J'entrais dans le ventre du géant de fer et d'acier, conscient d'être dévoré.
La carlingue lustrée ne laissait rien présager de mauvais, à mon arrivée.
Je pensais à tout ce que le monde m'inspirait de plus léger, en le suivant...

Et maintenant que le plus dur est fait, je deviens le témoin d'une épreuve inédite.
Parce que nous avons chacun franchi le seuil de non retour, les limites s'affaissent.
Il m'a vu paniquer à la vue d'un intérieur meublé, à mon tour de tout constater.
Je ne quitte pas du regard le visage décomposé d'un Chuck qui m'a apprivoisé.

Ignorant le prix d'un luxe aussi flamboyant et la tournure des évènements,
je lance mon univers entier vers ses seuls yeux paniqués. Profondément choqué.
Je me vois comme jamais je n'aurais pensé pouvoir m'admirer. Grâce à lui.

Son visage me fuit un instant tandis que ses mains tâtonnent ce qu'il ne connait pas.
C'est lui qui cette fois cherche l'air qui ne me manque plus, et exauce un vœu perdu.
Je me vois aussi clairement que le vent devant moi. Me devine sous les traits d'un autre.
Complétement absorbé par la vision hallucinante que créer un Chuck paniqué,
je ne calcule même plus mon expression crédule de ne rien savoir décrypter.

Parce que séparés par un profond torrent de préjugés, nous sommes liés.
Et je me fous qu'il me croit taré de le penser, puisqu'il ne lit pas dans les miennes.
Ses yeux retrouvent le chemin des miens, je m'accroche à sa détresse passagère.

- Ça se voit que je ne fais pas ça tous les jours, n'est ce pas ?

Je regarde le matériel alentour avec une hâte qui m'aide à sortir de mes songes.
Naturellement, je fais écho à son sourire fantôme, l'animant de ma sincérité.

- On dirait que tu as fait ça toute ta vie.

Comment suis-je censé savoir quelles manières adoptent un chauffeur de limo ?
Moi qui ignore jusqu'à l'appellation de ces quelques boutons en trop devant lui...

Toujours absorbé à la vue de son masque tombé, j'essaie de me projeter dans
une réalité abstraite, peignant un passé proche qui m'a vu m'écrouler.
Avoir choisi de le laisser entrevoir la moitié de mes conneries me plait.
Parce que moi jusqu'au bout de la journée, je n'aurais rien à regretter.

La voiture aura gagné la route rapidement et je dévoile encore toutes mes dents.
C'est en cherchant l'attache de ma ceinture que je remarque que Chuck ne boucle pas la sienne.
Alors, gagnant une rapidité que je dois au métier, je me rapproche de siège de mon chauffeur.
Me penchant sur son corps aux nerfs tendus, je glisse mes doigts entre les bandes de sa
ceinture que je fais glisser jusqu'à moi. Je longe son corps et évite d'emprisonner ses bras.
Je scelle négligemment mon geste dans un clic qui me signale que la ceinture est bloquée.
Retournant à la place du mort, je reproduis mon geste à l'identique et me ceinture.

- Il fait trop beau pour mourir, je lui souris en tapant ma poitrine barrée d'une sécurité.

Le soleil brille et je ne rappellerai pas que c'est ainsi que sont morts mes parents.
Chut, non, rien. Ta gueule, n'y pense même pas. Aime-les, point barre. Calme-toi.
Je sais comment j'agis à chaque fois que l'intérieur de leur mouroir m'entoure, moi.
Alors il me faut penser à autre chose, contempler la vie dehors et le sourire, dedans.

Je cache un rire derrière mes dents serrées, mord ma lèvre et accuse son soupire.
Ma main balaye mon crâne, je prétexte même de gratter mes cheveux. Pouilleux !
Ce spectacle me ravie autant qu'il me surprend et j'attends le reste avec hâte.
Après la ceinture, ce sera quoi ? Allez Chuck, embraye déjà.

- Tu connais la route, Charlie, pour aller à Ikéa ?

