Mes clefs en main, mon compte de banque en poche. Je navigue entre les touristes. Des illuminés qui voient les lumières et qui pensent toucher des diamants. Faut être con pour ne pas voir les ampoules brûlées des panneaux publicitaires. Que du toc pour les visiteurs aux porte-feuilles bien remplis. Le tapis rouge du sang de ceux qui y ont connu leur perte. Balancés du toit par leur banquier. Je compte les zombies aux machines. Leurs rêves de richesse morts-nés. Cet endroit me glace le sang. Deux vampires gardent les portes.

De quoi me donner envie de gerber mes mensonges. Régurgiter quelques histoires qu'on croira faute de mieux savoir. Trouvez l'erreur. Je joue de quelques billets entre mes doigts. Les dernières preuves de ma criminalité. Je serai sans-abris parce qu'une amie m'a donné une conscience. Et l'idée de lui en vouloir se révèle impossible. Damn, girl. Bonjour, puis-je échanger des billets verts contre de miroitantes pastilles de plastique. Encore un concept stupide. On en ressort les poches vides et le coeur sans espoir. Pas ce soir.

Je mets un trait sur les jours passés à me construire un empire de fourberie. J'ai l'espoir de bâtir quelque chose d’inattendu. La chance des esprits brillants. Juste assez illuminé pour courir à ma perte. Faut pas écouter ce que je raconte. Je ne suis pas sevré. J'invente ce qui me pousse un peu plus loin. Toujours à croire que je suis seul au monde. Ça surpasse la gratifiante réalité où je ne suis qu'un désappointement. Merci maman. Merci papa. Vous ne me manquez pas.

Une petite pensée à mon frère, cet abruti. À ses règles que je m'amuse à briser. J'irai écrire sur un mur avec de peinture en canne. Lui laisser un clin d'oeil à travers la ville. Un doigt d'honneur à celui qui ne pourras jamais me changer. Abandonne, Chris. Le petit de la famille ne suivra pas les traces de décence que tu as tracées devant lui. On est pas frères, je le jure.

Il y avait un mec, que j'ai laissé tombé. Rencontré devant un manoir, retrouvé devant la prison, oublié de mes plans foireux. Quelques secondes de taffetas. Je divague. Flash back d'une autre vie. J'écoute mes doigts qui se cramponnent aux jettons. Ce soir, je dis adieu à une vie facile. Embarquez-moi vers les jours pluvieux, ça me forcera à quitter les mensonges qui me collent à la peau. Je me dirige vers une table vide. Quelques cartes et j'abdique. On se reverra à la sortie. Un regard. Je ne connais pas ce jeu. Encore mieux.

« Je mise tout! » et d'un regard au croupier, j'ajoute : « Ma chemise, ma peau et mes os . »

J'amorce un rêve, un morceau de fatigue, une blessure au coeur. Le sien évidemment.
Mon cœur va bien, il a juste le malheur de partager celui d'une Maria trop belle pour moi.
Unique, je n'y peux rien, elle possède en elle un brin de mystique. Une science infuse, et un rire d'enfant.
Elle est une entité à elle seule, elle a ce quelque chose que les autres n'ont pas. Des mots chantants.
Vient l'Aurore et ses pleurs, elle aussi sans le voir elle a touché mon coeur. Je pourrai murmurer, qu'il est déchiré,
qu'il balance entre elles deux, que sans elles je ne suis plus rien. Mon coeur s'est arrêté de battre parce qu'il a trouvé le plus beau des matins.
Mes pensées ne semblent plus faire aucun sens et les gens devant moi mise l'argent qu'ils ont gagné.
En un seul mois j'en suis persuadé, parce qu'il ne faut pas se tromper, ce ne sont pas les riches qui sont ici.
La plupart sont là pour changer, les gens perdus, ceux qui ne savent plus quoi faire pour se sauver.
Se délivrer de l'ennui de leur vie. Je les envie. Je me perds. Bon sang, la vie est enfer.

« Je mise tout! »

Qu'un homme me cris. Et moi sans réfléchir je lui souris. Ma main va pour attraper sa mise.
Sa vie, son monde. Je me dis qu'il ne devrait pas, qu'ici on perd plus qu'on gagne.
Qu'il va s'emprisonner dans une ronde infernale qu'il ne pourra plus quitter.
Que le jeu on l'a dans les veines, ou on ne l'a pas. Que ce n'est pas n'importe qui qui peut faire cela.
Je voudrai lui rendre ce qu'il me tend, je ne veux pas que ce monde de paillettes lui enlève tout ce qu'il a.

