J'ai disparu, j'ai vu, j'ai vaincu.

J'suis revenu.

Je ne sais pas pourquoi, encore, j'en sais rien ouais, voilà. Putain, je vais pas aller loin comme ça. J'ai pas joué au foot depuis combien de temps, déjà ? J'sais plus, j'ai touché un ballon, quand j'étais exilé. Quand je me suis exilé.

Je commande une nouvelle vodka, pour le courage comme on disait la-bas, comme c'est valable ici. Je regarde mon iPhone, réfléchis. Je ne sais pas si en fait j'en ai envie. Si j'en ai le courage, si je le pourrai. Je crois qu'en réalité, comme un con, je suis déjà intimidé. C'est n'importe quoi, je soupire et avale mon breuvage alcoolisé une nouvelle fois.

Je secoue la tête et je me dis que j'aurai du me décider pour quelqu'un d'autre en premier. Jason, Charlie ... Mais non, ça me revient en pleine tête comme quelque chose que je n'aurai jamais du faire.

C'est pourtant simple à assimiler à la base, je n'aurai pas du y penser, choisir de sortir et de faire semblant d'exister, de m'accrocher. A quelqu'un de nouveau, une fille brune de préférence, toute entière son opposé.
Mais non, j'avais pas pu. J'sais même plus pourquoi, peut être que je voyais son visage dans tous les pots de nutella du Brésil, ouais, ça doit venir de là. Foutu nutella.

C'est à cause de lui que dès que j'ai posé le pied sur le sol new-yorkais j'ai sorti mon téléphone. Sans même oser lui parler réellement. Je me suis senti con, pendant quelques secondes. Puis j'ai pas envoyé, j'ai juste foutu l'appareil dans ma poche, en soupirant. N'importe quoi, vraiment.

J'ai hélé un taxi, et tout de suite il m'a embarqué. J'aurai du rentrer à la maison, mais non, j'ai choisi de errer encore un peu. De voir New-york de mes nouveaux yeux. Ça m'aurait surement aidé si j'avais pas vu la ville comme celle où elle y habite. Si petite.

C'est pas comme si tout tournait autours d'elle, et c'est quand je sors de mes pensées, que je regarde à nouveau mon téléphone. Que je me rends compte que peut être si, tout tourne un peu autours de son sourire, même si j'ai peur de le dire.

Dernier message envoyé : A Ashley Bush.
Je suis dans le bronx, ici, à New-York.
Dans un bar, le Stranger.
J'sais pas si t'as envie de me parler.
Mais saches que je t'attendrai,
jusqu’à ce que le soleil soit couché.

De D.Roberts :
Je suis dans le bronx, ici, à New-York.
Dans un bar, le Stranger.
J'sais pas si t'as envie de me parler.
Mais saches que je t'attendrai,
jusqu’à ce que le soleil soit couché.


Mon coeur s'était mis à battre la chamade, je crois que mon souffle s'est coupé et que je suis morte un petit peu. J'ai d'abord était choquée. La douleur des six derniers mois, que j'avais anesthésiée grâce à un schisme pur et simple entre mon esprit et mon corps, m'a frappée d'un coup net, mieux qu'un uppercut. Six mois de silence, de perdition et il revient avec un texto. Ni bonjour, ni merde. Il n'a même pas pris la peine de venir, il s'est terré dans le Bronx. Comme si j'étais en état de savoir si je voulais le voir ou non. Sale con.

Après le choc, la colère. Son culot improbable m'a donné envie de le faire poireauter comme un con jusqu'à la fin de son ultimatum. Ah oui, non parce que ça, c'est le pompon, quand même. Je veux dire, je suis à sa disposition, ou quoi. J'ai cliqué sur répondre, ai écrit "Va chier", l'ai effacé, l'ai réécrit, l'ai effacé à nouveau, l'ai réécrit et l'ai relu une vingtaine de fois en me demandant ce que je voulais vraiment dire par là. Mais je ne savais pas, alors je me suis mise à pleurer. Au final, je l'ai gardé dans mes brouillons, sait-on jamais, des fois que je ne sois pas encore décidée au coucher du soleil.

J'ai continué à pleurer un moment, j'avais de la chance que les filles soient à l'école. Je pleurais parce que je savais qu'il était parti à cause de moi et qu'il était au courant qu'il m'avait fait du mal. Il ne savait pas si j'avais envie de lui parler. Pour dire un truc pareil, il faut déjà qu'il sache que je suis blessée. Et s'il est parti six mois en sachant que je serais blessée, alors c'est qu'il n'en avait rien à foutre, de moi. Juste une fille comme une autre. Comme il disait. J'ai lancé un truc, je ne sais pas encore quoi, mais ça s'est explosé contre un mur. Tant pis.

