J'en suis à l'âge de la remise en question. A l'âge où on l'on se demande si, finalement, tout ce que l'on a fait jusqu'à maintenant à réellement un sens, et si les choix que l'on a fait n'auraient-ils pas forcément gagné à être un peu plus réfléchis. Je vis sur le moment, la plupart du temps et n'aime pas pensé à l'avenir. Tout simplement parce que je ne suis pas réellement sûr d'en avoir un et que ça m'emmerde jusqu'au plus profond de mon coeur, de me projeter vers l'inconnu. Le monde tourne un peu trop vite pour moi, le temps a filé de travers, et je me rends compte quand je fais le bilan que j'ai passé ma vie à marcher à reculons pour éviter d'en arriver au moment où je devrais avancer pour de vrai. Il faut dire que lorsque l'on ne sait pas d'où l'on vient, c'est difficile de vouloir savoir où l'on va.

Je ne sais rien de ma prime jeunesse, je suis un de ces gosses qu'on a certainement préféré abandonner avant d'essayer de savoir ce que l'on allait réellement en faire. Mais je crois que le plus dramatique, c'est que je m'en fous, de ça. Je n'ai pas envie de savoir ce qui m'a valu d'être balloté de famille d'accueil en famille d'accueil. Je m'en fous de savoir de qui je tiens mes yeux marrons, ou mes cheveux bouclés. Je m'en fous de savoir si mes parents m'aimaient, si je suis un accident.... Tout ça me dépasse, et pourtant, me bloque. Si j'avais eu une vraie famille, en serais-je au même point ?

Je n'ai jamais aimé l'école, pourtant j'y allais. Sans réellement savoir pourquoi, mais je crois que je n'aurais pas aimé être inculte, en plus du reste. Quelque part, une petite voix dans ma tête me disait que si j'arrivais à ne pas être trop débile, ma "famille" n'en serait que plus dégoûtée de m'avoir laissé. Je ne suis pas rancunier, mais j'aime à penser que parfois, ils regrettent leur geste. Parce que c'est ce que disent tous les parents qui abandonnent leurs enfants, dans les films.

Mais je n'ai pas pu me forcer si longtemps que ça et arrivé au lycée, après un énième changement de famille d'accueil, j'ai dérapé. Je ne vais pas m'appesantir dessus, mais s'il y a une chose à retenir de mon adolescence, c'est le néant qui bouffait mon coeur et que j'essayais de combler avec tout et n'importe quoi. Surtout n'importe quoi, d'ailleurs. Je n'en suis pas fier, et dans les nombreux bilans que j'ai fait jusqu'à aujourd'hui, n'en est ressorties que des excuses. Mais je n'ai jamais su à qui les adresser, sinon à moi, car c'est ma vie que j'ai détruite.

Enfin détruite est un bien grand mot. Je ne suis pas mort, pas même de l'intérieur. Je me bats souvent contre cet ennui profond de la vie qui m'étreins et me cherche en permanence de nouvelles passions, quelque chose qui me donnerait envie de m'accrocher à cette vie, la seule que j'ai. Je ne veux pas mourir en me disant que je n'ai rien accompli, aussi, je passe mon temps à écrire, à composer, à dessiner... Rien d'important, pas de romans, pas de ballades, pas de belles toiles. Juste quelques mots jetés sur un document word, quelques notes écrites sur une tablature, quelques traits balancés avec précautions sur un papier pour me prouver et pour montrer au reste du monde que j'ai existé.

Parce qu'au fond, je m'aime quand même assez pour vouloir me sauver.