« Ma chemise, ma peau et mes os . »

Ô je vois. Il a déjà tout perdu ce monsieur là. C'est dommage, je crois, ça me fait mal, mais je ne le dis pas.
Je ne suis pas payé pour refuser l'argent, mais je refuserai rien bien le sien, parce que c'est son monde qu'il m'offre.
Et que mon monde à moi n'a pas besoin de cela. Il est déjà bien assez plein d'âmes déchues.
De personnes qui pensent que jamais ne l'argent ne pourront les aider. Que les sentiments ne s’achètent pas.
Que je ne sais pas. Je soupire, hésite, je regarde les autres personnes autours de moi.
J'ai envie de repousser son argent vers lui. Lui dire de garder tout pour lui, pour qu'il puisse les offrir à quelqu'un de mieux.
Mieux que moi, mieux que le casino de New-York, mieux que tout cela.
Mais je sais que des dizaines de caméras sont braquées sur moi. C'est comme ça ici, tout est calculé, surveillé.
Alors je pose ma main sur la liasse d'argent, je le regarde, désolé. Je miserai sur sa vie, si je le pouvais.
Sur ses sentiments, son histoire et ses regrets. Quand je rentrerai, Maria saura qu'aujourd'hui, je l'ai rencontré.

- Vous êtes sur ? qu'enfin je murmure.

Mes mains sont sales, des trahisons et des déceptions. Je perpétue sur mon chemin, l'américaine tradition du désappointement. Tous les poster qui affichent de beaux jeunes aux futurs glorieux. Ce n'était qu'une actrice qui vit dans un 1 et demi et qui travaille à temps partiel chez starbuck pour arriver à survivre dans une grande ville loin de ses parents. Elle est loin de ses rêves de gloire et de paillettes. C'est si facile, de tenir la réalité à bout de bras, de la repousser chaque jour, de lui dire que c'est une conne et qu'on est bien mieux sans elle. Je déraille, je crois. Et puis quoi, un autre mec un peu perdu qui ne crois plus en rien, c'est pas nouveau. Ça court les rues. Mon désir d'être une exception me revient en plein visage. Comme les autres ratés, mon Shawn, comme les autres. Ça me passera, mes grands airs et mes rêves de voyous. Je voulais être le bandit aux airs de gentil, quelle connerie.

Je ne porte attention qu'à ce qui n'en vaux pas la peine. Quelques jetons, tout ce qui me reste, étalés dans un passé que je fuis comme un lâche. Un mec, bien habillé qui compte les cartes, déplaçant plus d'argent qu'il n'en gagneras jamais. Qu'une idée parmi la mer qui inonde mon esprit. Que des faits, des impressions, des instants qui s'effacent aussitôt passés. Qu'une transcendante impression de déjà-vu. Mes mains laissent tomber les cordes d'une réalité que je renie depuis trop longtemps. Que des histoires pour un petit garçon qu'on a oublié dans l'ombre de son frère. Que des rêves pour lui prouver qu'il n'a pas besoin d'attention, qu'il n'a pas besoin d'être aimé. Et ce gosse s'accroche à mes mains, s'agrippe à mon coeur, propriétaire de mes malheurs.

- Vous êtes sur ?

Sur de quoi ? De moi, de rien. Tout ce que je sais, c'est que je veux me débarrasser de ce qui ne m’appartiens pas. Je veux perdre mes vieilles habitudes. Je veux oublier mes mensonges et les rêves éveillés que j'orchestre. Je ne suis pas quelqu'un de bien, mes gestes le prouvent chaque jour, devant chacun de mes choix. Oubliez que j'ai existé. Je n'ai pas d'excuse. On ne devrait pas pardonner aux inconscients. Ma pauvre mère qui pleure un peu, pour que Dieu sauve mon âme. Si elle savait l'ampleur de la noirceur de ma vie. Jamais elle ne pourrait compter les ombres pour les dénoncer. Jamais elle ne pourrait cesser de pleurer. Être un bon gars, comme son premier, c'est contre toutes les fibres de mon être. Je ne sais plus vraiment si j'ai quelque chose à ajouter, sauf la vérité.

« Je n'ai jamais été aussi sur. »

Regarde le pauvre cynique qui te dis que la vie c'est de la merde. Compatis un peu, mais ne le crois surtout pas. Il te ment comme il se ment. C'est un cercle vicieux. Les plus belles déceptions sont celles qu'on croit sois-même. T'en fais pas mon vieux, le pauvre cinglé n'en a pas grand chose à faire que tu ne saches ni le pourquoi, ni le comment. On a tous nos tremblements et nos ruptures. Ces moments où le sol s'effondre sous nos pieds, forçant une nouvelle fondation, plus solide, plus stable, plus fidèle à celui qu'on aimerait être.