J'ai eu envie de lui crever les yeux de m'avoir replongée là dedans alors que je me croyais tout juste remise. Et là je n'ai pas pu m'empêcher, j'ai souri en me disant que, vraiment, il n'y avait vraiment que lui pour me mettre dans des états comme ça. Je ne m'étais pas sentie comme ça depuis sa dernière visite matinale, où l'on s'était embrassé. La colère, la peur, la surprise, les papillons, les tourbillons, les cataclysmes spirituels. Et ces bons vieux dilemmes Ashleyiens, qui m'avaient presque manqués.

J'y vais ou j'y vais pas.

Si j'y vais, je vais le conforter dans son idée qu'il peut me prendre et me jeter comme une chaussette, quand bon lui semble. Il va se croire surpuissant, comme si son égo avait besoin de ça pour être surdimensionné, et il va me balancer un "Je savais que je t'avais manqué" et j'aurais envie de lui mettre une claque pour ne pas avoir à lui dire oui. J'abandonnerais l'idée de la claque et lui préférerais un "Tu rêves" plein de mépris, de colère, de ressentiment et de mensonges. On recommencera alors ce jeu que j'aimais tant et pour lequel, vraiment, je ne suis pas préparée. Ou alors, même si les mots changent, il va juste être un connard et je vais m'énerver jusqu'à lui pardonner. Et je ne veux pas lui pardonner. J'aime à penser que ce message était une tentative de rédemption, mais je n'y crois pas vraiment. C'est simplement qu'une part de moi espère qu'il veut me voir parce qu'il s'en veut. Et même s'il ne faut pas rêver, cette si naïve part de moi, frappée dans son orgueil, est la plus cruelle et n'aspire qu'à le laisser se faire bouffer par sa culpabilité.

Si je n'y vais pas, il comprendra que j'ai tourné la page. Je suis capable de vivre sans lui, j'ai fini par le prouver. Je suis sur le point de me réinscrire à la fac pour finir mes études, j'ai deux adolescentes à charge et tout se passe bien j'ai un boulot que j'adore et qui m'a promis de me garder même durant mes études, j'ai des amis indéfectibles en la présence de Charlie et d'Oxanna. Je n'ai pas besoin de lui, pas besoin de me faire retourner la tête par ses manières de jeune play boy insoumis qui se moquent des femmes. Depuis que je suis passée dans la catégorie de celles dont ils se jouent, je n'ai plus envie d'en rire avec lui.

J'ai compris que le mieux était de ne pas y aller. J'ai voulu lui envoyer "Va chier", puis je me suis à nouveau rétractée, préférant lui offrir le silence qu'il m'a fait subir pendant six mois, en espérant lui manquer autant qu'il m'a manquée, mais encore une fois, faut pas rêver.

J'ai décidé de ne pas y aller, et je crois que c'est pour ça que je suis devant le bar, là maintenant, à me refaire le cheminement de mes pensées depuis que j'ai reçu sont message, il y a deux heures et demis afin de comprendre ce que je fiche ici, ce qui m'a motivée, afin d'avoir au moins le courage d'entrer. Soit j'y vais, dans ce bar, soit je m'en vais, mais je dois faire autre chose que rester devant l'entrée. Je ferme les yeux, les rouvre et avance, rentre.

Il est là, mon coeur s'arrête puis repart plus vite, j'ai mal au ventre, ma poitrine est compressée, j'étouffe, j'ai chaud. Je souffle, m'approche de lui. Je capte son regard, ça me tue, qu'il me rende aussi vivante. Plus il me détruit, plus il me ranime. J'ai dans le coeur une passion qui souffle son feu. Ma gorge brûle et enfin les premiers mots en six mois se libèrent. "Tu m'as manqué" ? "Où étais-tu ?" ? "Pourquoi tu es parti ?" ? "Salut." ?

J'attends, toujours, je ne sais plus à combien de vodka j'en suis maintenant. Mais j'ai mal au coeur, ou plutôt à la tête. J'attends, Ashley, je te jure que je t'attends. A la vérité, peut être que je devrai me tirer. J'sais bien que j'attends pour rien. Mais qu'est ce que je fiche ici, franchement ?