Mon cœur bondit et tente une évasion lorsque j'entends mon prénom.
C'est comme ça, tout le temps. Cet effet ne s'éteindra jamais, je le sais.
Putain c'est que deux syllabes, un son qui te caractérise dans leurs esprits.
Entre "pathétique' et "désolé", là, bien rangé, tu le sais pourtant.
Ce n'est qu'un prénom. Mais pourquoi l'entendre me fait-il cet effet ?
Mon cœur porte-t-il ce nom, lui aussi ? Répond-il à cet appel pour moi ?
Je suis las d'être émotif au point de m'enchanter de les écouter me parler.

J'embrasse un paradoxe et cesse enfin de m'écouter pour sourire à Chuck.
Son cœur à lui, est-ce qu'il s'affole aussi quand résonne son nom ?
J'emprunte au monde son air sérieux, et pointe l'horizon du doigt.
Me penchant vers mon pilote, je prétends lui exposer un point, en particuliers.
Quand j'estime qu'il s'approche suffisamment de moi, j'avoue enfin :

- Deuxième étoile à droite et tout droit jusqu'au matin.

Je souris très franchement et reprends ma place, sage et bien droit.
J'abandonne mon visage incrédule à celui du chauffeur, mon rire guette.
Ceci est assez rare pour être souligné alors sortez règles et rapporteurs.

Puis, sentant son souffle l'abandonner, je décide de l'aider à respirer.
Je prends la main de Chuck dans la mienne pour la guider jusqu'au levier.
Doucement, je l'y dépose comme je l'aurais fait avec une petite chose fragile.
Je recouvre sa peau de la mienne, et charge ma voix d'assurance.

- C'est une automatique, tout va bien se passer.

Mine de rien, je ressers mon emprise autour de la poignée de sécurité.

- On a pas de poussière de fée ...

Putain. Comment je lui dis moi, maintenant, que mon pays imaginaire a déjà brûlé ?
Très con, résolument, à quoi bon parler d'y aller, au royaume des cendres douloureuses ?
J'ai pas envie de m'égarer sur en sentier qui me ferait mourir de ne plus les toucher.
Allez Chuck vas-y, souris et change de sujet. Je peux continuer à faire semblant.
Je te jure qu'indéfiniment je saurais être celui qui s'extasie d'avoir aller à Ikéa avec toi.

Son soupire apostrophe mes hantises et je sens que la torpeur de mes songes l'abime.
Personne n'a besoin qu'un connard de Charlie entre dans sa vie. J'en sortirai, promis.
Je ramperais à défaut de voler. Ouais, c'est croulant sous les remords, je partirai.
On préfère les remords aux regrets, non ? Putain, qu'est-ce que je devrais être béni.
Ces saloperies me nourrissent, m'enivrent et dictent mes nuits. Je respire l'ivresse de vie.

- Alors on ira en roulant, qu'est-ce que t'en dis ?

Marcher, courir ou s'écrouler, comme il te chantera. On le sait depuis le début, que je suivrai.
C'est ce qui m'a tout valu du départ à la case prison, sautant de malchance en connerie.
J'accroche un regard, et me voilà partie. Dis, tu te couperais aussi un bras, pour lui ?

Et puis ravale ta question, Charlie. La réponse est si transparente que tu la fracasse de tes dents.
Mange son sourire et comprends. Il veut pas conduire, il ne veut aller nulle part, tu le sens pas ?
Désole putain, mais je suis épuisé de lire entre deux lignes de chagrin. Ils sont où, ses zombies ?
Les fantômes du manoir le suivent-ils au train comme le font les miens, du soir au matin ?
Mais puisqu'on te dit de bouffer tes rimes, pauvre con. Allez, fends ta gueule et sauve sa vie.

- Ou bien on n'y va pas.

C'était pas si dur, tu vois ?

Je m'insulte si bien que j'aimerais presque entendre un autre s'essayer à une rivalité.
L'envie me prend de savoir ce qu'une bouche ennemie cracherait tout en premier.
Savoir ce qui découle de mon regard désolé qui empeste ma constante attente de douleur.
Quel souvenir s'enchainera à une paire de syllabes qui me feront plus mal qu'un coup ?
C'est encore 'voleur' que j'entendrai à vouloir frapper un venin qui vise un peu trop bien... ?