« Il y a des jours où perdre, c'est gagner autre chose. »

Je rachète mon honneur à coup de dés, à coup de hasard. Je reconstruit lentement de mes mains, un hôtel au respect que j'ai depuis longtemps perdu. Je commence aujourd'hui, à me laver les mains d'un passé qui m'a trop longtemps collé à la peau. C'est impossible d'être un gamin pour toujours, un de ces quatre, je serai un homme. J'ai bien des étapes à passer, avant d'y arriver, mais ce ne serait pas aussi drôle, si c'était trop facile. J'ai souvent pris le chemin le plus court, n'ayant pas réalisé que ce qui vaut la peine, c'est le voyage, non la destination. Je ne sais pas où je vais, mais pour une fois, je m'en fous.

Je me sens observé, et je sais que ça y est la caméra de surveillance s'est tournée vers moi, que les patrons doivent s'énerver déjà.
On ne refuse pas l'argent des clients, jamais, alors de quel droit, moi, je le force à hésiter ? J'ai envie de lui dire de s'en aller, que tous ce qu'il va réussir aujourd'hui c'est foutre en l'air une partie de ma vie.
Je les entends crier à distance, devinant chacune de leurs paroles, choquant mes oreilles de leurs insultes naissantes.
J'ai besoin de ce travail, de l'argent qu'il me rapporte même si je lui trouve une odeur qui me soulève le cœur. J'ai les doigts crispés sur cette liasse qui pourrait faire son bonheur.
Je ne veux pas qu'il perde tout le sien, putain ... Allez, va-t-en même si tu sens qu'aujourd'hui tu peux tout perdre, pense à demain. On ne joue pas avec ces choses-là, pas quand on a un regard aussi perdu que le tien.
Les gens viennent ici chercher l'espoir, et j'ai comme l'impression qu'il lui a déjà dit au revoir.
Je lève les yeux au ciel, cherchant la petite boule noire qui est braqué sur moi, bordel, je ne peux pas ...
Ne pars pas pour moi, mais pars pour elle, tu vois ?
Je pourrais lui raconter comment je t'ai sauvé, c'est mieux que de devoir lui dire que je t'ai vu dire adieu à une partie de toi, celle que tu laisseras ici quand ton argent aura été volé par des gens plus friqués.

« Je n'ai jamais été aussi sur. »

J'ai envie de m'arracher les cheveux, j'en avale difficilement ma salive parce que cette fois, je ne peux plus me permettre de refuser, je suis obligé de prendre les billets.
J'entends battre mon cœur plus lentement, me faisant comprendre qui lui aussi n'est pas d'accord avec tout cela.
On devrait avoir le pouvoir de dire aux gens de s'en aller, de refuser qu'ils nous paient pour tenter une nouvelle réalité.
Je voudrais que Maria soit là pour le résonner, que de ses paroles elle arrive à le convaincre que le meilleur fini toujours par arriver.
Je voudrais qu'elle lui dise que ce monde où je travaille n'est pas bon pour tout le monde, et de ses yeux bienveillants, de maman, qu'elle lui dise qu'il n'est même pas bon pour moi, mais que c'est comme ça.
Ça me fend en deux, quand j'arrive si bien à deviner des mots qu'elle ne dira jamais.
Gardes ta monnaie, cours la trouver. Parce qu'avec elle l'univers parait parfait.

« Il y a des jours où perdre, c'est gagner autre chose. »

J'agrippe les billets, les attire vers moi quand je voudrais les repousser.
Mais il y a des jours où perdre, c'est juste perdre. Où on ne ressort pas changer d'avoir posé ces foutus pieds dans cet endroit.
Il y a des jours où on se dit que ça ne sert plus à rien, qu'on ne sert plus à rien, mais ces jours là, ils finissent toujours par s'effacer, on fini toujours pas regretter.
Je me tords de douleur de l'intérieur, j'ai envie de fuir, de prendre l'air.
De monter sur le toit, d'appeler Maria, juste pour lui dire : Comment tu vas ? Et pleurer à moitié parce que de mes maux je ne m'en suis jamais remis. Parce que je devrais lui dire que si je reste prés d'elle c'est surtout pour moi.
Parce que cet homme qui se tient devant, prêt à tout perdre me fait comprendre que moi je ne pourrais surement jamais le faire.
Je ne suis prêt à rien et surtout pas à ce qu'elle quitte mon chemin. J'ai besoin d'elle comme je le respire, comme je le dérive.
Comme je tiens ses billets sans vraiment vouloir les lui enlevé.
Reprends-les, casses-toi, et avec toi, surtout amènes cette part de moi que je ne supporte pas. Celle qui fait que j'ai une étique alors que j'ai croisé que des destins brisés, souvent par moi.
Ne me fais pas croire que je suis une bonne personne quand je me sais mauvais. Dégages de ce monde avant que tu ne te fasse bouffer. Ne me fais pas te supplier.

