Je marche dans les rues et Times Square me fait tourner la tête. Je bifurque sur une avenue plus calme. L'asphalte est encore humide de la rosée du matin et les nuages qui couvrent la ville empêchent le soleil de faire son travail. Mes mains glissent dans ma poche pour en sortir une clope et un briquet. Malgré l'engourdissement qui se fait sentir sous ma peau, je continue d'aspirer de la mort. Je me sens maussade. Le temps pèse sur mes humeurs et ayant perdu mon petit soleil personnel, je ne vois plus de raison pour percer les nuages dans une journée comme celle-ci. Me revoilà entrain de pleurnicher. Je jettes mon mégot sur le sol et l'éteint du bout de mon soulier.

Continuant mon périble, j'atterris devant une vitrine. Je me surprends à regarder les tableaux, j'en ai volés plusieurs avant de me tourner vers les objets plus petits. J'ai l'oeil. Celui là a une fluidité rare. Cet autre n'est rien d'autre qu'un imitation d'expressionissme. Rien de surprenant. Derrière la vitrine, une femme parle avec un couple de clients. Son air me dit quelque chose. Je réalise alors que cette femme, c'est Sarah. Je ne l'ai pas vue depuis des années. On jouait ensemble aus réunions de famille. Quelle vie, retrouver ma cousine, ici, par hasard. Je n'ai revus presque personne depuis que mes parents m'ont foutu dehors. Ils étaient tous comme eux, bornés. Pourtant, même si on étaient que des gosses, je me souviens d'elle. J'esquisse un sourire à mon reflet dans la vitrine. Se souviendra-t-elle de moi ?

Je pousse les portes de la gallerie et m'installe près de la caisse, attendant qu'elle ait finit avec ses clients. Je ne vais pas aller la déranger. Et puis si on considère que je n'ai pas de réel travail, je n'ai rien de mieux à faire de mon temps. . .

La matinée n’en finit plus, n’a jamais vraiment commencée. Avec la constante impression de vivre un cauchemar éveillé, j’avance en somnambule, laissant ma vie se remplir de vide.
Je parle sans m’en rendre compte, par automatisme. Je sais quoi dire, sans avoir vraiment conscience de le dire. Ses pauvres clients ne sont présent qu’à l’arrière plan, derrière un voile de souffrance qui sépare ce que je suis de ceux encore bien vivants.

Probablement trop heureux, lumineux et amoureux, pour que je puisse les inclure dans monde de noirceur et de détresse. Quelques éclats de rires et promesses d’achats plus tard, le couple s’en va, plus vaporeux et heureux que jamais. Et moi, je soupire, de jalousie, de lassitude, où d’aigreur.

Près de la caisse, devant le comptoir, je devine l’ombre d’un nouveau client, que je n’avais pas entendu entrer, trop obnubilée par ma propre détresse. Laissant l’un des viel automatisme qui me maintient encore en vie me dicter ma conduite, je m’avance vers lui.

Sa silhouette se dessine lentement, transperçant le voile qui obscurcissait ma vue. Ses yeux m’électrisent, presque autant que la tristesse que je peux y lire me désole. Des réminiscences du passé me reviennent en mémoires, des bribes de souvenirs empreints de nostalgie se succèdent dans une cadence infernale, juste devant mes yeux. La tête me tourne tandis ce que je me rapproche de lui, fascinée, hébétée.



- Shawn ? je murmure d’une voix blanche.

Mon regard se perds à travers le kaléïdoscope de couleurs que présentent les oeuvres d'art. Je ferme les yeux, les couleurs vives faisant remonter à la surface ce que je tente délibérément d'enfouir. Son sourire. Celui d'Amy. Son souvenir est tatoué sous ma peau et je me bat chaque instant pour ne pas abandonner cette vie qui ne veut plus dire grand chose. Je pense à toutes ces années d'amitié. Chaque jour à l'aimer un peu plus. Je soupire et me concentre sur le sol immaculé pour ne plus voir toutes ces couleurs douloureuses.

