Invité
Invité
| Sujet: ✘Ecstasy of gold ─ Six mois plus tard 28.09.11 22:51 | |
| La douleur se présente à chacun avec les traits d'un autre, changeant. Pour les enfants, il s'agit d'un monstre surpuissant qu'un héros peut chasser. Pour les mourants, elle ressemble à une vieille connaissance surdouée. Il lui arrive de choisir le corps d'un autre qui avec diablerie vous tente. Elle apparait aux anges quand une âme se détache trop tôt de son ensemble. Mais ma douleur comme la votre est unique. Et en tous points, me ressemble. » six mois plus tard « Je hais la grossesse et ces bonnes femmes menteuses qui en louent les prouesses. Maudites vauriens qui accaparent nos yeux avec leurs lourds visages, tuméfiés. Les miens les trouvent laides, inhumaines de miel et de douleur. Elles me font peur. Elles disaient que rien n'irait mieux qu'après, que je verrai, que je comprendrai. Qu'un enfant, ça te change la vie et qu'avant lui... tu n'avais jamais rien réussi.
Jamais je ne me suis sentie moins femme. Moins moi, moins désirable. Je pleure si souvent que je ne reconnais plus mon reflet, mes cernes gonflées. Quand je croise mes yeux, ils contemplent leurs propres orbites avec horreur. Le dessin de mes lèvres attise les courbures de mes joues que je creuse, que je mords. Mon visage trop vite redevenu mince me fait peur, j'ai l'air d'un elfe mort. Beau et condamné. Éternel et décimé. Mon peuple tombe, mon peuple sombre.
Il y a bientôt six mois que je n'ai plus été aussi vraie que moi. Chienne de mon ombre. Mon corps me fait mal, il est à jamais changé, j'ai l'impression d'avoir été battue. A mort par un acteur au masque sang et or. Un génie du chaos, un vrai maestro.
J'avais retrouvé mon Charlie, lui avait dit « Je suis désolée. Comme toi, tu vois ? T'es tout le temps désolé alors que tu devrais pas. T'as aucune raison de l'être. Je te quitte et toi tu demandes pardon, c'est moi qu'ils auraient du foutre en prison. Quand je te dis des conneries comme "Je vais m'en aller. Demain, maintenant... Tout à l'heure, je ne sais pas quand mais je m'en vais." tu devrais me secouer. Mais t'es tellement gentil que tu ne pourrais pas chasser la folie hors de moi. Je sais pas comment te dire, comment expliquer les choses que j'ai faites. Je voulais protéger ton mètre quatre-vingt cinq de mon auto-destruction. Parce que j'ai toujours su qu'un jour viendrait où je me ferai exploser... Seulement voilà, c'est fait. Je me suis fait péter le cœur, j'ai déconné. J'ai essayé de me suicider à l'intérieur de toi, de t'arracher à moi. Ça a fait mal. Et plus que prévu, je me suis même écroulée dans la rue. Je savais pas, tu vois, que tu pesais si fort et depuis si longtemps en moi que sans toi tout fout le camp. J'ai été mordue ! J'ai rencontré quelqu'un de si beau que je la mérite pas. Mais je supporte plus cette douleur, juste là. Mon corps te veut, je te promets. Y a quelque chose dans mon ventre qu'on peut pas dissocier de toi... Je t'ai dans la peau, Charlie. Et j'ai réalisé que même divisée en plusieurs morceaux, ils ne pensent qu'à toi. Même avec le cœur étalé sur le pavé, même morte à moitié. Je ne veux que toi, te rendre heureux. Être là et te regarder aimer les gens. Alors je suis là pour te dire pardon mais j'ai besoin de toi, j'ai dérapé comme personne. Mais je t'en prie, crois-moi, aime-moi, pardonne-moi. Parce que je suis désolée, mais y a pas une partie de moi qui soit pas amoureuse de Charlie Burton. »
Et il l'a fait. Il m'a prise, il m'a crue. Il m'a aimée, m'a pardonnée et aimée encore. Il m'a laissée être son monde et m'a rendu le mien. Les jours sont devenues des nuits ; le soleil avait retrouvé sa lune et dans une chaleur blême, ils s'aimaient. Et puis un papier est arrivé, de l'hôpital. J'avais été mordue, je devais avoir la gale. Je lui ai dit de l'ouvrir sans moi. Et le soir voilà, il m'a annoncé qu'on s'aimerait à trois.
J'étais pleine de lui depuis plus de trois mois et personne n'avait rien vu. Même le manque de sang ne m'inquiétait plus "c'est à cause des nerfs, comme d'habitude". J'ai haïs toutes les minutes à voir mon corps enfler, me transperçant les côtes. Il a aimé la moindre seconde passée avec ce nouveau moi loin des anciennes fautes. J'ai pleuré chaque jour d'une douleur monstre qui me fait parfois vomir encore. Il a essuyé mes larmes de ses baisers en chantant du courage pour mes efforts.
La naissance de mon nouveau monde a été la pire et la plus grande nuit de ma vie. J'ai failli mourir, m'éparpiller vraiment. Je me suis dit qu'après tout, cette fois encore je me trouvais là, dispersée en plusieurs morceaux portant chacun son nom. J'ai eu peur, si fort que j'en tremble ce soir. Que la vie s'arrache à moi, cette fois. J'avais survécu à Sofia sans Charlie mais voyait déjà Charlie sans Sofia. "Ça le tuerait", le monde entier a pensé, si j'avais la mauvaise idée de le quitter. Surtout si j'emmenais avec moi notre fils et les tripes de Charlie. Son cœur, sa vie.
Je n'ai pas vu mon enfant naitre et la douleur me rappelle chaque jour cette vérité. Plongée dans les limbes deux jours durant, j'ai abandonné mon monde, son tourment. A mon réveil, je me suis crue morte. Des anges étaient là, sur le pas de ma porte. Charlie, qui a pleuré sur mes lèvres, m'abreuvant un baptême nouveau. Lexie, dont le sourire me disait que, pas une seconde elle n'avait désespéré. Et dans ses bras, mon fils endormi. C'était vrai. J'avais un fils et étais en vie.
Depuis ce jour, je pleure. Tout le temps, bouleversée par le moindre sentiment. Je pleure de me savoir vivante, heureuse de sentir mon cœur battre sous sa bouche. Je pleure d'aimer Charlie de cette ardeur donnant à mon sang un gout lacté. Je pleure d'avoir Lexie et sa magie pour tout ange à l'aube de ma nouvelle vie. Je pleure ma douleur, déforme et reforme mon propre corps, encore et encore. J'entends les mots de ces femmes et pleure d'entendre enfin raison, la nuit. Parce qu'un enfant a changé ma vie et qu'avant lui... je n'avais jamais rien réussi. |
|