- Tiens, le pirate. Je lance alors qu'il s'approche de moi.

- C'est Ashley qui t'envoie? Je demande d'un air malicieux.

Je n'aime pas ça, savoir où je vais. Je devrai surement aller voir ma mère à l'hôpital, je le sais pourtant, que je devrais faire ça. Au lieu de m'infliger une torture de plus. J'ai mal, chaque fois que je le vois. L'océan.

L'océan qui était mien. Et qui maintenant, sert de décor à ma vie. Et pourtant, voilà, je suis là. Devant l'eau, ou pas encore, je suis à quelques mètres, et l'odeur salée m'enivre déjà. Je suis égal à tous ces névrosés, ceux qui se mutilent pour aller mieux. Moi ? A défaut de me couper les bras, je marche sur la plage.

Je cours presque pour atteindre la rive, qu'elle me délivre elle. Et qu'elle donne sa délivrance à ma maman. Prends la moi, s'il te plait. Elle ne mérite pas de souffrir comme ça. Pourquoi ... Non, je veux dire, pourquoi la vie nous fait ça ? Elle souriait, maman, avant. Maintenant, elle attend, que sa vie prenne fin. Cruelle.

Un visage voit le mien, alors que moi, je ne vois que la mer. Pas maintenant, par pitié. Laissez moi me mutiler en paix. Je ne demande qu'une heure par journée. Ce n'est pas trop, non ? Pitié. On accorde bien l'asile à qui le demande. Pourquoi on me retire le mien ?

- Tiens, le pirate.

L'enfant.

Elle sourit, réellement. Le genre de sourire trop vrai pour être apprécié par quelqu'un comme moi. Elle a dix sept ans pourtant, mais ses sourires ne sont pas ceux des enfants. Elle n'a pas le droit, de grandir trop vite. Elle y perdra trop de choses. Réellement.

- C'est Ashley qui t'envoie?

Non, elle ne sait pas que je suis là. Personne ne sait, peut être Mathilde ... Mais sinon, personne ne savait, avant. Je m'avance à côté d'elle. Et tente un sourire. Plante mon masque de super-protecteur. Avant de m'assoir à côté d'elle.

Mes yeux se ferment, presque machinalement. La vue de l'eau salée me tue. Merci. Je sais, que je ne repartirai plus. Je ne repartirai plus jamais. J'avais oublié le dernier mot.

Rouvrant les paupières, je tourne mon regard vers elle. Je soupire, et tente de sourire. Oui, ça y est, le masque est posé. Totalement posé. Pour peu, je suis presque parfait dans mon rôle complètement orchestré. L'écrivain qui disserte sur mon histoire, je le hais. Personne ne devrait vivre ça. L'agonie, c'est surement ça le plus dur. Celle de ma mère, réelle. Et la mienne, illusoire.

- Non, tu vois, pour une fois, j'ai pris l'initiative de te surveiller tout seul, petite tête.

Je lui dis en lui lançant un clin d'oeil.
Putain, ça fait toujours aussi mal, de faire comme si tout aller bien. Toujours. Et le pire dans tout ça ? C'est que je ne m'y habituerai jamais; A la douleur d'être le fils ainé.

- Si moi, j'ai une petite tête, je préfère même pas dire ce qui est petit chez toi. Je lance en riant.

La belle enfant a des envies d'aventures, de plus loin. De voir autre chose que New-york. Elle voulait voir autre chose que Providence, alors elle est venue, c'est ce que dit Ashley. Elle a des envies d'aventures sans savoir ce que ça signifie. La vie t'arrache tout, même les plus belles des aventures. Elle t'arrache tes rêves et la seule chose qui te tiens en vie. Comment quelqu'un comme moi en est venu à haïr la vie ? Bordel, je l'aimais, avant, cette chienne. Je l'aimais réellement, lorsqu'elle m'offrait tout ce que je souhaitais.

Elle donne quelque chose à quelqu'un, et elle prend le droit, elle seule, de lui enlever. Ouais, comment aimer quelque chose comme ça ? Parce qu'il faut vivre, tout simplement. Vivre à en crever. Allez reprend moi ma mère, putain, enfin.

- Si moi, j'ai une petite tête, je préfère même pas dire ce qui est petit chez toi.

La petite est toujours là, c'est vrai. J'écoute son rire se répercuter sur les vagues de l'océan. Mais finalement, je n'entends que le chant des sirènes, celles qui m'appellent sans arrêt pour que je retourne près d'elles. Taisez-vous, putain !

Je respire lentement, et l'odeur de la mer attaque mes narines, même elle, elle est contre moi maintenant. A me rappeler son existence, à me tuer un peu plus devant les gens. Pas maintenant, ma douce, je dois faire semblant d'être vivant.

- Tu n'es qu'une enfant qu'est ce que tu peux en savoir, des choses qui sont petites, ou plutôt dans mon cas, qui ne sont Pas petites ?

C'est bien mon rire que j'entends ? Bon sang, ça faisait longtemps, qu'il n'avait pas résonné ici, sur la plage. Ou qu'il n'avait pas résonné tout court. Il me semble encore plus faux que possible. Pourtant, je le voulais vrai, je crois.

Je m'en excuserai bien, de ma fausseté. Mais elle ne me connait que comme ça. Alors pourquoi chercher autre chose ? Je ne donne au monde que ce que je peux. De toute façon, ça ne sert à rien, tout ça ... La vie nous arrachera à tout ça.

Rêve encore bel ange, puisqu'il ne te reste que ça. Chanceuse sans le savoir.