- Vous misez tout, absolument tout en un seul coup ? Réfléchissez, la chance ne sourit pas à tout le monde et parfois, il y a des jours où perdre ... Restent des jours où l'on perd.

Un dernier regard à la caméra quand mon bras est encore tendu, les billets maintenant froissés. Dans quelques secondes, même pas, il ne pourra plus reculer, c'est comme ça.
Je dirais à Maria que j'ai tout fait pour qu'il ne vende pas son âme au diable, mais qu'il a insisté, alors j'ai accepté.

Je ferme mes mains autour du rebord de la table. Je m'en fous d'être ici. C'est le premier jour du reste de nos vies. Une vie moins traitre que la précédente. J'ai fait des conneries, je les ai alignées si parfaitement que je n'en ai raté aucune. Le temps a creusé des doutes dans mes convictions de délinquant. Nom de votre employeur, le mensonge. Maintenant, cet argent me brûle les mains. Il crèves mes poches. Je ne suis pas riche, je n'ai rien. Tout ce vert ne fait rien pousser dans ma vie si ce n'est de la misère et de la solitude. Ça me crève l'ambition, de regarder les gens me filer sous les doigts. Amy est partie et j'ai pas su la rattraper. Chris a beau faire le fier, il ne veut pas d'un frère comme moi. Et je veux pas d'un frère comme ça. Faut se prendre pour un grand n'importe quoi, pour tracer une ligne dans le sable entre ce qui est bien et ce qui ne l'est pas. Je suis personne, et je le sais. C'était bien quand je pouvais me mentir à moi-même. Je pouvais me faire croire que j'étais une ombre, un criminel comme il se doit, furtif et invisible dans la nuit. Un peu plus et je sautais du haut des buildings, quelle connerie.

Le type me regarde comme si j'étais dingue. Lennell, que me dis son épinglette. Si ça se trouve, c'est pas son nom, et on lui a donné l'uniforme avec, le traitant comme un numéro, parce que les employés vont et viennent sans qu'on porte attention. C'est ça dans les grandes compagnies, que de la main d’œuvre qui travaille pour enrichir le big boss. Probablement un vieux politicien corrompu ou une merde affiliée à des réseaux criminels qui n'ont jamais entendu parler de moi. Peu importe, je ne suis plus personne. Je ne suis même plus moi. On vous dira Shawn Ross, et personne ne saura ce que j'ai fait. Trop brillant pour se faire chopper, trop con pour continuer à vivre comme ça, sans âme et sans raison.

- Vous misez tout, absolument tout en un seul coup ? Réfléchissez, la chance ne sourit pas à tout le monde et parfois, il y a des jours où perdre ... Restent des jours où l'on perd.

Et il y a des jours où on a rien à perdre. Ces jours là, il n'y a rien à faire, on ne peut que les faire passer comme on peut. Je vais faire quoi sans un sous, je vais recommencer à zéro. Je vais me diriger quelque part avec ce qu'il reste de moi. Et je vais tenter d'être quelqu'un. Le Shawn stupide qui a lentement fait de sa vie un mensonge trop gros pour lui-même, je l'exile au loin, avec cet argent qui ne m'appartient même pas. Faut que je lui explique quelque chose, à lui et à moi.

« C'est bien gentil de t'en faire pour moi, . . . Lennell ? Ça te gênes si je t'appelle Lenny ? . . . Alors Lenny, fais toi pas un sang d'encre. Cet argent là, il est sale, et il retournera dans les poches d'un quelconque dandy qui traîne dans des plans louches. Parce que je suis prêt à jurer que cet endroit ne s'est pas construit avec des billets bien propres. Alors, tu m'aides à perdre, de toute façon, ça doit pas être bien difficile de ressortir d'ici avec rien dans les poches. »

Je lui souris un peu, voulant dire, c'est ok, faut pas plaindre le pauvre type qui te raconte sa vie. Les croupiers sont les nouveaux barmans, ou quelque chose du genre. T'as surement entendu pire, t'as surement vu des gens gâcher leur vie dans cet enfer sans fenêtres. Dans cette boîte de rêves brisés, où on laisse une partie de son âme. T'en fais pas mon vieux, je suis pas de ceux là. Je suis Shawn Ross.