Alors je centre mon univers sur ma respiration en attendant que Chuck parle pour trancher.
Un mot suffirait à m'envoyer très loin de son monde bien trop grand pour moi, même un 'je ne sais pas.'
Sa vie est si pleine de possibilités qu'en amputer la majeure partie rien qu'en étant avec lui
m'emmerde autant que cela devrait l'emmerder, lui. Je peux caser un nouveau 'désolé' ?

- Me lâche pas maintenant ...

Je souris dans un frisson qui contredit toutes mes pensées. C'était quoi cette supplique, une question ?
Et son ordre en fait c'est plutôt un genre de suggestion ?
Je récupère ma main en songeant que putain, je n'y comprend rien.

J'ai toujours su quoi faire de mes bras, et comment occuper mes mains, animer mes doigts.
De souvenir d'homme, je ne suis jamais resté bras ballants. Pas besoin de ça pour avoir l'air con.
Mes phalanges se cherchent souvent et nul besoin de penser pour triturer mes ongles rongés.
J'assiste sans broncher à la patience empreinte dans mes doigts qui s'occupent en caresses.

J'assiste au spectacle de ma connerie propre en sentant ma tête se pencher sur le côté.
Plus que jamais cabot, j'apprécie presque cette position qui déshumanise mes rancœurs.
Je suis un chien, aussi vrai que je veux rester dans cette voiture. Je mens, à moitié.
Tout ce que je veux c'est embarquer mon ami en devenir dans une aventure.

- C'est pas mon genre. Du tout.

Qu'elle soit belle.

Je ne peux m'empêcher de noter que les rues qui défilent me sont étrangères.
C'est ici que je vie, respire, épouse et prétends. Mais putain, pourtant...
Chaque arbre me renvoie aux parcs délabrés dont les branches pleuraient.
Toutes les rues appellent une issue vers un virage noir que je connais.

Et les panneaux m'indiquent les dangers de toutes les voies à éviter.
Par ici, tu penseras à l'état du corps de ta mère, elle en est où, la décomposition ?
De ce côté, tu pencheras pour les accords perdus de tes sentiments. Allez, une chanson ?
J'aurais pas du arrêter de manger, choisir les forces pour tous les renverser.
Pas de signalisation au royaume des cendres épurées. Seul, conscient des ombres.

Je suis dérangé, oublie sérieusement que je suis dans un cercueil trop grand pour moi.
Et je pense même que n'existe aucun monde sinon le New-York qui m'a hébergé.
Les ruelles où je dormais, les paroles que je chantais pour mon chien, l'absence de lendemains.
Le paysage défile si lentement qu'aucun détail n'échappe à mes yeux brulés.
Je suis étranger à ce quartier trop propre, grand et surfait. Où sont mes seize ans ?

- Et si ... On m'était la radio ?

Sa voix me rappelle qu'il est avec moi, mais pas ce que je fous là. Souviens-toi déjà.
J'imagine que le silence l'embarrasse et je n'arrive même pas à en être désolé.
Tout ce qui me vient sont les soirées froides où mon seul raccord au présent
étaient les battements de cœur de mon chien avec sa respiration pour clocher.

Je regarde Chuck, aperçoit mon reflet derrière lui. Je devrais être plus abîmé.
Je ne comprendrai jamais pourquoi les années glissent comme ça, sur moi...
Après toutes les épreuves, putain je hais ce surnom... les prémices de l'enfer ?
Ouais, avec tous les avant-goûts de souffre qui ont essayé de m'étouffer, je devrais.

Me manquent les doigts frais de Sofia contre mon visage renversé par la chaleur de sa voix.
Ce sont les contrastes qui la composent qui m'animent lentement, me réveillent en chantant.
J'aimerais la ré-entendre me dire qu'elle jalouse le noir de mes yeux et la beauté de mes craintes.
Je voudrais qu'elle répète toutes ces choses qu'elle récite pour m'apprivoiser. J'aimerais.

