Accoté contre un mur de brique, je fume une clope dans l’air frais du matin. À quelques mètres de moi, un vieil homme installe sa table pour vendre des merdes aux touristes qui afflueront par centaines dans quelques heures. Je préfère travailler de mes mains, suer à en être trempé, plutôt que de passer ma journée assis sur mon cul, à minauder avec les passants. Qui est-ce que ça intéresse des cartes postales, de nos jours. On téléphone, on texte, ou on ignore les gens. Écrire c’est dépassé. Les temps anciens où le facteur passait tous les matins, c’est de la bullshit. Jamais je n’ai écris une lettre, jamais je ne le ferai. Qui est-ce que ça intéresse de toute façon l’endroit où je me trouve. Ma seule famille, elle m’attend à la maison, ma Joey, bien endormie sur son lit, après avoir trop bu ou trop fumé. Quelle idée aussi, d’être autre chose que deux adolescents qui crèveront un jour de leurs excès. Ils se croient bien intelligents, ceux qui vivent sagement. Ils pensent qu’ils suivent le bon chemin, qu’ils seront récompensés. Quels hallucinés. Je suis plus rationnel que ça après plusieurs pintes de bière. D’ailleurs, je suis probablement encore un peu alcoolisé, n’ayant pas encore fermé l’œil. J’ai rencontré cette fille, au bar, ça s’est terminé chez elle, le genre de petite fête privée où on froisse beaucoup les draps. Me voilà dehors, rescapé d’un réveil où on prétend qu’on veut se revoir alors qu’on sait très bien que ça n’était qu’un coup d’un soir, comme ça, en passant. Si c’est pas magnifique de vivre à notre époque. Devoir marier une fille pour pouvoir passer une nuit avec elle, très peu pour moi. Et si c’était une mignonne trop frigide pour ça, bienvenue l’enfer, ouais. Alors je me contente d’apprécier la vie. Ceux que ça emmerde, ce sont les jaloux.

Je respire la décadence, encore un peu décapé d’avoir tant bu hier. Voilà qu’une jolie blonde me passe devant les yeux. Son pas sautillant donne l’impression qu’elle gambade. Peut-être qu’elle a du sang de farfadet, je ne vois pas d’autre explication pour avoir l’air si foutument heureux de se trouver dans cette ville pourrie. Soit elle est high, junkie parmi tant d’autres, soit c’est une imbécile heureuse. La voilà qui regarde je ne sais quoi au ciel. Peut-être qu’elle attend d’apercevoir Batman sur le toit d’un immeuble. « T’es perdue ou quoi ? » Que je lui lance, m’interrogeant sur sa santé mentale. Il y a une majorité de dingues dans cette ville, pourquoi pas une jolie fille ? Ça me fait sourire en coin, comme le grand méchant loup. Si elle pense que je vais l’aider à retrouver son chemin, elle se met le doigt dans l’œil. J’ai toujours eu de fortes tendances à l’égocentrisme, ces temps-ci, ça atteint des sommets. C’est peut-être ça, justement, qu’elle cherche, là où se termine mon égo. L’idée me plaît bien, et tous ceux que je connais seront bien d’accord. Même ma propre sœur ne pourrait pas nier que je suis le roi des narcissiques, penser aux autres, c’est une perte de temps, est-ce qu’ils pensent à moi, la réponse est non! Quoi que quelque part, j’espère fortement que Lux est malheureuse dans son mariage de conte de fée. Elle aura eu sa fin heureuse, maintenant elle n’a plus qu’à vivre avec ça pour le restant de ses jours. Quelle idée stupide de se marier, je l’emmerde, elle et la population complète de Fairview, qu’ils se noient dans leurs faux-semblants, ça leur serviras de leçon.