J'entends des pas sur le carrelage. Tout s'arrête. J'ai la vision superposée d'une gamine de onze ans dans une robe. En arrière plan, la Sarah que je ne connais pas vraiment me regarde comme si elle venait de rencontrer un revenant. Mon nom est soufflé par ses lèvres et la surprise est palpable. J'aurais presque envie d'encadrer son visage seulement pour me rappeler la tête qu'elle fait en ce moment. Je m'approche un peu, hésitant à la serrer dans mes bras. Depuis tout ce temps, si ce n'était pas du sang, nous ne seriont probablement que des inconnus. Au risque de parraître un peu trop entreprenant, j'entoure ses épaules de mon bras et la serre brièvement contre moi avant de lui lancer un regard charmeur et de lui lancer :

« Allez, avoue que je t'ai manqué ! » Je hause un soucil, me demandant ce qu'elle est devenue. Je souris, si elle savait . . . Ma vie à moi est un beau bordel. Pourtant je lui mentirai, parce que ma vérité ne peut pas être dite, il n'y a que Charlie qui puisses être le témoin de cette partie de moi, les autres doivent être protégés. Ce n'est pas contre toi ma jolie, ce sera pour ton bien. Il y a des méchants qui rodent la nuit dans les rues de new york et je suis l'un d'eux. Je suis du mauvais côté de la ligne, alors que tu ne la dépasse probablement jamais. Je l'examine des yeux, ce qu'elle a changé ma Sarah. . . .

« Tu vas bien ? » Je pose la question, sachant que je ne suis en aucun droit de m'attendre à la vérité. Je ne lui ferais même pas cette politesse, pauvre de nous. Alors j'attends, sachant que malgré tout, malgré le fait que mes parents et mon frère m'aient reniés, que peut-être elle n'en fera pas autant. J'ai oublié ce que ça fait d'avoir des racines, des origines, de la famille.

Sonnée, je le suis. Surprise, aussi. Plissant les yeux, je dessine les contours de son visage avec la plus délicate attention, comme pour reconnaitre dans ses traits l’enfant qu’il était avant. Mais tous ces souvenirs sont plus, indistincts. Passés, et éteins.

D’un geste hésitant, il referme ses bras autour de moi, et je me sens soudainement si fragile que j’ai envie d’en pleurer. Son étreinte est brève, mais infiniment douce.
Il sourit, et je ne peux qu’en faire de même, mon pâle sourire éteint me donnant l’impression d’un leurre, faux, froid, et insultant.



« Allez, avoue que je t'ai manqué ! »


Il m’a manqué, oui. Ce n’est qu’en le revoyant aujourd’hui que je comprends qu’il m’a manqué. Qu’il a grandi, qu’il a changé. Puisque, coupée de ma famille depuis bien trop longtemps, je ne l’ai pas vu depuis des années.



« Tu vas bien ? »


Lorsque les gens demandent si l’on va bien, ils n’attendent pas de vraies réponses, n’est-ce pas ? Ils n’attendent qu’un « Bien, merci. » puisqu’au demeurant, chacun ne se souci que de lui-même. A moi que ce ne soit le contraire, et que personne ne se souci plus de rien.
Mon « non » s’écrase alors contre mes lèvres, et je me mords la langue de dépit. J’étouffe ma peine, la tait, et esquisse un sourire qui me brûle, tant il est surfait.



       — Très bien, merci.


Mes yeux hurlent la violente contradiction à laquelle je soumets mon cœur, mais je souris, tout de même, malgré tout, malgré moi, parce qu’il est une parcelle de ces rêves enfantins, innocents, qui étaient miens, avant que ma mère ne les emportent au loin.



       — Et toi, alors ? Qu’est-ce que tu deviens, depuis le temps ?


Allez, Shawn, fais-moi oublier que je ne suis plus rien. Retournons à nos jeux d’enfants, lorsque la vie était encore belle et simple. Fais les miroiter devant mes yeux fatigués, ces pagailles de chimères et de candeurs d’antan.

Dis-moi ce que tu deviens, Shawn. Moi, je me soucierai de toi, je te le promets. Peut-être est-ce ça, en fin de compte, la famille.

— Très bien, merci.

Je sais qu'elle me ment, mais je n'aurais pas le coeur de lui dire. Comme tous les autres, je suis lâche, et je ne veux pas la forcer. Qui suis-je pour venir m'imposer et réclammer une trêve de secrets alors que je ne saurai pas faire autrement que de lui mentir à mon tour. C'est la tournure prise par ma réalité. Cet enchevêtrement de vérités et de fait dissimulés. Ce n'est pour moi qu'une habitude que je traîne depuis bien trop longtemps. J'ai sous la peau toutes ces choses inavouées qui rongent ma chair et mon amour.

