{ Affaire de famille } - Tom

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Voilà une heure que je patiente à son chevet. Tom... Il aura certaines choses à m'expliquer à son réveil... Je tends une main hésitante vers son visage, avant d'ébouriffer tendrement ses cheveux. Depuis combien de temps n'ai-je pas eu de gestes comme celui-ci envers lui ? En ai-je déjà eu ? J'ai l'impression qu'on m'a volé une partie de moi, que j'aurais pu bien m'entendre avec lui... Mais ça ne s'est pas passé comme ça.
Je tâte avec précautions mon ventre couvert d'hématomes. La scène me revient avec toujours plus de netteté. D'abord, ces hommes que je ne connais pas. Puis la rage qui m'envahit lorsque l'un d'eux me met une gifle. Un goût de sang dans la bouche. Je tente de m'élancer vers lui, mais ses deux gorilles me retiennent et me jettent à terre. Et la douleur, toujours plus forte...
Le médecin a dit que je m'en étais bien sortie, que j'avais eu de la chance qu'ils ne me cassent pas de côtes. Ca n'avait rien à voir avec la chance, rien... Tom était intervenu... Pour me sauver, moi, sa petite soeur qui lui a craché des horreurs au visage il y a deux ou trois jours.
Je ne cherche même pas à retenir la larme qui coule librement le long de ma joue, et soupire. Je me lève et patiente à la fenêtre. Je voudrais juste qu'il ouvre les yeux...

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Douleur. Ce mot si vide de sens prenait enfin toute sa signification. Je pouvais sentir chaque parcelle de mon corps souffrir. Les souvenirs de la veille me revinrent d'un coup en mémoire. J'avais ouvert les yeux mais les refermait bien vite à cause de la grande luminosité qui envahissait la pièce. Je me souvins d'hier. J'avais vu Amy, aux prises avec la bande. Ils étaient en train de lui faire du mal. J'avais réagi aussi vite que possible en la défendant, lui permettant de s'enfuir. Enfin, je l'espérais.
Mes yeux s'habituèrent lentement à la lumière et je vis une silhouette près de la fenêtre. Assez petite, je ne la reconnus pas car elle était de dos.

Hey.

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Il m'a dit de courir. J'ai couru, appelé les secours. On m'a félicitée... Tu parles... J'ai fui comme une lâche, je l'ai abandonné à ses bourreaux. A mes bourreaux. Une fois de plus, je me hais. c'est drôle comme ça m'arrive souvent, ces temps-ci. Pourquoi ne peut-on pas réécrire entièrement certains chapitres de sa vie ? Pourquoi doit-on se contenter des brouillons ?
Une voix me sort de ma torpeur. La sienne.
Je me retourne vivement et remarque ses yeux grands ouverts qui s'interrogent. Au moins, ce côté-là de son caractère reste inchangé. J'ai peur qu'il ne soit plus lui-même après ça. Et pourtant, j'en ai eu tellement, de choses à lui reprocher... Aujourd'hui, dans cette chambre d'hopital, je ne peux pas.
Je m'approche doucement et lui saisit la main, que je pose contre mon coeur. Ce n'est pas le moment de me sortir d'une situation en lançant des blagues. Ca fait quelques jours que ce n'est plus efficace, de toute manière...

- Pourquoi, Tom ... ?

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La silhouette se retourna mais elle restait tout de même floue. Ils devaient me foutre des sacrés doses pour que je ne parvienne pas à reconnaitre la personne. Au bout de quelques instants, je parviens à reconnaitre Amy. Des marques sur le visage mais entière. J'avais du soulagement qui envahissaient tout mon corps. Si ma petite soeur ne s'en serait pas sortie, je ne sais pas ce que j'aurais fait. Elle me prit la main et la posa sur son coeur, simple geste de gratitude qui me fait tant de bien.

- Pourquoi, Tom ... ?

Cette simple question me ramène à la réalité. Je n'ai pas de réponses à cette question tout simplement parce qu'elle est trop vague. Pourquoi quoi d'ailleurs? Pourquoi elle? Pourquoi je l'ai défendue? J'attend de sa part une continuité à ce simple mot : Pourquoi.

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Il a semblé ne pas me reconnaître quand je me suis approchée. Et même maintenant qu'il me voit correctement, il ne paraît pas vouloir répondre à ma question. Ou ne pas savoir...
Je soupire une fois encore et m'allonge à côté de lui. Je me blottis au maximum contre sa chaleur. Si on m'avait prévenue il y a une semaine que je serais dans une chambre d'hopital à m'inquiéter pour Tom, j'aurais éclaté de rire.

- Je crois que t'as deux trois choses à m'expliquer... Déjà, comment tu m'as trouvée ?