J'ai l'impression que je suis dans le brouillard, je comprends pas. Putain, je voulais rester clean pourtant. Je suis persuadé que je le suis. Et puis, si elle ne vient pas, ce n'est pas bien grave. Mes yeux sont embués, et j'ai du mal à distinguer mon verre, du coup, c'est ma main qui le cherche pour moi. Je le bouscule, m'énerve intérieurement, peut être même que je grogne, j'sais pas trop. Je m'en fous, j'avale ce qui reste de mon verre, ce que je n'ai pas renversé, en réalité.

Je me retourne vers l'entrée du bar, et je souris tout seul, dans mon esprit. Me voilà en train de l'imaginer, je crois que maintenant c'est bel et bien le moment pour rentrer. Le fantôme de mon Ashley imaginée s'approche de moi, je lui souris toujours parce qu'heureux que lui au moins il ne me laisse pas seul dans ce bar. J'ai même envie de lui parler, mais j'ai trop peur de le voir s'évaporer à l'instant où je vais le croire véritablement vrai. Alors je souris, bien décidé à ne pas m'arrêter.

- T'es trop con.

Elle est plus jolie que dans mes souvenirs, et même sa voix semble avoir changée. Je souris toujours avant de lever mon index droit devant mon visage, juste entre elle et moi.

- Ah bah si je le savais pas ! que je lui réponds en me mettant à rire comme un fou furieux, je me reconnais pas, mais je sais que ça va pas là, dans mon estomac.

Mon index se dirige vers elle, suivis de mon autre main pour chopper son visage, je crois même que je me rate la première fois. Je la regarde, sans savoir si elle est vraiment là. Elle ne m'aurait pas fait attendre si longtemps, si c'était la vraie Ashley ? Je sais pas, peut être qu'elle m'en veux en réalité.

Alors à cette pensée, sans savoir pourquoi je sens que mes yeux se remplissent de larmes, c'est juste plus fort que moi. Je me dis que je reprendrai bien un verre, pour le courage, ouais c'est ça. Mais non, non, j'en reprendrai pas, parce qu'elle est là et que j'ai plus besoin de brailler comme un gosse maintenant. J'ai mal au cœur et si je vomis, je jure que ce n'est pas par envie.

Mes mains toujours collées contre ses joues, je la regarde, je souris et je pleure à la fois, non quand même pas.

- Ashley, t'es là !

Toujours le cul posé sur mon tabouret, je tiens en équilibre, ayant peur de tomber, je me raccroche à ce regard que j'ai toujours un peu trop aimé. Mon esprit vacille, elle est venue, et je n'en reviens pas.

Mais qu’est-ce que je fous là ? Je ne devrais pas. Rentre chez toi, Ashley. Je n’ai rien à lui dire et tant de messages à lui faire passer. J’veux qu’il reparte, qu’il m’oublie, me laisse vivre. J’ai un plan, il n’est pas dedans. Le plan pour ma survie. J’ai mal au ventre. Je rentrer. Et merde, il est bourré. Je ne peux pas le laisser. Il serait capable de prendre le volant, ce con. Ou pire on est dans le Bronx, il se ferait racketter et tabasser. Je n’ai jamais abandonné personne, je suis en paix avec ma conscience. Il a assez joué avec mes émotions pour en plus me noyer sous la culpabilité. Je vaux mieux que ça. Répète ! Je vaux mieux que ça. Encore ! Je vaux mieux que ça. Plus fort ! Je vaux mieux que ça !

Ne t’enfonce pas, en plus. Il vaut mieux que tu arrêtes de parler. Oublie la vodka et attends l’avocat. Tout ce que tu diras sera retourné contre toi. Je dis : « t’es trop con », tu réponds : « Je sais, je suis tellement, tellement désolé, j’aurais pas dû partir comme ça. » ou « Non, mais je n’ai rien fait, de quoi tu me parles ? » tu ne dis pas que tu le sais en souriant, comme si tu t’en foutais. Tu montres des remords, ou de l’incompréhension. Honnête ou débile, mais pas un connard. Je refuse d’être accrochée à un connard, un vrai, incapable de s’amender. Je veux un gentil garçon, je veux être à nouveau amoureuse de Jared, ou retomber amoureuse de Charlie. Je préférerais embrasser Chuck que d’être amoureuse de Dean. Putain ! J’en deviens grossière.

