Je n'ai jamais aimé les anniversaires, je sais que ça peut être idiot. Mais je n'ai jamais aimé ça. Je suis née un 8 mars, un dimanche je crois. Fille unique, j'ai regardé les années passer sans m'en apercevoir. Et chaque nouveau huit mars annonçait de belles choses pourtant, à l'origine. Le jour de mes dix ans ? Mon père est parti, littéralement parti. On ne peut même pas commenter son départ, puisqu'il est juste parti. J'ai pensé pendant longtemps que c'était de ma faute, et je crois que ma mère pensait que c'était de la sienne. Elle buvait beaucoup ma mère, les soirs d'hiver ? Je rentrais chez moi, avec ses yeux émerveillés qu'ont les gamins devant la neige du crépuscule, et pourtant, contrairement à ses gosses, je n'avais pas envie de retourner chez moi. Parce que je savais comment j'allais trouver ma mère. Affalé sur le canapé, avec cette odeur de whisky beaucoup trop forte trainant dans l'appartement et sa clope encore dans sa main incandescente menaçant toujours de mettre le feu au tapis. Le jour de mes quinze ans, je crois que ma mère avait trop bu, pourtant, elle m'avait promit que ce jour là, elle viendrait me chercher devant le lycée. Les ados de quinze ans ne supportent pas de savoir que leur parents vont venir devant le lycée. Mais moi, j'étais contente de ça. J'aurais même aimer la voir arriver avec son éternelle robe de chambre bleue plutôt que de rentrer chez moi en pleurant. Je ne lui en voulais pas, je crois. Je m'en voulais à moi même, d'y avoir cru. J'accordais de l'importance à mon anniversaire alors que j'aurais du savoir, que de mon anniversaire on s'en fichait. Je n'étais pas capricieuse, je souhaitais juste d'avoir un jour normal dans ma vie. Et de toute évidence, c'était trop demander. Ce soir, quand je suis rentrée, les voisins étaient dehors, alors qu'il pleuvait, je n'avais pas compris pourquoi au début. Je ne voulais pas comprendre. On ne pouvait pas me retirer ma mère de force n'est ce pas ? Surtout pas le jour où je grandissais. Ce jour là où j'avais besoin d'elle ... Mais on ne décide pas, on subit les choses. Le genre humain est fait pour survivre et on pour pour vivre. Et ma mère n'a pas survécu, overdose qu'ils ont dit. Quelques mois plus tard, les services sociaux ont retrouvé mon père, mais il n'a pas voulu de moi. Je m'en fichais, de toute façon, je ne voulais pas d'un père, je voulais ma mère. Celle qu'il m'avait arraché le jour de mes dix ans, celle qu'elle était avant qu'il ne parte. Alors non, je ne voulais pas de lui autant qu'il ne voulait pas de moi. Les choses étaient claires, le pensionnat me prendrait en charge, puisque personne ne veut adopter une gamine de quinze ans. Il fallait se rendre à l'évidence. Mes années pensions se sont vites finis, je n'y suis que restée trois ans. Après ça, à dix huit ans je suis partie vivre à New York, parce que je voulais changer de vie, et parce que la psy me le conseillait. Elle me pensait folle je crois, à parler parfois avec une mère morte depuis deux ans déjà. Mais moi, je le voyais ma mère, je le savais très bien, que je la voyais. Je n'étais pas folle, mais la réalité était là, j'avais besoin d'air. Alors new-york fut la solution. La-bas ? Je suis tombée amoureuse, comme une idiote, il me promettait la lune, et un avenir doré. Et moi j'y ai cru, parce que je ne croyais plus en rien, et que lui faisait semblant de croire en moi. Il m'a laissé partir à la dérive seule, le jour où mon premier roman n'a pas réellement marché, ce jour là ? C'était un huit mars ... Et je tombais dans les paumes sans comprendre pourquoi il partait. Je ne voyais plus ma mère, mais les docteurs avaient décidé de m'hospitaliser, juste pour être surs que tout allait bien, parce que je m'évanouissais fréquemment, mais je savais dans le fond, ce que j'avais, les femmes dans mon cas savent toujours ces choses là. J'avais beau hurler sur les toits que tout aller bien, comme le faisait ma mère, rien n'y faisait ils disaient qu'ils voulaient être surs. Mais ils n'auraient pas pu comprendre, que mon cœur était parti en même temps que lui le jour de mes vingt cinq ans et pourtant j'en faisant vivre un autre en moi. Et puis trois semaines plus tard, tout a été dit. Ma vie s'est brisée, sans même que je ne le contrôle. Il venait de partir, mon bébé. C'est ce qu'ils avaient dit, je crois. Vous l'avez perdu, mademoiselle. Et ils avaient raison ... J'avais tout perdu. Tout les choses ou personnes qui avaient de l'importance pour moi, j'avais tout perdu, et l'envie d'écrire avec ça.

J'ai perdu l'envie de vivre un peu plus à chaque année qui passées, j'ai arrêté de compter. Je crois même que j'en oublie l'année de ma naissance parfois, je ne veux pas savoir quelle nombre change, chaque huit mars. Je ne veux pas, ou ne veux plus. J'aimerais pouvoir tout oublier, faire table rase. Parce que je sais que la vie mérite d'être vécue, je le sais, j'en suis persuadée. L'intime conviction que l'espoir mérite d'être toujours là. Le fait est que je suis folle, je crois ... Je ne sais pas ... Mais que penser d'une jeune femme voyant sa mère morte, les soirs d'hiver où la neige recouvre new-york ? Ma mère aimait la neige, autant que moi je crois.

Je suis grande, comme l'était mon père. J'ai le nez de ma grand mère, et de mon arrière grand mère, c'est la marque de fabrique, je crois. J'ai les yeux bleus de ma maman, ceux beaucoup trop bleus pour qu'on puisse les regarder longtemps. La seule chose qui m'appartiens réellement, c'est ma bouche, je crois. Elle est celle qui est unique. Celle qu'on a jamais vu avant ça. Celle qui m'est propre, et qui me défini, je crois.