Ma jolie cousine semble éteinte, c'est bien le mot. Je la regarde et j'ai envie de la protéger du monde bâtard qui lui cause cette peine. Ce n'est pas juste, et encore une fois je voudrais le crier dans la rue, je voudrais changer les choses. Je voudrais . . . Et puis non, je n'en ai pas la force. Les choses ne changeront jamais, c'est la fatalité.

— Et toi, alors ? Qu’est-ce que tu deviens, depuis le temps ?

Sa question me surprend, comment lui dire sans lui mentir. Je souris, un sourire navré. Je suis pris dans mon piège, Peu importe où je me tourne, c'est une impasse. Je regrette presque d'être rentré, parce que maintenant je me dois de la décevoir, de me décevoir. Je soupire, pense à quoi dire, pour finalement laisser les mots parler d'eux-même.

« On pourrait dire que les choses sont exactement les mêmes. C'est un peu le néant, mais on fait avec, pas vrai ? » Je soupire, voilà ma demi vérité. J'ai l'espoir qu'elle comprenne ce que beaucoup d'autre n'auraient pas écouté. Qu'elle me dise que tout s'arrangera. Qu'elle sera là, contrairement à tout ceux qui m'ont failli. Que le sang est plus fort, plus grand que la bêtise du monde. Je pense à mes propres parents, et je finis par croire que ce ne sont que des foutaises.

Je me tourne vers Sarah pour la regarder un peu, avant de lui demander : « Et toi ? Ta vie est un rêve devenu réalité ? » L'ironie est flagrante dans ma voix. Malgré le succès professionnel que dégage cet endroit, elle ne semble pas heureuse. Dis-moi, ma jolie . . .

Son sourire m’écorche, parce qu’il est l‘écho d’une tristesse que je me refuse de voir en lui. Pourquoi, pourquoi n’est-il pas heureux ? Il se le doit. Shawn, sois heureux…



« On pourrait dire que les choses sont exactement les mêmes. C'est un peu le néant, mais on fait avec, pas vrai ? »


Sa phrase sonne juste, parfait reflet de ce que je voudrais être capable de dire, si j’avais sa force et son courage. Si j’étais capable de faire fit du reste, et d’avancer, malgré tout. Mais je suis faible, trop faible pour ça. Je suis finie, anéantie. Je n’ai pas survécu à la dureté de la vie.



« Et toi ? Ta vie est un rêve devenu réalité ? »


Non, non… Je n’ai pas réussi, je n’ai pas pu. J’aurais pu changer de vie et effacer mon nom, les souvenirs seraient restés gravés, immuablement, dans ma moelle, dans ma tête.
J’avance en somnambule, aphone et borgne, taisant mes maux, de peur d’entendre le monde en faire échos. Ma vie est un cauchemar dont je ne me réveillerai jamais, mais parce que je refuse de l’inquiéter, j’esquisse un sourire qui me dévore et me semble faux.



— On fait aller du mieux qu’on peut…


Je ne suis pas capable de faire mieux, de lui lancer un Oui cinglant et plein de vie. Je ne suis pas capable Shawn, pardonnes-moi.



— Tu n’as pas à faire avec, tu sais… Le néant, précisai-je.


Tu mérites mieux, bien mieux, que cet enfer là. Racontes-moi, Shawn. Livres-moi tes démons, pour m’arracher aux miens, l’espace d’un instant où je ne serais pus qu’une enfant insouciante, ensevelie sous le poids des drames de quelqu’un d’autre. Pitié Shawn, rien qu’une fois…



— Il y a une vie, au-delà de ça.


… Dit la fille que l’on a assassiné il y a bien longtemps de cela.

— On fait aller du mieux qu’on peut…

Elle a beau dire, je sais qu'elle comprends. Je le sens dans sa voix, dans le trémolo aténué par le son qui déclinait. Elle est comment, sa vie à elle, pour qu'elle sache ce que c'est. Il y a tous ces gens qui se créent de faux problèmes, et il y a Sarah, qui ne se plaint pas des choses dures et de tout ce qui la blesse. Parce qu'à seulement la regarder, je sais bien des choses qu'elle n'avouerait jamais. Non, elle est bien différente de toutes les autres ma jolie cousine. J'aimerais la consoler de cette fêlure qui ternit son regard, mais je ne m'en sens pas le droit. Je n'étais pas là. Et ce n'est pas une excuse de dire qu'ils m'ont abandonné. Ça ne justifie pas mon absence à moi. Je soupire, m'en voulait inexplicablement.