Ses mains s’accrochent à mon visage, et j’ai le cœur qui fond alors que je veux lui arracher les yeux pour oser me toucher avec ses mains si douces. Je veux le griffer au sang, et ne pas vouloir le guérir. Mais, au fond de cette violence, j’ai peur, il n’est pas bien. Il est bourré, il ne tient plus droit. Il a les yeux qui brillent. Faites qu’il ne vomisse pas maintenant, il est trop près, là. Je ne regarde plus ses yeux, moi aussi, j’ai la nausée rien qu’à le regarder dans cet état. Tu n’as pas le droit de devenir une victime. Je devrais le laisser planter là. Vraiment, il ne mérite pas que je m’inquiète pour lui.

Il est surpris, il ne s’y attendait pas. Oui, Dean, on est d’accord que ce n’est pas normal, hein ? Je n’ai rien à faire ici, je ne suis pas ton taxi, mais je ne le laisse pas ici, ou n’importe quoi peut arriver. Je devrais partir sans lui, l’oublier ici. Je devrais arrêter de frissonner à son toucher. D’ailleurs, d’ailleurs… J’enlève ses mains de mon visage.

Je soupire, j’ai envie de lui mettre une baffe et de me jeter dans ses bras. J’ai envie de me remettre à pleurer, mais devant lui, ça craindrait. Je le regarde longuement, sans parler. J’hésite à appeler Charlie à l’aide, mais j’ai explosé mon téléphone. Et puis ce n’est pas sa responsabilité. Et quand je serai plus calme, je comprendrai sûrement que ce n’est pas la mienne non plus. Mais il m’a appelée. Et je suis venue.

Je suis une maman de substitution pour ma nièce et ma cousine. Je ne rêve plus à Peter Pan, excepté les soirs où j’ai peur qu’il les prenne, elles, me laissant seule. J’ai grandi, mais c’est pour le mieux, je le sais. Je garde mes idéaux d’enfants un peu mieux enfouies sous une marre de responsabilités que j’assume, car c’est la vie. Ce qui ne m’empêche pas de rêver souvent, à des films plus grands que la réalité. Je suis juste prête pour la vie. Mais pas pour Dean. Je continue de le regarder… Non vraiment, je suis trop responsable pour l’abandonner.

- Ecoute-moi bien, Dean. Je vais être très claire : Et je vais ce qu'elle me dit de faire, comme un con que je suis, un con qui est parti. Je l'écoute, patiemment, vacillant toujours, je vais tomber, putain, ça y est. J'ai envie de faire des jeux de mots sur tous ces mots et les miens. Alors c'est parti, je relève le défit. Je vais être très claire qu'elle a dit, je ne savais pas, que son père était vitrier, bizarrement, moi je le trouve bien en chair et en os là. Elle n'est pas claire du tout, loin d'être transparente même.

ton retour ne me fait ni chaud, ni froid. Tu pourrais être en Arabie Saoudite que ça serait pareil pour moi. Ni chaud, ni froid, je ne la crois pas. C'est comme ça, je sais qu'elle a envie de tout avec moi. Peut être de me gifler, tiens, en premier. Chaud, froid, moi j'ai mal je crois. Mais j'étais pas en Arabie Saoudite, putain, ma vie au brésil les gens y sont passé à côté ? C'est donc moi le transparent, et je suis cuit parce que trop accroché. C'est moi qui suis comme c'est plats, un duo chaud/froid.

J’ai beaucoup évolué, ces six derniers mois et je n’ai rien à voir avec la fille que tu as laissée. Ouais bah t'es pas la seule, que j'ai envie de lui crier dessus. Moi aussi j'ai évolué, mes pokémons on prit trois nouveaux niveaux, faut pas se leurrer. Je me suis fait mal aux pouces pour y arriver, ma DS a trop chauffée. Je ne t'ai pas laissé volontairement, non vraiment, j'ai fais ça pour ton bien, et peut être un peu pour le mine, putain j'en sais rien. Tu peux m'expliquer toi, pourquoi je me suis barré ? Et pourquoi ce foutu nutella m'a franchement manqué ?

Ne t’attends pas à ce que ça recommence comme avant ou à ce qu’on reprenne là où on en était. J'aimerai bien qu'elle me dise elle où on en était ? Parce que de mon point de vue on était nulle part. Elle était cette fille mal coiffée qui me résistait. Je crois pas que les choses aient changé, non, franchement, je ne crois pas. Il me semble qu'elle n'est toujours pas tomber dans mes bras. Elle ne peux pas être comme toutes les autres ? Allez Ashley, s'il te plait, on en revient à avant, j'ai le souvenir d'un baiser.