- Tu me demandes mon avis ? je souris, réellement surpris par sa démarche.

Qu'il devine s'il le veut que je n'ai pas l'habitude. Mes pensées ne nourrissent que mes atrocités.
Et même si je sais que la rhétorique emporte sa voix qui de toutes façons, ne m'attend pas,
je lui souris malgré moi, conscient que sa main ne tardera pas à nous enchanter, quoi qu'il en soit.

- Je devrais pouvoir m'empêcher de chanter, mais je ne promets rien.

Je suis prêt à ce qu'il me dise qu'aujourd'hui, il n'a pas besoin de bouffon.
Qu'il n'a furieusement aucune envie de m'entendre, encore moins de m'écouter.
J'écris pour lui les pensées contre le con. Putain mais qu'il les garde, ses chansons ?
Les miennes s'évaporent au dessus du roi, d'ailleurs il a fait quoi, pour me mériter moi ?
Chuck, cet autre Charles, moitié d'un Charlie dégénéré, a du en commettre des atrocités.
Qui est-ce qu'il a tué ? Combien de cœurs a-t-il arraché ? Que veut-il manger ?
Quel genre de drame a bouleversé ses nuits ? Est-il mauvais au poins de m'apprécier ?
C'est à ni rien comprendre, il doit vouloir mourir, être malheureux à vomir.
Condamné dans sa prison de chair, ou vraiment malchanceux pour me sourire.

Cette fois, je le plains dans un brouhaha de n'importe quoi. Hallelujah.

- C'est pas moi que ça va déranger.

Si je chante, c'est ça ? C'est qu'il n'a jamais eu à m'écouter, apparemment.
Par 'je devrais' je voulais dire "tu sais, je vais m'empêcher."
Ma voix, cette folle, a compris que le cœur n'y est plus. Elle a tout vu.
Elle sait les douleurs et la violence des rancœurs, le passé et mes pensées.
Alors elle se fout de ma gueule en chantant un 'à quoi bon' correctement brisé.
Elle creuse ses fêlures dans mes fissures, m'éreinte comme elle s'abime.
Ouais, comme toi tu vois, elle sait tout ce qui fait de moi cet enfoiré.

Il me sourit et je me demande au contraire ce que j'ai fait pour le mériter.
J'accuse le bon qu'il doit imaginer autour de mes doigts. Vraiment, ne comprends pas.
Les fous d'en haut, ceux d'en bas, tous ce sont royalement plantés. T'entends, maman ?
Royal, parce qu'il est de ce sang que le mien pollue de toutes ses salissures, j'te jure.

Je tape un peu à l'aveuglette sur un des boutons du tableau de bord.
C'est moins chiant sur une moto, mais je crois que ce chapitre est passé.
Une musique que je ne connais pas s'élève timidement, je crois que c'est bon.
Je ne l'examine pas parce que dans mon état, je suis sûr de ne pas aimer.
Et j'essaie tout doucement d'expulser la déception de mon être à l'abandon.
Âme à louer, mais qui voudrait la posséder ?

- Alors, on y est ?

Désolé mon coeur de t'avoir donné rien qu'un instant, les mots d'un gamin de douze ans.

Même si tu y es habitué, à les entendre pleurer encore, à réécouter leurs premiers soupirs.
Hein mon cœur, tu les connais les mots d’enfants, ils sont partout inscrits, en grand.
Sur tout ce qui te compose et que j’ai jamais eu le temps d’étudier, con à se taper.
Même si tu sais tous les gamins que j’ai été, chaque enfant qui agonise encore chez moi.
Les morveux qui pleurent les séparations et réclament leurs parents, j’en ai combien ?
Et ceux qui marchent, s’éclatent les genoux pour finalement se ruer dans leurs bras…
Tu crois qu’il m’en reste de ceux-là ? Leurs visages s’effacent, putain. J’ai plus rien.
Je sais plus à quoi ça ressemblait, l’amour au pays des contes de fées.

