J’ai été emballée, quand Marianne m’a dit qu’elle se mariait. Ca m’a rendue toute joyeuse de la voir aussi heureuse. Mais d’une manière que je ne me connaissais plus. Voir que d’autres peuvent avoir une vie amoureuse aussi belle ne m’a pas rendue jalouse, elle m’a donné espoir, parce que je me suis dit, que finalement, ça existait pour de vrai. Pas pour moi, certes mais c’est réel, ça peut arriver même dans la vraie vie. Pas que dans les films, la magie. Et puis, Marianne, la belle Marianne, au prénom qui me fait rêver, elle méritait de trouver son Robin, même s’il s’appelle Jack, et qu’il n’est pas hors-la-loi. Elle était trop douce, gentille et belle. Un trop grand cœur pour être brisé. Et je serai aux premières loges pour assister à la consécration de cet amour que je n’avais, je l’avoue, pas vu venir, trop occupée à croire que ce sentiment était mort. Je n’y croyais plus, jusqu’à ce que Marianne me demande d’être sa demoiselle d’honneur. Et puis la naissance de Ron m’a confortée dans l’idée que l’amour n’était pas une utopie. Il en est l’incarnation. Alors, j’ai réfléchi.

Dean est parti, et j’ai mal prit ce nouvel abandon. Mais je n’ai même pas remarqué que je m’en étais remise, tellement j’étais focalisée sur Sahara et Emily. J’ai tellement voulu oublier mon « deuil » que je n’ai même pas remarqué qu’il était terminé. Que j’avais réussi à gagner des amis en perdant mon amour. Je n’avais pas fait gaffe, et je me sens terriblement conne pour ça. Obnubilée par l’idée de ne pas déprimer, j’ai mis de côté mon existence, pour finalement l’oublier. Sauf qu’en me retrouvant, je me suis rendue compte que j’étais guérie depuis longtemps. Et tout ça, le pire, c’est que ce n’est qu’aujourd’hui, pendant que l’on me maquille, que je m'en rend compte. Je suis tellement heureuse pour Marianne, que je me rends compte que j’étais heureuse depuis bien plus longtemps encore. Peut-être parce que finalement, malgré tout les malheurs qui nous ont conduites là, toute les trois, on est liées, Sahara, Emily et moi. Je ne suis pas seule, car on est une famille. C’est plus fort encore qu’avec mes frères. Car pour une fois, c’est moi qui m’occupe de quelqu’un, et ça me donne l’impression d’avoir mûri. Je suis capable d’avancer toute seule. Je peux désormais prendre mon destin en main. Je suis une femme, et alors que je me regarde dans le miroir, apprêtée, dans ma robe rose et mes cheveux attachés, je m’en rends compte. Je ne suis plus une gamine, Peter Pan ne viendra plus me chercher. Mais je continuerai à l’attendre, pour le remercier de m’avoir fait espérer, tout ce temps. Il m’emmènera faire un petit tour, juste comme ça, voir les pirates et les sirènes, mais à l’aube, je reviendrai, pour continuer de grandir. Ca va être sympa.

Je suis soufflée, quand même, par le reflet dans le miroir. Je ne me suis pas vue grandir, ça, c’est sûr, mais il y a autre chose. Je n’ai pas remarqué, que du maquillage et des barrettes pouvaient me rendre un tant soit peu jolie. Bon, je ne vais pas non plus ériger un autel pour célébrer ma beauté, hein. Mais pour une fois, je me dis que vraiment, je ne suis pas si moche, quand je fais attention. Mais ça me fait quand même un peu peur, car je n’ai jamais autant ressemblé à ma mère. J’ai l’impression de voir une photo d’elle, dans ce miroir. Mais ça ne me terrifie pas complètement non plus, car finalement, j’ai compris que je ne deviendrai pas folle à cause du malheur. Il n’y en a qu’une toute petite dose, dans mon cœur, aujourd’hui. Dean n’est une flaque, comparé au plaisir d’être ici, avec Lexie qui rajoute des fleurs dans ses barrettes, qui lui donne un côté bucolique qui lui va si bien, avec Aurore, qui a presque l’air heureuse, quand elle feint ce sourire qui plait tant à Marianne. Et avec Marianne, qui a accueillit cette flèche dans son cœur avec une bonne volonté toute belle. C’est bon gars, son archer.