— Tu n’as pas à faire avec, tu sais… Le néant, Il y a une vie, au-delà de ça.

J'esquisse un sourire. Elle n'a pas à me conforter, mais elle le fait, naturellement, comme une amie que je ne mérite pas. Je pose ma main sur son épaule, en un geste amical, je sais être humain, éloigné de mon alter ego, le Shawn pratique et tactique. Celui qui planifie, qui manigance, qui devrait se tenir éloigné de sa pureté à elle. Parce que malgré mon pragmatisme, j'ai toujours cette confiance, que ceux que j'aime finiront par trouver le chemin, le chemin du bonheur, celui qui s'éloigne le plus possible de la peine. Je voudrais pouvoir lui offrir des journées ensoleillées sans déchirements. C'est possible, vous croyez ?

- Je ne sais pas, mais on s'y fait, pas vrai ?

Parce que je sais que oui, parce que mon coeur espère que non. Il espère ne jamais arriver à vivre sans elle. Sans Amy, sans cette parcelle de mon coeur qui colle à sa personne. Non, il n'y a rien d'autre pour venir à bout du mal que de le laisser s'insinuer dans mes veines. Mes veines, pas celles de Sarah. Ce serait inhumain. . .

- Et si on partait ?

Ailleurs, peu importe. Rien ne me retient, et elle ? Si quelque chose lui tenait assez à coeur pour rester, serait-ce un poid dans la balance. Parce que l'évasion est tentante. Elle me prendra pour un fou, pensera que ce n'est qu'un délire, mais pourquoi pas . . .

Sa main trouve mon épaule, esquisse d’un apaisement silencieux qu’il ne sera jamais capable de me prodiguer vraiment, n’est-ce pas ? Mais il est là, et il essaye, et ce simple fait le rend plus important que tout, en cet instant. Plus important que ce frère qui a fuit notre réalité, que cette mère partie à jamais. Il finira par partir, lui aussi, n’est-ce pas ? Comme tous ceux que j’aime, il fuira, ou mourra.
Vas t’en Shawn, pitié, avant que tout ton monde ne s’écroule, à cause de moi. Désolée.



- Je ne sais pas, mais on s'y fait, pas vrai ?


J’aimerais pouvoir lui répondre que oui, mais mon cœur à l’agonie me cri que c’est impossible. Alors, à défaut de me savoir condamnée, je me raccroche à ses mots comme au temps qui semble m’échapper, espérant que plus tard, tout finira par aller mieux. Et qu’à défaut d’aller mieux, lui, pansera ses plaids et laissera le vent emporter les maux qui assombrissent son âme.



- Et si on partait ?


Partir ? Pour aller où ? Quelque soit l’endroit, mes démons me collent à la peau. Ne le sait-il donc pas, mon ravissant cousin ? Que la fuite n’amène nulle part, et que plus rien n’est, que ce soit ici ou là bas.
Caleb est parti, et je sais, parce qu’il est une partie de moi, que ses souffrances l’y ont suivit, qu’importe le lieu de son exil.
Mais Shawn, lui, m’inclut dans sa fuite. Il s’en va mon beau cousin, comme tous les autres… A la différence qu’il m’accepte dans son péril. Et parce qu’il le fait, je n’ai ni le force, ni la volonté de lui refuser cette requête.



— Où tu voudras… Je te suis.


Laisses moi devenir ton ombre, et montres-moi ton monde. Arraches-moi à la noirceur de mon univers, pour me montrer les couleurs qui illuminent le tien. Sauves-moi, Shawn, rien que pour cette fois.