Je connais rien à rien, j’ai jamais étudié. Comment tu veux, mon cœur, comprendre ?
Ce qui ne va pas, et puis tout ce qui va. Les idées, pensées et folies d’un roi.
J’ai encore les peurs enfantines d’un môme qu’on aurait foutu en prison.
Parce que j’avais encore douze ans, quand ils m’y ont fait plonger, tu saisis ?
C’est immonde tellement ça a suffit. Carrément barré, tant ça m’a détruit.

Je regarde Chuck qui se défait de la ceinture alors que la voiture roule encore et je meurs.
J’ai peur d’une folie raide et furieuse, aussi fantomatique que superstitieuse.
Ça va pas ou quoi, une heure avec moi et il te prend déjà des envies de crever ?
Je comprends cela dit, tu sais. Tu serais pas le premier. J’en ai perdu des invités.
Des passagers qui ont survolé mon cœur en prenant soin d’y laisser poussière et chaos.
Mais le cercueil d’acier, je t’assure, j’ai déjà donné. Meurs pas Chuck, rattache-toi.

J’ai envie de lui hurler dessus, de chialer comme j’ai su le faire un jour, de rester un peu.
Mes mains se trouvent l’une l’autre pour m’empêcher d’être moi, et puis sauver ma face.
Je détourne le regard quand il manœuvre ma haine, range mes rancoeurs, tourne ma peine.
Putain je te jure. Je hais ces boites de tôle, j’en peux plus, faut descendre. Et respirer.

Je crois qu’il a parlé et cette vérité ne me choque que maintenant. J’ai vu que la ceinture.
Rien compris sinon l’envergure du mal qui me ronge, des idées que j’éponge.
Et puis m’en veux de n’avoir pas le droit de manquer la moindre de ses remarques.
Parce qu’infiniment plus que moi.

Chuck esquisse les geste qui s’enfuient et échappent au sursis des foutues montures.
J’ouvre déjà la portière quand j’entends dire les mots qui me tapent dans le dos.

- Tu as carte blanche pour choisir ce que tu veux acheter pour chez moi ... Mais euh, ne me fait pas acheter pas n'importe quoi, hein, quand même. Hum, et si tu veux quelque chose pour chez toi, aussi, ne te gène pas.

Je me jette hors de la carcasse et claque la portière sur sa gueule de métal. Fort, trop fort.
Je m’en détourne et me baisse dans un geste complètement désespéré. Me gifle, discret.
Souffle, et souffle encore. Encaisse, écoute, étudie sans apprécier, sans calculer.

Me retourne vers Chuck qui n’aura pas eu le temps de suivre le sens de mes évènements.
Lui souris un soulagement sincère mais précoce parce que mon cœur panique encore.

- J’ai besoin de rien ! éclate ma voix pour se défendre dans un sourire halluciné.

Je te jure que si tu n’entends pas ces mots-là, l’excursion est super mal amorcée.
Parce que j’ai besoin de ne rien posséder, c’est plus vrai que pitié.
J’ai besoin de rien, besoin d’être entouré d’un rien pauvre parce que familier.
Besoin d’être rien, n’avoir rien, rester comme je suis né et peut-être même chuter.
En dessous de ce rien que je te supplie de ne pas songer à m’offrir. Question de mourir.

J’ai si vitalement besoin d’être et n’avoir rien. C’est aussi vif que mes blessures.
Je te supplie de ne rien changer à mon bordel vidé... Putain, je te jure.

Je veux ne rien avoir et ai besoin du vide qui seul me permet de ne pas les oublier.
Vivre c'est avancer sans eux et je suis, tel que tu me vois, opposé à toute forme de progrès.
Alors permets-moi de n'être rien, et je t'assure que tout ira bien. Laisse-moi devenir chien.

J'suis un mannequin, parodie d'être humain. Un bout de mes restes, rien qu'un crash test.
Et je souhaite ne jamais devenir. Rester le pauvre bambin qui attend la vie sagement.
Ils devraient plus tarder maintenant et je ne ferai pas le moindre pas en avant.
Interdiction formelle de respirer, à moins que ton air ne soit empoisonné.
Tu crois que j'ai souhaité un jour fumer ? Mon père ne le faisait pas, alors pourquoi moi ?
Non, je punie tout ce qui me sourit parce que je me hais plus qu'on ne m'aimera jamais.

