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| Sujet: Comme une enfant – six mois plus tard. 13.09.12 11:54 | |
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Avec une craie, j’ai dessiné sur le sol une marelle, rappant mes doigts contre le macadam pour mieux dessiner un ciel à la hauteur de mes prières ; laisser mon âme ricocher pour se frayer un chemin jusqu’au ciel.
Et je regarde les enfants s’élancer ; réussir, échouer. Glousser d’une joie innocente en écorchant leurs genoux avant de venir quémander un baiser pour panser leurs plaies. Je ris alors qu’autour de moi, on fait la ronde, on joue à chat. On raconte des histoires d’enfants pas sages, en jouant aux pirates voleurs de sable. Et on rit, oubliant le manque, les maux, l’absence. On rit, oubliant le temps, les bleus au cœur, les douleurs. On rit, oubliant que l’on est trop jeune encore pour se retrouver sans parents. Sans maman.
« Je n’ai plus de maman » Et le monde n’a pas cessé de tourner, tandis que le mien flanchait. Pleurant une mer de douleurs contre mes doigts ouverts, il a tatoué ma peau de ses tourments qui, s’y reflétant, m’apprirent la détresse dans son état le plus pur. Dilapidant mes songes de sa souffrance diluvienne, il a laissé sa douleur résonner encore, partout contre mes nerfs, mes veines, mes os, liant son deuil à ma chair. L’âme en dérive, j’ai lu ses silences pour mieux séduire ses tourments, les épouser dans l’espoir de les lui ravir. Quand, d’un baiser, il a achevé mon cœur que sa douleur fusillait. Et je l’ai aimé comme seuls mes rêves me le permettaient, avant ce soir-là. Je l’ai aimé si fort que lorsque le temps, reprenant ses droits, l’a fait s’échapper, mon univers entier s’en est retrouvé bancale, branlant, défaillant. Alors, j'ai caché mes mains encore porteuses de ses maux dans mes poches, et j'ai pleuré. Comme une enfant.
« Je n’ai plus de maman » Et les jours ont passé, se remplissant de rires et de larmes d’orphelins à défaut des siens. Les jours ont passé, à marcher comme d’autres rêvent, laissant mes pas me porter vers la mer. Des jours entiers à scruter la foule pour y déceler son visage, à semer des cailloux dans mon sillage en priant pour retrouver mon chemin ; en vain. Les jours ont passé sans même que je ne sois capable de me débarrasser de cette douleur presque tendre ancrée partout en moi. Cette douleur qui été sienne, qu’il avait laissé en moi et que son absence croitre, tant ignorer ses tourments suffisait à rendre les miens plus violent. Alors, une nuit où « Alive » ne l’était pas tant que ça, j’ai décroché le combiné du téléphone, des prières par milliers pour seules pensées. Mes doigts battaient le rythme de la tonalité contre le bois du bar, lorsqu’il a décroché. J’ai suspendu l’espace d’un instant mon monde à son souffle. Tel un fil ténu, je m’y suis accrochée, le mutisme liant mes lèvres. J'ai recueilli les intonations de sa voix, ses inflexions, ses silences. Puis j’ai paniqué, ai raccroché. Comme une enfant.
« Je n’ai plus de maman » Et j’aimerais lui apprendre les faveurs qu’offrent parfois le temps, s’il accepte d’être clément. Lui montrer que les lendemains parviennent à cicatriser les plaies parce que toute douleur finit par s’essouffler lorsque la nostalgie prend le pas sur la souffrance. Lui montrer aussi que l’on peut voyager sans même avoir à s’exiler, qu’avoir des racines ne condamne pas la liberté. Qu’il suffit d’aimer pour être heureux ; qu’un orage suffit pour donner au monde un éclat nouveau, lorsque la pluie nous colle à la peau. Lui dire surtout que je ferai ce qu’il voudra, calant ma trajectoire à celle de ses pas. Que s’il faut partir, nous partirons les poches vides, sans remords ni bagages. Que l’on ira s’aimer ailleurs s’il le veut, que l’on ira s’aimer encore un peu et éparpiller nos malheurs derrière nous. Que l’on s’aimera jusqu’à en devenir fou, jusqu’à en perdre notre souffle, avant de se perdre, de rendre nos corps à la mer.
Et mon palet atteint le ciel tandis que boiteuse, je rêve un peu, un sourire aux lèvres. Comme une enfant.
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