Mes six derniers moi avaient mal commencé. "Vous aviez raison, vous êtes enceinte." A dit le médecin. J'ai hurlé, je crois que je suis devenu hystérique. Ils ont failli appeler la sécurité, mais j'ai finalement réussi à me calmer. "Enlevez-moi ce truc, putain !". J'ai supplié, je n'en voulais pas de leur bébé. Je n'en voulais pas de son bébé. Pas maintenant. On ne danse pas avec un bébé à 17 ans. On ne vit pas. J'ai été égoïste, je m'en voudrais toute ma vie pour ça, mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas gérer. J'ai failli appeler Ashley, mais elle n'aurait pas supporter. Je voulais que Dawson m'aide à tenir, mais je n'ai pas osé demander, je l'ai quitté. Il aurait voulu le garder, le môme. Normal, il va avoir trente ans, à trente ans, on en veut, des gosses. On se sent prêt. Pas à 17 ans. Nous n'avons pas les mêmes attentes, et je ne voulais pas le priver des siennes. Il avait raison, quand il m'a quittée la première fois, il m'a juste fallu du temps pour le comprendre. Le temps de me faire avorter. Putain, je déteste ce mot. Je déteste les femmes qui font ça. Mais je ne suis pas une femme, je suis une enfant. Ma mère était plus vieille que moi, quand elle m'a eue, et pourtant, c'est une mauvaise mère. Alors je ne pouvais pas vouloir de ça.

Il l'a mal pris, il ne savait pas. Je ne lui ai pas dit pourquoi je paniquais. Il s'est sûrement dit que je ne savais pas ce que je voulais. Mais je le savais, ce que je voulais. Je voulais danser. C'est ça que je voulais. Seulement ça. J'en ai pleuré de ne vouloir que ça, tous les soirs, dans mon lit, pendant qu'Emily et Ashley dormaient. Je pleurais en silence de ne pas être capable de vouloir la même chose que Dawson, je pleurais d'avoir tué cet enfant, je pleurais d'avoir rendu sa liberté à Dawson. Je pleurais, et personne ne le savait. Et toute cette douleur, je l'ai transformée, comme je sais si bien le faire. J'en ai fait de la colère, de la rebellion. Je suis redevenue la Sahara qui fait chier. J'emmerdais tout le monde sauf Ashley, qui avait assez de problèmes comme ça, et qui voulait être ma maman. J'ai jamais autant eu besoin d'une maman qu'à ce moment-là. Elle n'avait que six ans de plus que moi, et elle remplissait le contrat. Je me sentais seule, mais elle était là.

Et je n'ai pas compté les mois que ça a duré. Ca aurait pu faire un an que ça ne m'aurait pas choqué. Mais non, en fait, ça n'a pas dû durer plus de trois mois, avant qu'il trouve quelqu'un d'autre. Une adulte, une maman en puissance. Belle, je crois, je m'en fous, elle ne le méritait pas. Je détestais ce que j'entendais. Parce qu'elle n'aurait jamais pu l'aimer plus que moi et que moi, il ne me regardait plus. Je l'avais déçu et je sais ce qu'il ressentait. C'était ce que je lui avais reproché. Mais il ne comprenait pas. Ca ne l'aurait pas choqué d'avoir un enfant. Je crois que finalement, il avait fini par oublier que j'en étais une aussi. C'est de ma faute, je voulais qu'il l'oublie. Puis je lui ai rappelé, alors il s'est tourné vers une fille plus grande, plus vieille, plus mature. Aussi cultivée que lui. Et je n'ai pas apprécié, j'ai craqué. Je suis allée le voir, j'ai pété mon câble. Hystérique à nouveau, mais il n'a pas essayé d'appeler la sécurité, alors je ne me suis pas calmée. Je lui ai tout dit... Mais je lui ai pas dit que je m'étais faite avorter, j'ai trop honte pour en parler. "J'ai cru que j'allais être enceinte", voila par quoi j'ai commencé. Il m'a envoyée chier. Il savait, à présent, mais n'avait pas compris, exactement ce que je craignait.

Alors j'ai recommencé à déraper, je voulais le faire payer. Il en a rien à carrer, mais peut-être qu'un jour sa conscience se réveillera et qu'il comprendra que les fautifs, dans l'histoire, ce n'est pas lui, ce n'est pas moi. C'est ce putain de karma qui a voulu que je me retrouve à nouveau dans le même lycée que lui, alors que l'on n'aurait pas dû. Maintenant, on se déchire, on se déteste. Je le hais de ne pas m'avoir empêcher de tout briser, de ne pas m'avoir empêcher de tout recommencer quand on s'est retrouvé. Je le hais autant que je me hais de l'aimer.

L'idée de repartir m'a effleurée, mais voila, je n'y arrive plus. Toute ma vie, je n'ai fait que fuir. Mais mon rêve est à ma portée, c'est Chuck qui me l'a fait comprendre. Et puis, il y a Ashley. Je ne peux pas l'abandonner, je ne peux pas quitter la seule personne qui ne me laissera jamais tomber. Emily aussi, me manquerait c'est une cousine en or, beaucoup trop brisée pour son âge. J'en viens même à vouloir l'aider, qu'elle ne refasse jamais les mêmes erreurs que moi.

Et puis je n'ai plus le courage de me passer de ses yeux.