Je ne veux pas paraître de l'interroger, mais j'ai besoin de savoir. Je sens que cela a peut-être un lien avec la distance qui a toujours été la particularité de notre relation. Ou du moins, je voudrais y croire.

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Avec surprise, je sens Amy se blottir contre moi. J'ai mal aux côtes mais ne lui dis pas parce que je suis heureux. Dire qu'il aura fallu qu'on l'agresse pour qu'elle se rapproche de moi. Si on me l'avait dit, je l'aurais jamais cru.

- Je crois que t'as deux trois choses à m'expliquer... Déjà, comment tu m'as trouvée ?

Je tentais de me redresser pour la regarder. En vain, j'avais trop mal.

Rassure moi, dis moi qu'ils ne t'ont pas fait trop mal. Que je suis arrivé à temps.

Je m'en voulais terriblement déjà qu'ils s'en soient pris à elle. Toutes ces années de silence et de séparation, de mensonges n'avaient donc servies à rien. Une larme coula le long de ma joue. Je détournai le regard pour ne pas qu'Amy s'en rende compte. Peine perdu. Ma soeur a un regard subtil et rien ne lui échappe.

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Il évite ma question, mais je ne dis rien. Ce n'est pas le moment, ni l'endroit idéal pour cela... Il n'empêche que j'aurais tellement voulu savoir... Il y a trois jours, je lui aurais montré mon ventre couvert de bleus avec un regard haineux. Aujourd'hui, j'en suis tout bonnement incapable. Tel un automate bon marché, je réponds:

- Ils ne m'ont pas fait trop mal. T'es arrivé à temps.

Je remarque à ce moment une larme perler le long de sa joue, qu'il tente inutilement de me cacher. Je me sens incapable de le consoler, minable comme je suis. Je ne comprends pas la situation.

- Quand je suis revenue, ce jour-là... T'avais raison... J'avais passé la nuit chez mon copain. Avec lui...

Il sait très bien de quoi je parle. Cette foutue nuit où tout a basculé entre nous.

- Mais t'as pas cherché à savoir si je l'avais voulu...

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- Ils ne m'ont pas fait trop mal. T'es arrivé à temps.

Elle ne pouvait pas savoir à quel point j'étais soulagé. Qui aurait pu dire ce qui aurait pu lui arriver?

- Quand je suis revenue, ce jour-là... T'avais raison... J'avais passé la nuit chez mon copain. Avec lui...

Je savais de quoi elle parlait. De sa première fois. J'avais trouvé cette excuse pour m'éloigner d'elle.

- Mais t'as pas cherché à savoir si je l'avais voulu...

Ces mots résonnèrent dans ma tête. "Si je l'avais voulu....". Je ne supportais déjà pas que quiconque pose la main sur elle alors si en plus, elle n'était pas consentante, je serais capable du pire. La gorge et les poings serrés, je parvins tout de même à lui poser cette phrase.

Je veux le savoir maintenant. Est ce que tu étais consentante?

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Je le sens se crisper contre moi. Il ne s'y attendait visiblement pas. Pardonne-moi, grand frère... Toi aussi tu vas devoir vivre avec ce poids...

Je veux le savoir maintenant. Est ce que tu étais consentante?

Impossible de lui mentir à présent. Il a très bien compris ce qui s'est passé cette nuit-là, alors pourquoi insiste-t-il ? Espère-t-il avoir mal compris ? Il y a trois ans, il n'y avait rien que je ne puisse comprendre... Je ne pouvais pas espérer quoi que ce soit, même pas l'hypothèse du cauchemar.

- Je ne sais pas... Peut-être que dans d'autres circonstances, je l'aurais été...

Je cherche des excuses à ce porc... Je veux épargner à Tom d'avoir à le haïr comme je l'ai fait. Qu'il fasse comme moi, qu'il joue l'indifférence... Cela demande moins d'énergie.
Je peux sentir malgré tout sa colère.

- Désolée ...

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- Je ne sais pas... Peut-être que dans d'autres circonstances, je l'aurais été...

J'espèrais de tout mon coeur avoir mal compris, que tout ça était une redoutable méprise, que ma petite soeur ne s'était pas fait ... Non, c'était impensable à mes yeux. Rien que le fait de prononcer cette phrase me semblait impossible alors imaginer la scène...... La colère montait en moi comme la lave d'un volcan.

- Désolée ...

Ce simple mot sorti de la bouche d'Amy me stupéfia.

Non, ce n'est pas à toi d'être désolée mais à moi. J'aurais dû te protéger. Je te jure que dès que je sors d'ici, je vais le trouver ce sal*** et il paiera pour ce qu'il t'a fait.