J’aide donc Lexie à mettre ses fleurs dans ses cheveux, les lui mets toutes, même alors qu’elle propose de m'en offrir une. Je ne veux pas trop en rajouter, je suis exactement comme j’ai toujours rêvé d’être, aujourd’hui. Pleine de confiance, avec l’impression d’être jolie. Je sais que dès que j’aurais une minutes de libre, j’irai remettre un peu de laque à Emily, et prêter le gloss que l’on m’a mis à Sahara, parce qu’il lui ira comme un gant. Puis j’irai voir Charlie, Sofia et Ron, prendrai le petit dans mes bras, en essayant de ne pas lui faire de bisous, pour ne pas lui laisser des marques de maquillage sur les joues. Et tout ça, c’est des trucs d’adulte, dans ma tête, aujourd’hui. Alors, je veux ressembler à une adulte, quand je les ferai. Donc pas de fleurs, de toute façon, elles lui vont avec une telle perfection, à Lexie, que je m’en voudrais, de lui en enlever une. Surtout qu’elles l’aident à supporter sa coiffure, pourtant très jolie. Mais Lexie, elle n’est pas faite pour être coiffée. Elle est faite pour la liberté.

Puis on nous a lâchées dans la foule. Je me suis amusée à partager mon bonheur avec tout le monde, juste comme ça, comme avant. Je distribue les sourires, joue avec les enfants, fais des parties de cache-cache avec eux. Je me dis que finalement, ce n’est pas très adulte, mais ça m’amuse de les voir rire. J’essaie de ne pas courir, de toute façon, avec mes talons, je n’y arriverai pas. Elle m’a demandé d’en mettre, Marianne, je devais sûrement paraitre trop petite. Puis bon, mes baskets défoncées n’allaient pas avec ma robe. De toute façon, il n’y a pas que les chaussures. Je ne veux pas transpirer, quoi.

Soudain, je vois Aurore, dans un coin. Et je décide d’aller la voir. Elle a l’air mal-à-l’aise et ça m’embête. Elle est toute douce, et son accent français me fascine.

Je me force tant bien que mal à respirer normalement. Je ne sais plus quoi faire de moi, je fais semblant, je ne sais pas. Je traine ma carcasse française dans tout New-York. Je ferme les yeux, pour simplement me laisser le temps d'écouter.

J'entends les enfants jouer, je les imagine se salir à jouer trop fort, trop vite en attendant la cérémonie. J'entends les gens parler, je les vois rire comme il se doit. J'entends des tas de choses, et au milieu de tout ce bonheur, il y a moi, plantée dans tout ça. Je ne mérite pas ma place ici, je fais tache entre Lexie et Ashley, je le sais.

Mes sourires ne s'animent pas, ne transmettent rien, si différentes deux autres filles qui sont demoiselles d'honneur aujourd'hui. Si différente, oui. Je soupire, rouvre lentement mes yeux un peu trop bleus. Je me dis quelques secondes de trop qu'il faut que j'arrête de faire ça. Alors je me tourne vers le côté, m'efface petit à petit. Je m'assois, juste là, de là où je peux tout voir et où personne ne me remarque.

J'efface mes sourires, j'observe tout devant moi, mon esprit encore embué par l'image de Charlie et son fils. Je pince mes lèvres, me sens comme enfermée. J'ai peur, vous savez ? Je vais tomber au moment où je remonterai l’hôtel, au moment où encore une fois aujourd'hui on va me voir tout en espérant voir quelqu'un d'autre. La mariée, celle dont c'est la journée.

J'ai mal au cœur, et je m'en veux de me comporter comme ça. J'ai envie de fuir, de retrouver les gens qui semblaient tenir à moi. Ceux qui ont toujours fait partis de ma vie, partis de moi. Je suis seule ici, je crois. Je soupire parce que je ne vis pas.
Et le sourire sincère d'Ashley semble me le rappeler.

- Tu es trop belle pour être malheureuse, tu sais ?

J'esquisse un sourire, je crois, ou plutôt une moue compréhensive. Cependant surprise, en vérité je n'ai aucune idée de l'émotion que je fais passer. Perturbée d'être découverte comme une menteuse, qui fait semblant, je me sens encore plus mal qu'avant. Ça se voit tant que ça, qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez moi ?

Je soupire et me vient en tête l'envie de pleurer, je ne sais pas pourquoi. Juste comme ça, ça brûle ma gorge, mes paupières. Mon moi tout entier. J'ai mal au cœur, bon sang. Et même cette beauté qu'Ashley a cité n'y changera rien. A quoi sert d'être jolie si ma vie elle ne l'est même pas un peu ?

Alors je me force, je ravale mes larmes, les envoie loin, très loin en moi. Je souris, passe une main sur mon visage, les deux en fait, je sais que mon maquillage ne s'efface, il a été fait de sorte pour que rien ne bouge, que tout reste parfait. Et puis, je lâche mes joues, et je relève la tête, sure de moi, ou plutôt quelque chose comme ça.

- Oh mais tu sais, moi, je ne suis ni belle, ni malheureuse.

Et si elle me le demandait je pourrai jurer mon presque mensonge comme vrai.