Ce que je me dis, à l'entrée de ton magasin venu de loin, j'ai pas envie de le chanter.
Et c'est grave, t'imagines même pas comme c'est dangereux, venant de moi.
C'est comme ça qu'on communique eux et moi et si ma liaison fout le camp... je me rends.

- Tu as peut être besoin de rien, mais une chose pourrait bien te faire envie, à l'intérieur.

J'ai mal au coeur et il nous emmerde tant il espère pouvoir aller danser ailleurs.
J'suis plus là, si loin de toi déjà qu'être ici me bouffe l'âme et toutes ses rancoeurs.
Mais j'suis un chien pas vrai ? Un clébard battu dont tu as pris pitié... alors, tu sais ?
Je te suis comme une ombre, imitation de tes valeurs, une parodie de seconde vie.
On se fera compagnons toi et moi, si c'est ce que veut ton putain de compte en banque.
Je me hais et personne n'a la courtoisie de le faire avec moi. Sérieux, ne m'achète pas.

Et l'envie de son intérieur me blesse comme la lame d'un autre proche de moi.
Parce que non, je n'en veux pas et ne réclamerai jamais rien. Pourquoi tu piges pas ?
Percute Chuck, je suis dépossédé de tout depuis des années, et rien ne doit changer.
Je veux qu'ils puissent me retrouver s'ils décident de revenir, qu'ils me reconnaissent.
Pas de ton portefeuille qui me nargue tant il s'invente une générosité décomposée...
Et mes envies d'enfants se disent : Est-ce que ton argent peut me rendre mes parents ?

- La déco de mon manoir est vraiment à refaire ?

Interne-moi, maintenant. Si tu veux me rendre service, frappe-moi. Allez, quoi !
J'en ai rien à- non, vraiment, je ne sombre qu'en présence de moi, tu saisis ?
C'est des conneries et bientôt elles iront tomber sur toi. Putain mais déteste-moi.

Je m'arrête, ne te suis plus. C'est trop pour moi et tous ces objets vont me hanter.
Ouais, j'veux pas rêver des tables qu'elle aurait aimé, ni des étagères qu'il monterait.
Y a des gosses et des couples partout, c'est pas ici que je dois entrer, pas comme ça.
C'est bientôt la fin et cette vérité devrait te percuter comme une voiture sur leurs corps.
T'aurais pas du m'adopter parce qu'un jour viendra où en bâtard, je te mordrai.

Mon soupire n'a même pas à l'air humain, ça fait de mon souffle quoi, un truc canin ?
Je plante mes yeux dans les tiens, parce qu'il parait qu'ils détestent ça, les autres moi.
Une déclaration de guerre, dans la langue des connards battus, abandonnés.
Et écarte les bras en me rappelant à tout ce qui fait de moi le moins qu'un chien.

- J'en sais rien. Je m'en fous, je sais pas. Tu devrais y aller sans moi.

Dans mes pensées, j'arrive à peine à en voir les cendres, de ton château. Je suis faux.
Mes pieds brulés s'accusent du mal que la perte t'a causé et je me devine, brisé.
Je reste assis là à imaginer les autres danser quand ma folie boite encore. Je suis mort.

Foutu de n'être finalement pas la vermine du reste de mes puces, j'hallucine ma chair.
Plus rien ne vaut le bout de mes chutes. J'suis une parodie de moi, quand tu t'offusques.
Un connard sans loi, un cabot sans toit... Nomme-le, je suis tous les maux du vent.
Mon baptême agonise lentement et moi, j'ai pas envie d'aller jouer aux marchands...
Chuck, mon pauvre gars, en un seul jour tu auras déjà témoigné du pire de moi.

Ma rage au ventre et la paralysie de mon cœur qui s'emballe pour rien.
L'écho de mes peines qui seules s'enrouent pour ne pas oublier leur refrain.
Ma colère handicapée, ma lune et son dessin trempé, mes mains, mes regrets.
Les vices de mes joies passives et la folie derrière mes yeux qu'on croyait morts.