J’ai le cœur qui tremble à la seule idée d’être ailleurs, de n’avoir pas sous les yeux ces endroits familiers où je trouve des souvenirs d’Amy dans tous les recoins. J’ai cette envie de m’évader sans vraiment partir. Je ne sais pas où aller, quoi faire. Parce que quelque chose doit bien faire diminuer la souffrance, sinon, je ne sais pas quoi en faire, d’une vie qui fait mal. D’une torture quotidienne. Je suis pris d’effroi, réalisant que si c’est le cas, la délivrance ultime serait quelque chose d’imaginable. Je ne crois pas que j’aurais le désir ou la volonté de m’enlever la vie. C’est une chose de ne plus avoir de sens à sa vie, c’en est une autre de ne plus avoir l’espoir de le retrouver.

Je lève les yeux vers ma tendre cousine, souhaitant qu’elle ne m’abandonne pas, souhaitant que je ne l’aie pas poussée loin de moi, comme tous ceux ayant été des étoiles filantes dans ma solitude. Parfois je ne sais pas pourquoi j’agis ainsi, et d’autres fois je suis totalement convaincu que c’est nécessaire.

— Où tu voudras… Je te suis.

J’aime le son de ses mots, et j’aime leur sens. J’aime qu’elle semble comprendre ma noirceur et apaiser mes démons. Parce que sa présence est un voile entre moi et cette vie que j’ai détruite de mes mensonges. Je prends ma cousine par la main, et cette fois je n’ai pas à me forcer pour sourire. Mes joues ne se crispent pas à la sensation tiède qui réchauffe mes entrailles glacées. On est bien loin de l’euphorie, mais c’est un début, pas vrai ?

J’ai alors l’illumination, je sais où je veux l’emmener. Je sais où moi, je veux aller. Je connais l’endroit qui détruit les pensées noires.

— Tu me fais confiance ?

La réponse c’est oui, mais ça n’est pas du jeu si je la lui souffle. Je vais l’emmener à cet endroit où les couleurs semblent irréelles et où tout n’est qu’un immense retour en arrière, vers cette époque où les voiturettes et les peluches étaient notre monde. J’ai en tête ce merveilleux souvenir du magasin de jouet de Times Squares. Je veux que ce monde nous emporte, elle et moi.

— Je t’emmènerai dans un endroit où le temps n’existe plus. Où les soucis n’ont plus d’importance. J’en aurais bien besoin, pas toi ?

Je me surprends soudain à rêver du temps où nous étions enfants, où il était capable de m'éblouir et de me faire rire, de faire chanter le vent et faire sourire la pluie. Cette époque pleine de pureté et d'innocence, où la candeur semblait capable de nous protéger contre l'univers entier.
Nous étions heureux, étant enfants, alors, dis-moi, qu'est ce qui a changé ? Quand tout-a-t-il basculé ?

Sa main trouve la mienne, et ma peau semble reprendre vie sous ses doigts. C'est un sentiment nouveau et dévastateur qui embrasse mes veines et s'impose à moi. L'impression – la certitude – d'un cœur à nouveau capable de se sentir en sécurité. Et là, dans l'ombre de son sourire, j'aperçois la vérité qui m'avait depuis trop longtemps échapper : Il est la seule famille que j'ai. Et, si le ciel m'en juge digne, il restera là, auprès de moi.

- Tu me fais confiance ?

J'aurais pu parler. Dire que oui, je lui fait confiance plus que je ne me serais jamais cru capable de le faire. Mais ce serait dérisoire, surfait. Inutile.
Je veux redevenir l'enfant que j'étais autrefois, capable de monter dans le plus haut des arbres, simplement parce que son regard me jurait protection et sécurité. Je veux croire qu'il retrouvera le sourire, afin qu'un jour, il puisse m'aider à faire renaitre le mien.

- Je t’emmènerai dans un endroit où le temps n’existe plus. Où les soucis n’ont plus d’importance. J’en aurais bien besoin, pas toi ?

Je me surprends à sourire au son de sa voix, et aux rires qui semblent émaner de l'endroit qu'il me dépeint. J'imagine un paradis perdu entre deux coups profonds et graves d'une horloge qui ne tourne plus rond. Un monde où son sourire puisse éclairer ma route et endorme mes démons. Un monde qui puisse faire taire les siens, et lui rendre sa lumière d'autrefois.

« Qu'est ce qu'on attend ? » Mon murmure se perd dans les méandres de mon sourire, pâle reflet de celui qui venait de mourir, quelques instants plus tôt, au coin de ses lèvres.

Shawn... Fais-moi rêver