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Il me fait presque peur... Je tente de réagir le plus rapidement possible en prononçant les mots qui me viennent à l'esprit:

- C'était pas un viol ! On... On était bourrés, Tom... Il faut pas chercher plus loin. Cette nuit n'était pas la meilleure, mais j'aurais fini un jour ou l'autre par coucher avec... C'était pas un viol...

Qui est-ce que j'essaie de convaincre ? Moi, ou lui ? Au moins, je n'ai pas peur de dire le mot tabou.

- C'est fini, maintenant. Ca fait trois ans, c'est oublié, c'est du passé...

C'est tellement oublié que je n'ai jamais retenté l'expérience... Mais cela il l'ignore...

- Je veux pas me souvenir de cette nuit. Pas maintenant alors que j'ai réussi à tout reconstruire... Tu comprends, je suis heureuse, maintenant...

J'ai la gorgée nouée par l'émotion. Est-il au courant pour Shawn ?

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- C'était pas un viol ! On... On était bourrés, Tom... Il faut pas chercher plus loin. Cette nuit n'était pas la meilleure, mais j'aurais fini un jour ou l'autre par coucher avec... C'était pas un viol...

Je ne suis pas convaincu par ce qu'elle me dit. Pourquoi me dit elle ça? Pour protéger son bourreau?

- C'est fini, maintenant. Ca fait trois ans, c'est oublié, c'est du passé...

Non, je pense plutôt qu'elle cherche à oublier et que cette agression a fait remonter les mauvais souvenirs à la surface.

- Je veux pas me souvenir de cette nuit. Pas maintenant alors que j'ai réussi à tout reconstruire... Tu comprends, je suis heureuse, maintenant...

Bingo! J'ai réussi à trouver le décodeur des sentiments d'Amy.

Oui, Shawn m'a parlé de toi. Il est très amoureux tu sais. C'est un garçon bien qui t'aime vraiment.

Les effets de la morphine disparaissaient lentement et je me sentis partir dans un sommeil profond en prononcant cette dernière phrase. J'entendis Amy m'appeler d'une voix inquiète.

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Oui, Shawn m'a parlé de toi. Il est très amoureux tu sais. C'est un garçon bien qui t'aime vraiment.

Problème. Comment il sait ça, lui ? Je voudrais l'interroger mais je vois ses yeux qui se ferment peu à peu. Je ne sais comment réagir. Est-ce que c'est grave ?

- Tom...

Je le secoue légèrement, mais il ne réagit pas.

- Tom ! Réponds-moi !

Je devine un tictus de douleur sur ses traits. Paniquée, je sors en trombes de la pièce et alerte une infirmière, qui accourt aussitôt. Elle lui réinjecte de la morphine et me rassure. "Ce n'était rien". Bah voyons, qu'aurait-elle fait à ma place ? Elle ne s'est pas faite agressée et n'a pas vu son frère se faire tabasser... Cela dit, tant mieux pour elle. Je la remercie et attend patiemment que mon frère daigne ouvrir les yeux.

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Je rouvre les yeux quelques instants plus tard.

Ouh la! Qu'est ce qui s'est passé? Je suis tombé dans les vapes ou quoi?

Je vis à son visage que oui.

Désolé de t'avoir fait peur.

Je me relevais un peu, grimacant de douleur malgré la morphine. Je remarquais qu'elle voulait me demander quelque chose.

Vas-y pose la question qui te brule les lèvres.

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Enfin, ses yeux me fixent, un peu perdus. Oui, tu es tombé dans les vapes, et pas qu'un peu... Comment peux-tu me faire aussi peur, alors qu'auparavant tu n'étais pas là pour moi ? ...

Désolé de t'avoir fait peur.

- Sois pas désolé... T'es là par ma faute, alors...

Il tente avec peine de se redresser. Cette vision me serre le coeur, et je ne peux m'empêcher de fermer les yeux. Quand je les rouvre, je sens une unique larme couler le long de ma joue. Je l'essuie rapidement, avant qu'il la voie...

Vas-y pose la question qui te brule les lèvres.

- Comment as-tu su... Pour Shawn ?

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- Comment as-tu su... Pour Shawn ?

Cette simple question et la larme que j'avais vu couler le long de sa joue me serre le coeur.

C'était évident. Je ne te voyais pas avec un autre que lui. Et il l'a confirmé quand je lui ai parlé l'autre jour. Mais j'aurais voulu que ce soit toi qui m'en parle. On ne s'est que trop éloignés ces dernières années. Je donnerais tout pour retrouver notre complicité.

Je la regarda, espérant qu'elle confirmerait. J'avais le coeur gros en attendant sa réponse.

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