J’ai à présent pas une, mais deux adolescentes à charge, et leur bien-être passe avant la moindre de tes conneries. Je fais pas de conneries. Putain, mais j'suis innocent ! J'ai rien fait, je me suis barré pour son bonheur, c'était un acte héroïque avant d'être un acte égoïste ! Tout le monde l'a compris, même l'alcool d'aujourd'hui, alors pourquoi elle, elle ne le voit pas ? Bon sang, je voulais pas la blesser, juste l'empêcher de m'aimer. Je suis pas fiable, comme ses deux adolescentes, c'est vrai.

- Prends tes affaires, tu vas décuver sur mon canapé. Non, sérieux, tu veux ? Dans ton canapé, ton lit, il n'y a qu'un pas j'en suis persuadé. Tu me diras la pièce que je connais le mieux chez toi c'est la cuisine, quoi. Dis moi, on mangera tout le deux du nutella ? A même le pot ? On partagera notre cuiller, je peux le jurer. Et je le sais, là que mes yeux sont hallucinés. Comme ceux d'un gamin à qui on dit qu'on va aller chez le père Noël. A l’évidence, là, c'est la mère Noël.

Sahara est à la danse et Emily restera dans sa chambre à faire ses devoirs. S’il faut je lui filerais un DVD. Chouette ! Un DVD, moi aussi je pourrai aller le regarder ? S'il te plait, je me ferai tous petits, tu ne te rendras même pas compte que je suis là, promis. J'suis désolé, je raconte que des conneries. Tu me pardonneras un jour, tu verras, et on finira par faire des bébés, toi et moi. C'est écrit.

Tu pars à la seconde où tu as récupéré, tu m’entends ? Passe-moi les clefs de ta voiture, c’est moi qui conduis. Oui, bien sur, je partirai, je te le promets, je ne resterai pas. Non, mais sérieusement, Ashley, tu me connais, je te connais, on se connait, je resterai. Je ferai n'importe quoi, mais pour que je parte volontairement, faut pas rêver. Tu me foutra dehors où moi je resterai où je suis, chez toi, dans ton canapé/lit.

Et je t’interdis d’objecter ou de me poser des problèmes. Tu avais qu’à appeler quelqu’un d’autre. Quelqu'un d'autre ? Choqué, je ressens mon coeur c'est bizarre, mais ça fait du bien, ça faisait six mois, que je ne l'avais pas ressenti. Mais je ne pouvais pas appeler quelqu'un d'autre ! Jason ? Non, il a trop de problème pour s'occuper de moi, sa mère, Mathilde et la folie des sentiments. Chuck ? Bordel, réfléchis, chérie, Chuck ce n'est pas quelqu'un a appelé, c'est bien d'être ami avec lui, mais de loin, soyons réaliste un peu. Chuck de loin. Jason pas maintenant. Et la dernière personne, c'est toi, toi et toi.

C'est vrai, j'avoue, tu n'es pas la dernière personne à laquelle j'ai pensé. T'es la première, la seule et unique. Mais chut, c'est un secret. Alors je lève la main en l'air, pour savoir si je peux enfin parler. Je me mets debout, et j'y arrive, parfait. Je m'approche d'elle, si c'est possible encore. Je dépasse les limites de l'intimité. Je m'avance, tant que je le peux, jusqu'à la frôler. Je me sens tout drôle, putain, je vais dégueuler. C'est son parfum, je crois, ça me monte au nez.

Dans un mouvement que je veux rapide mais qui est surement lent, je sors les clefs de ma voiture qui étaient dans ma poche. Et m'amuse pendant deux secondes à les secouer devant son nez. J'hésite à lui donner, parce qu'à la réalité, je me pose une énorme question avant de le faire. Faut pas croire, mais cette caisse elle m'a couté la peau de mon cul, alors.

- Et tu peux me dire depuis quand t'as ton permis ?

Il lève la main comme à l'école et je comprends. Je comprends pourquoi j'ai jamais pu le lâcher. C'est un gosse, Dean. Un petit garçon qui a besoin d'une maman. On se comporte comme des enfants lorsqu'on est l'un près de l'autre, et à la seconde où la situation évolue vers une relation d'adulte, il fuit. Et dès qu'il se barre, je prends 100 ans. S'il n'y avait pas cette part de lui, celle qui ne pense qu'au sexe et qui ne respecte pas les femmes, qui ne pense qu'à l'argent, aux belles voitures et à la célébrité... Celle qui ne serait pas footballer, quoi, je pourrais même le comparer à ce Peter Pan, que j'ai toujours attendu. Mais je me sens trop vieille pour le pays imaginaire, à présent. Je veux juste... Avoir confiance.

