Un T-shirt blanc, des poèmes de Jacques Prévert, une paire de spartiates, un chapeau de paille et des fleurs dans les cheveux, tout le monde la regarde. Elle rit dans sa crinière blonde qui tombe en cascade sur une veste aux manches retroussées. Elle rit de toutes ses dents blanches, de son corps rayonnant de certitude et de bonheur.

Elle marche comme un corsaire, toujours à l’abordage, pressée de combattre, la démarche lente et droite de celles qui défient la gravité à chaque pas. Elle demande du feu aux inconnus, fume dans la rue en faisant des ronds avec une allure de gamine un peu paumé, un teint d’albâtre et de longues mains de danseuse étoile.

Elle est audacieuse, sensible, lunatique, et court vers quelque chose qui ressemble au Destin. Elle aime Gainsbourg et la langue française, peut parler mandarin mais n'y comprend rien.

Elle aime contourner la réalité, et la sublimer quand elle devient carrément moche. Lexie, c'est les blés qui tanguent doucement au vent, l'alizé gorgée de neige qui survie à vent et tempêtes.
Elle ne connait ni ne comprend le malheur et ressemble vaguement à une œuvre de Botticelli, à ceci près qu'elle est enchantée par la beauté de la vie.

Elle a été élevée dans un rêve, avec une famille un peu à l'Ouest. Des babas un peu gagas, un peu sorciers, un peu médiums, et un peu voyants, avec ça. Elle a apprit à lire l'avenir dans le Yijing et les marcs de café étant enfant, et garde de son enfance une odeur de loukoums et de jasmin, de soleil et de sable brulant.

Elle croit aux superstitions et à la réincarnation, au Karma et à l'aura de toute chose. Elle collectionne les dés et les levés de soleil, les nuits de pluie et d'insomnie. Elle encre ses chimères et ses fantasmes au creux de son regard trop brillant de vie, et valsent avec eux au gré de ses envies.

Un air mutin sur le visage, elle s'invite à la table des gens sans crier gare. Elle s'installe et déclenche une avalanche de sourires. Elle incarne la fragilité, la douceur, et la candeur passionnelle d'une femme. Elle attire les astres avec véhémence et retient l'amour en toute ignorance. Elle aborde la vie avec un sourire de princesse aux petits pois, portant son oisiveté en étendard. Elle adore le cœur à corps; aime aimer mais n'aime pas l'être, laissant dernière elle le goût amer d'une séparation de quai de gare.

Quand elle consulte la carte du restaurant, Les pupilles de ses yeux en amande ont l’incandescence de celles d’un chat de gouttière affamé devant une proie. « Ce sera un chèvre chaud, une salade verte, un fromage blanc avec du miel et quelques abricots avec ça. », , commande-t-elle avec appétit. Et lorsqu’elle vous dit avec ses « r » qui s’emballent : « Je sors de chez le dentiste, j’ai la bouche un peu pâteuse », on l’écoute comme si elle récitait du Shakespeare.
Elle dévore son chèvre chaud avec envie. « J’ai faim. Avant d’aller chez le dentiste, j’ai fait une partie de ping-pong. Et je l’ai gagnée. Je suis soulagée. Je m'étais dis que si je gagnais la partie, je prendrais un jour de congés. Je suis professeur, vous savez ? »

Elle aurait pu devenir professionnelle, mais, pour éviter folie et schizophrénie que le Tarot lui avait prédit, elle se contenta de donner quelques cours dans une salle émietté par le temps et les espoirs d'antan. Elle aime la musique et la danse, les mots et la volupté des arts. Elle aime laisser courir ses mains fins sur les touches d'un piano en bois, et s'abreuver des clés de sol qui vibrent sous ses doigts.

Quand elle donne ses cours, elle brille de tout son âme rendue quelques peu philosophe par les sons qu'elle appréhendent déjà. Elle prononce toujours les mêmes mots, qu'elle aimerait faire sonner comme une symphonie oubliée : « Jouez la musique avec vos tripes et votre cœur. Laissez votre cerveau en bandoulière dans les vestiaires. Jouez la musique bon sang ! Jouez ! », et ce, toujours avec l'allégresse d'un roadtrip sur les routes brulées du Nevada, la violence et la passion d'un meurtre de chambre d'hôtel.

Lexie, c'est une pulsion de vie, un oiseau qui vole sans entraves, une rêveuse intransigeante et changeante. Lexie, c'est une brise légère qui détient en elle le pouvoir de se muer en siphon. C'est la complexité, la simplicité. La proximité et la distance. La femme et l'enfant.
Violents paradoxes d'une femme qui se perd parfois un peu elle même.

Mais, à dire vrai, elle est bien trop inconsciente de la réalité de la vie pour comprendre qu'elle devrait parfois la haïr.

« Ne prenez pas la vie trop au sérieux, de toute façon vous n'en sortirez pas vivants. »
Elbert Green Hubbard.