n'ai pas réussi, j'étais debout face à mon monde, à ma liberté, mon plus grand péché. Mais je n'ai pas pu demander à la mer de me la garder, juste le temps qu'elle m'attende, pour que je la retrouve plus tard, quand mon bateau sombrerait.

J'en ai décidé autrement, je suis allé a son endroit préféré, j'ai fuis comme je l'ai toujours fait. J'ai pris l'urne, un billet de train et j'ai filé, loin de moi, de Mathilde et de tout le reste, je crois. J'ai pleuré, je ne compte plus le nombre de fois, j'ai eu peur, de ne pas y arriver. Et puis le Canada s'est offert à moi. Les mains tremblantes au sommet d'une des nombreuses montagnes, j'ai laissé s'envoler ma mère vers un autre, en me disant que j'aurai des remords plus tard de ne pas l'avoir gardé plus proche de moi. Mais c'était ce qu'elle voulait, je n'avais pas le droit de lui reprocher.

Le cœur lourd je suis reparti. Je suis monté dans ce train et jusqu'à cinq minutes encore j'ai dormi. Maintenant les images défilent face à mes yeux et je sais que mon impression d’étouffer va revenir, je ne suis pas sur mon bateau, pas dans la vraie vie. Je ferme les yeux, j'essaie de ne pas penser, que je me meurs si je retourne la bas, que New York ne me manque pas autant que cela devrait. Je ne sais pas où en est mon trajet, mais il me semble que les visages ressemblent à ceux que je connais.

Je regarde mon iPod, me rend compte qu'en fond d'écran c'est elle que j'ai, c'est différent à présent. Tout est différent, je le ressens. Mon coeur me fait mal, j'oublie presque de respirer, je choisi de ne pas écouter la musique pour les minutes qu'il me reste à vivre dans ce train, parce que je me doute déjà, que toutes celles que mon iPod décidera de passer, me feront penser à la femme qui hante encore mes pensées. Mathilde Teissier.

Fuck this. Je veux juste partir. Encore, sans savoir pourquoi. Bullshit, je sais très bien pourquoi. Joey m’étouffe. Je suis égoïste, elle l'est tout autant. Quelques heures de plus et je lui étampais ma main au visage. Quand ses lèvres parlent plus vite que les insultes que je peux lui répondre et que les secondes s'éternisent dans un enfer quotidien. Cette ville est trop grande. Trop de béton, trop de gens. Pas assez d'espace pour respirer. Je veux les montagnes du Montana et les déserts du Texas. Je veux qu'on me laisse exister sans attaches. Je crève qu'on me détache enfin de mes erreurs de jeunesse. Joey en est une. Si j'avais pu lui dire, que je ne reviendrais jamais, peut-être qu'elle aurait tourné autrement qu'en cette harpie qui me rappelle mon reflet. Elle m'emmerde comme je m'emmerde. La seule différence, c'est que je pourrais la laisser là. Alors que moi, je dois me supporter. C'est invivable, d'être enfermés dans les mêmes murs. Ses reproches me donnent envie de gerber la bière que je n'ai pas encore ingérée. Joli cercle vicieux.

Le seule pensée qui ne me donne pas envie de tout foutre en l'air est celle de partir bientôt, en laissant tout derrière. Toutes des connes, ces filles. Emmerdeuses jusqu'au sang. Avares d'excuses sans une once de sincérité. Comme si les mots avaient de la valeur. Quelles conneries ouais. Joey. Lux. Même ma mère avait le don de me faire enrager. Elle doit se retourner dans sa tombe en m'entendant. Et je devrais quoi, me morfondre de ne plus entendre ses conseils à la con. J'avais rien demandé. Qu'ils me laissent partir avec mes souvenirs. Qu'ils me laissent être libre.

Rien d'autre que les foutus vacillement du train pour me sortir de mon ennui. Il a fallu que ma moto crache une fumée noir ce matin. J'ai du trouver un plan B. Quelle vie de merde. Tous ces gens autour de moi pensent qu'ils existent parce qu'ils vivent à New York. Le centre de ce putain d'univers, ouais. Que des fourmis qui se feront gober quand l'heure sera venue.

Un pauvre amoureux transit s'est assis dans la rangée face à moi. Il soupire et se languit en regardant une image virtuelle d'une miss quelconque. Non mais, c'est pathétique. Le voilà nostalgique. Je parie à en crever qu'il s'ennuie d'elle, ce genre de stupidité. Il n'a pas compris que dans la vie, ces filles là font couler les rêves à coup de perfection contre notre bateau. Mon navire à moi, il vogue plus vite que jamais, malgré quelques fissures à la coque. Rien qu'il ne soit nécessaire de mentionner. J'en reviens à ce mec qui est si prévisible que ça me fait rire.

« Me dit pas qu'elle t'attends quelque part comme un chien sans médaille. »

De ma voix la plus désolée, sans une once de sincérité. Dis-je en pointant la fille dans l'écran.