Il se lève alors et je me mords la lèvre pour ne pas sourire. J'ai pensé un "petit" garçon, hein ? Oui, mais non. Il n'est pas petit, Dean. Il est même tellement grand que quand il approche je me sens submergée et j'en oublie que je suis la responsable, celle qui doit tenir les rênes. Je me dis qu'il pourrait être capable de me protéger, s'il pensait à moi de cette façon là. Je pourrais me reposer sur lui, il a la carrure pour ça. Mais non, je ne peux pas. Car le apparences sont trompeuses, d'une et surtout, parce que c'est Dean, et que je n'ai jamais rien pu lui demander. Je lui ai dit que j'avais besoin de nous, alors il a disparu. C'est tout ce qu'il y a à retenir.

Et pourtant, non. Je retiens aussi que son regard me trouble, que ma respiration a des ratés. Mon monde disparaît dans ses yeux quand il me surplombe. J'ai cette impression de déjà vue et je suis de nouveau dans ma cuisine, six mois plus tôt, en nuisette, inquiète pour lui qui venait de casser une assiette entre ses mains. Je suis toujours inquiète pur lui, j'en ai marre, d'être inquiète pour lui. Et j'en ai marre qu'il m'approche comme ça. Je voudrais le pousser, mais je suis presque sûre qu'il tomberait.


Il agite ses clefs devant mon nez. Docile mais pas trop, il trouve le moyen de m'exaspérer. Je suis pas un toutou qu'on excite avec un susucre. J'en ai rien à faire, tu conduis pas, et je ne te porterais pas, non plus.

La vie ne s'arrête pas quand tu t'en vas, abruti. Je ferme les yeux, exaspérée. Je n'aime pas ce qu'il provoque en moi, je fais une sévère rechute, s'il part, cette fois, je ne m'en remettrais pas. Je ne me suis pas sentie aussi vivante depuis longtemps, et j'ai horreur que ce soit ça, lui, nous, qui provoquent ce tourbillon. Moi, je croyais que j'étais enfin devenue quelqu'un. Mais en fait, à part m'effacer, son absence, elle a fait quoi ? Donc si, la vie s'arrête bel et bien quand il s'en va... Mais j'ai su faire semblant, car c'est ce que j'ai fait toute ma vie. Tu sais, Dean, ma mère aussi, elle est partie. Ca ne m'a rien appris à part se battre pour continuer à vivre, même une vie de fantôme.

Si je le répète assez souvent, peut-être que j'y croirais.

Je m'éloigne de lui, m'approche de la porte, doucement. Je l'attends. Tu vois, Dean, moi... Je n'pars pas sans toi.

Je sais même plus si j'aime ma caisse en réalité, si elle a envie de l'exploser pour me faire payer mes actes, mon départ, grand bien lui fasse. On sera quittes, et on se réconciliera pour de bon dans son lit. Je perds mes moyens, j'ai une envie de vomir aux bords des lèvres et ma vie au bord du cœur. C'est n'importe quoi. Je te jure, j'ai jamais supporté le Nutella.

Il me semble que mon doigt est toujours pointé devant elle, ou alors je fonctionne carrément en décalé. Je respire un peu, attends qu'elle me dise que ça fait deux jours qu'elle l'a, son putain de permis. Et si c'est le cas, je remettrai en question mes précédentes pensées. Ouais, je l'aime un peu ma bagnole, c'est vrai. Je suis pas prêt à mourir dans un accident, je veux pouvoir me dire que je vais manquer à quelqu'un avant.

- Tu peux me dire depuis combien de temps tu es parti ?

6 mois ! Six mois ! Si iss moua ! Mwahaha ! Je le sais, c'est encore moi qui suis parti, non mais ! Je secoue le visage dépité, je ne m'en veux pas, parce que si je suis partie c'est que je le devais. Pour vivre mieux ailleurs, pour oublier, passer à quelque chose d'autre. J'ai la tête pleine de regret pourtant, mais je me rassure en me disant qu'ils sont secrets. Depuis quand je suis partie ? Depuis trop longtemps, je le sais.

La vie ne s'arrête pas quand tu t'en vas.

Poignardé. Je préfèrerai tomber plutôt que d'entendre cela. J'ai mal à l'intérieur, j'suis pas habituée à ce qu'on maltraite mon cœur. J'y étais pas préparé non plus quand mes parents m'ont quitté. J'sais pas ce que je ferai si maintenant c'était elle qui le faisait. Si elle s'enfuyait de ma vie, comment je le prendrai moi ? Non, mais c'est différent, j'ai fais ça pour son bien, juste pour elle, sans jamais penser à moi. Si je suis parti, c'était pour qu'elle m'oublie. Je n'avais pas compris que c'était moi qui avait à tout prix besoin d'elle dans ma vie.