T'es fort, tu sais. Très doué pour foutre le bordel dans mes émotions fragiles.
Et le pire, c'est surement que tu n'as rien demandé, fait, ni même essayé.
J'ai besoin de personne pour me buter et monter un putain de spectacle macabre.
Que rient les enfants, lorsque giclera mon sang. Charlie s'ampute de la vie.
Je pourrais danser sur le rythme de mes pensées tant elles sont animées.
C'est con, si dur et ça ne sert à rien sinon accrocher le temps d'un autre.

Emmerde-moi Chuck, dis-moi que tu comprends. Crache, entends.
Allez, on se dit "à demain" et on prétendra dans un sourire que j'suis pas taré ?
Ainsi, la valse pourra continuer. On mentira un torrent de regrets à mon nom.
Tous s'appelleront Burton et c'est quand nos soleils se ressembleront que je recommencerai.
Je chialerai ma mère en conjurant le regard de mon père, ce Charles qui me manque.
Regretterai de souiller mon héritage en défigurant les souvenirs qui me hantent.
Ne serai rien sinon l'ombre de mon chien qui t'expliquera à ma place, tous les pourquoi.
Qui te dira que Charlie pète un câble quand son horizon brille trop fort, tu vois.
Qu'il a peur que tu le vois heureux, si tu t'appelles pas Sofia. Il te traduira mes envies
et dans un souffle rauque que tu comprendras, t'avouera que j'ai une vraie maladie.

- Ah d'accord. Faut que je te ramène chez toi ?

Que cette maladie s'appelle la vie et que personne comprend comment je l'ai chopée.
Ni pourquoi je l'ai gardée quand elle a quitté jusqu'à la dernière goutte de mon sang.
Comment j'ai pu survivre à toute ma famille et ai été contaminé par un mal trop grand.
Depuis quand je sais que le temps n'existe pas, que rien n'est vrai, que tout est permis.
Je m'emmerde je te jure... dans ma tête c'est d'un ennui déchirant, parce que vivant.

Et putain, tu vois je ne t'écoute qu'après moi et cette injustice me tue.
J'adore ce que tu viens de me sortir, là, d'une source presque empoisonnée.
Un calme résolu bouffe toute la brise qui d'ordinaire caresserait mon corps.
J'ai à l'intérieur de moi un destin brisé et mon avenir déjà s'endort.

- Bien sûr que non, et j'en bouffe mes consonnes, inventant un accent qui dénote encore avec l'éducation de tes lettres. J'vais marcher, courir peut-être. Rentrer chez moi et puis t'écrire ou t'appeler pour te dire que j'suis désolé.

Note que la fierté, je connais pas. L'orgueil ? Jamais pêché de ce côté.
Je rampe avec les mots aussi bien que mes sens déjà à tes pieds.
Un virus, je te jure. Rien du tout, une abomination... juste une injure.

M'approchant de lui, je survole sa bouche de mes yeux et accuse une gifle.
Parce que me vient dans une foule d'écho toutes les choses qu'elle aurait du dire.
J'entends les moqueries et les soupires. Elle m'insulte et s'en va me maudire.
La honte pourrait me bruler si mon cœur n'était pas habitué au gout des cendres.
C'est les couleurs d'un autre qui flambent quand je l'imagine me descendre.

- Je sais pas comment t'as pu me supporter aujourd'hui.

Je lui avoue d'un regard un truc monstre qui porte mon odeur.
La misère des regrets embaume l'âme derrière mes yeux noirs.

- Si j'étais comme ça tous les jours... Enfin, je suis désolé, Chuck. Et je vais juste m'en aller avant de... j'sais pas, de déconner encore, si c'est possible. Bon... shopping ou whatever.

Et j'ai pas ton numéro mais j'ose pas te le demander, je saurai.
Si mon destin d'outre-tombe veut que j'entende le tien, je trouverai.
Un moyen, n'importe lequel, par une porte que j'imagine belle.
Je parviendrai à poser des numéros sous son nom de prince.
Et les contaminerai de ma maladie de la vie et ses provinces.