J'aurais du inventer le monde, les rêves et autres choses qui avaient de l'importance pour moi. j'aurais du prouver au monde que je pouvais créer quelque chose de mieux en entremêlant des mots les uns aux autres. Prouver aux yeux des humains qu'Emiline était au bout du compte quelqu'un. J'aurais en faire des choses, pour prouver que oui ce quelqu'un plus que quiconque existait. Et puis, rien, un néant si fourbe qu'il s'est insinué en moi tout entière. J'étais la fille, la femme, la mère.

Entre dans ce bar où je me transforme en une pale copie de moi, je me rends compte que ça fait longtemps que je ne suis plus rien. Cette copie, n'a plus de raison d'exister, ils me l'ont volé ce qui faisait de moi que je pouvais dire que oui, je vivais. Ils me l'ont volé.

Le froid extérieur s'arrête, je vis dans un bar mal famé où je me dois d'être, montrer, toujours à ces mêmes gens, que oui, je suis en vie, même si tout en moi prouve le contraire. Une chienne errant dans le monde des vivants, c'est maintenant que je fonce à l'abattoir.

Je me colle, m'assoie, à côté d'une femme dont la beauté efface déjà mon visage meurtrit par des années oublie de vie. Je commande un verre, avec une voix qui me vient d'outre-tombe. Morte avant même avoir vécue.

J'attrape mon verre d'une main qui semble beaucoup trop tremblante, même pour moi. Un tremblement de trop, un frisson de plus, et le verre se répand sur tout le comptoir, à croire que ce monde ne veut pas que je bois, qu'on me laisse mourir dans ce cas.

- J'suis désolée ...

S'échappe de mon corps contre mon grès. Quand je le disais, qu'ils me l'ont volé, mon bébé. Ils me l'ont volé. Autant que moi, il aurait du exister. Il aurait du. L'histoire n'aurait pas du s'achever avant d'avoir pu commencer. Ils me l'ont volé, volé ... J'suis désolée.

Désolée, je jure que je suis désolée. Ils n'auraient tout simplement pas dû me l'enlever. Morte même avant d'être née. Aucune chance pour Emiline et son bébé. J'étais faite pour être maman, prête à ça. L'instinct là, il était déjà en moi. Comme elle l'était, ma toute belle ... Elle était en moi.

L'inconnue sur laquelle j'ai failli déverser mon liquide à peine acheter se retourne vers moi. Non, non, ne la regarde pas cette femme là, tu n'y verrais rien. Un néant organisé dans un corps qui n'a pas demandé à se retrouver ici. Forcer de faire trop de choses dans sa vie, qu'on la plaigne, la belle Emiline, puisqu'elle n'a plus rien.

Son regard rencontre le mien. M'enlève tout ce qui faisait d'Emiline qu'elle était elle. D'ailleurs, c'était quoi ce qui faisait d'Emiline qu'elle était elle ? Son bleu est égal au mien, peut être moins perçant, je ne sais pas, je ne vois pas ce que le monde peut voir. Le monde voit une jeune femme, moi je vois une petite fille qui jouait surement avant avec une peluche ou deux ... Choyée.

- Maman.

Sans le savoir elle prononce ce que jamais je n'aurais du entendre. Cinq lettre qui constituent une balle. Celle qui me fera crever. Une balle parmi des milliers d'autres. Mam ... Non, il ne sortira pas des lèvres d'Emiline celui là, il est interdit n'est ce pas ? Pourtant elle aurait dû comprendre qu'ils me l'ont volés mon bébé. Que jamais il ne pourrait parler.

J'ai présenté des excuses pourtant, pourquoi vouloir me buter maintenant ? Je n'ai rien fais, le liquide ne l'a même pas touché. Je promets, que ses yeux laissent les miens et que l'agonie cesse. L'agonie.

Mais non, jamais ce qu'Emiline veut arrive. Je suis seule, encore une fois, avec moi. Mes yeux piquent et j'amorce une nouvelle venue. Une larme perle sous ce regard trop bleu que je me sais d'avoir. La nouvelle coule le long de ma joue ... Tout ça pour un mot de trop de la part d'une fille qui est quelqu'un face à personne ... J'essaie de parler, de lui répondre, mais rien ...

Crève en silence, ce sera plus beau.

- Désolée …

La douce échange les rôles, je ne le souhaite pas. Elle ne doit pas vouloir d’un rôle comme le mien. La réalité l’empêchera de devenir comme moi, n’Est-ce pas ? Elle doit promettre au monde entier qu’elle saura l’aimer cet enfant si espéré. J’aurais du le promettre aussi, comme la promesse que celui qui m’a quitté avait fait.

Nous étions deux dans l’histoire, lui et moi, puis trois, lui, Novaly et moi, et puis … Personne. Personne n’a survécu à la perte de cet enfant qu’on nous n’avons pas pu connaitre. Il est parti en premier, sans s’expliquer, lui qui savait parler, pourtant, et puis ce fut elle, qui m’a quitté, sans avoir pu tenter de me faire rire, une fois. Et puis ce fut Emiline … Cette écrivain qui sait qu’elle est faite pour crever.

- Désolée, désolée … Je ne voulais pas ..

Oui, faire le choix de ne pas vouloir c’est bien. J’aurais du choisir moi aussi, de ne pas vouloir. De refuser cette chose qu’on m’a imposé. De dire au monde, qu’il aurait du le sauver, mon bébé. Qu’elle aurait du grandir, ma Novaly.

Ma main avance lentement vers ma joue, surprise d’entrer en contact avec le liquide salé qui coule encore sur tout le long. Je soupire, mords ma langue pour ne pas parlé. J’ai parlé une fois, et on m’a dit « maman » sans que je ne puisse l’arrêter. J’ai peur, de l’entendre encore une fois … Pauvre de moi.

- Et moi, je n’ai rien contrôlé.

Ni mon verre tombé, ni mes larmes perdues. Ni la mort de cet enfant que j’aurais pu tant aimer. Non, je n’ai vraiment rien contrôlé de tout ça, et encore moins m descente vers les enfers. Jamais je ne remonterais.