- Tu es prêt ?

J'ai envie de réfléchir, je le ressens au plus profond de moi. Mais y a un truc, je sais pas quoi, qui me force à ne pas le faire, qui me dit que de toute façon j'ai toujours fonctionné à l'instinct alors pourquoi changer aujourd'hui ? Et puis l'alcool aidant, je peux tout dire, tout penser, je ne serai pas blâmé pour cela. Jamais.

- Non, je ne suis pas prêt ! J'n'bougerai pas tant que t'auras pas avoué que je t'ai manqué !

Et là, tu me hais encore plus dis moi ? Je veux pas de ton canapé, non plus de ta pitié, je ne veux pas me dire que demain tu pourrais me quitter, comme moi je l'ai fais. Parce que si t'en ai pas morte, moi j'en crèverai. Je pue le romantisme, je me hais, quand je suis bourré.

Je me fige, choquée. Pas par sa réaction, qui dans le fond, ne me surprend même pas. Dean a toujours été un emmerdeur, et c'est probablement ce qui fait qu'on a toujours eu des choses à nous dire. Il a un tempérament, et il m'exaspère au possible, mais il faut l'avouer, ça le fait sortir du lot. Non, ce n'est pas ça qui me choque. Ce que je n'encaisse pas, c'est ce qu'il me demande de dire. Il ne se rend pas compte. Il ne sait pas. Son départ... Je ne m'étais jamais sentie aussi seule. Il a disparu, comme ça, parce que je m'étais ouverte, parce que j'avais avoué. Ce genre d'émotions, je ne les partage pas. Je ne les dévoile pas. Jamais. Je ne peux pas, car j'ai peur à l'idée de donner de tels armes à des gens qui ne le mérite pas. Mais j'ai fauté. A lu, ces armes, j'avais commencé à les lui distribuer... Et il a tout piétiné, chargé le fusil, a tiré, et s'est barré.

Aujourd'hui, il voudrait que je recommence ? Il prend tout ça tellement à la légère que j'en ai envie de vomir. J'ai envie de prendre sa voiture et de le laisser moisir ici, dans ce bar. Pourquoi est-ce qu'il m'a appelée ? Pourquoi il ne m'a pas laissée tranquille ? Six mois de silence radio... Pourquoi maintenant ? Pourquoi moi ? Il veut m'avoir manqué. Il veut flatter son ego. Il sait depuis six mois, maintenant, qu'il a une petite blonde sous le coude qui l'attend, dans New York et qui "a besoin de lui". Elle le lui a dit, donc il s'attend sûrement à avoir droit à une banderole, un retour triomphant. J'en suis sûre, je suis sûre que c'est ça.

Mais son ego, je m'en contrefiche. Il veut se faire mousser, il ne trouvera pas son bonheur avec moi. J'ai de la haine au bord du coeur, sûrement parce que, je le sais, je l'aime trop fort, pour supporter tout ça. Je l'ai compris, j'ai plus le droit de me voiler la face. Si ce n'était pour ma fierté et ma volonté de ne pas passer pour une conne, comme n'importe quelle fille qu'il est capable de cotoyer, je le lui dirais, lui sauterais dans les bras. Mais je suis beaucoup trop têtue et attachée à lui pour ça.

Je ne sais pas comment j'ai réussi à articuler cette phrase. J'en ai mal au coeur, pourquoi me provoque-t-il, comme ça ? Je n'en peux plus de me débattre. Donnez-moi la force de lui résister encore.

Pourquoi je dirais ça ? Pour que tu repartes à nouveau à la seconde où je l'aurais dit ? Pour que tu fuis encore ? Pour que je me retrouve à nouveau seule, à inquiéter ma famille et mon meilleure ami, parce que l'abandon est un coup que je ne sais pas encaisser ? Pourquoi je dirai ça ? Pour que tu te croies pardonné ? Que tu saches le mal que tu as causé ? Pour que tu comprennes que tu as gagné ? Que je ne vis pas vraiment, sans toi ? Pour que tu lises dans mes paroles tout le mélodrame exagéré qui déborde de mon coeur qui rêve trop fort au prince charmant, même sachant que je ne suis pas une princesse et que je ne le mérite pas ?

Tu m'as manqué... Mais je ne te l'avouerai jamais.

- Pourquoi je dirais ça ?

Parce que je ne veux pas le dire en premier ! Parce que même si je suis saoul je te promets que jamais j'oublierais ce moment, pas assez alcoolisé. Ashley putain tu m'as manqué du soir au matin toutes les journées. Je tente de me lever me rendant compte que même avec toute ma volonté, j'ai toujours le cul posé sur le tabouret. Je vais tomber. Je vais tomber comme on tombe amoureux, mais ça je l'ai déjà fait, c'est à cause du nutella, le même que je déteste, je crois.

Mais je mets toute ma volonté à m'arracher de ce siège où j'ai l'impression d'être collé. Enfin sur mes jambes, je la défis du regard, attendant la suite et qu'elle me dise ce qu'elle pense réellement. Ce que j'attends. Qu'elle avoue que ouais, elle a failli crevé de ne pas m'avoir avec elle pendant six mois, que dans les regards des autres hommes elle ne voyait que le mien. Qu'elle était hantée par ma silhouette qu'elle imaginait. Que putain, je lui ai manqué parce que c'est de moi qu'elle a besoin pour exister. J'ai envie qu'elle me dise qu'elle me veut et je lui rendrais la pareille en avouant que c'est pour ses yeux que je suis tombé, et non pas pour une pâte à tartiner.

Je m'avance vers elle, d'un pas incertain, un sourire aux bords des lèvres et une envie de vomir plus que prononcée. Je vais pas arriver à marcher encore moins à rentrer dans sa voiture pour qu'elle puisse me ramener. Je me demande où sont passées mes clefs, décidé à conduire, oubliant qu'elle a surement du me les piquer. Comme elle m'a tout volé, mon cœur en premier. Je déteste l'aimer parce que putain à la fin elle va me laisser tomber. Parce que si j'ai réussi à le faire pourquoi elle s'en empêcherait. Juste histoire de se venger.

Je devrais savoir qu'elle n'est pas comme cela, mais ce soir je ne sais plus rien je crois. Ce soir ? Parce qu'on est le soir n'est ce pas ? Elle m'a fait attendre tout ce temps ! Dire que je lui ai envoyé mon message en matinée. Dieu que je la hais. Et quand j'arrive enfin à son niveau, persuadé qu'elle était vraiment loin de moi, je lui lance un vrai sourire embué d'un alcool que j'ai trop bu rapidement. J'ai passé ma journée à t’espérer, ma vie peut être, qui sait.

- Parce que !

Et je ris de mon argumentation, patientant calmement qu'elle me traite de sale con. Fier de ma connerie et de mon corps en train de tanguer. J'ai mal à la tête, tu le sais ? Je tends ma main vers elle afin d'attraper son menton, je sais pas si j'y arrive ou si en réalité je n'ai aucune idée de la distance qui nous sépare. Ashley depuis quand t'as appris à te dédoubler ? Une c'est bien, deux c'est peut être trop, j'arriverais pas à me faire pardonner deux fois par toi. Double toi. Ah ah.

J'ai envie de crier, de danser coller serrer. Lui dire qu'après tout à défaut d'avoir toute la vie, on peut bien se permettre d'avoir toute cette nuit. Viens, on ne rentre pas encore, ne me ramènes pas, on a le temps de s'amuser. De boire un coup ensemble même ! De s'évader. De se raconter des conneries, nos vies. T'as fais quoi, toi pendant six mois ? Tu peux me dire que tu as pensé à moi, de toute façon, je le sais. Aller, viens, on rigole d'exister.

- C'est ma condition, à prendre ou à laisser, poupée.

Je m'écorche la bouche seul avec mes mots, me déteste aussi un peu. Comme elle doit le faire en pensées. Elle se retient d'exploser. Elle est magnifique, c'est vrai. Quand son visage change d'expression, comme si c'était un don. Quand elle n'a pas son sourire de façade, quand elle est avec moi. Elle est parfaite, juste en étant elle, juste comme ça. J'attrape ma tête pour l'empêcher de tourner. Je sais plus tenir droit et je sens mon corps en train de capituler, si moi je le refuse, lui veut de nouveau se poser. Où est mon tabouret ? Je tourne les yeux, putain, comment il a pu autant s'éloigner ? Je retrouve le regard d'Ashley, dépité. Je lui tends la main, pour qu'elle m'aide à marcher. Si c'est vraiment ce qu'elle veut, alors je le ferais, sans condition idiote, ouais, je la suivrais.